Spécial 50 ans
Auteur(s) : Marine Neveux
« Vers une révolution digitale dans la formation et les soins vétérinaires », tel était le thème de la soirée organisée le 29 juin dernier au centre Étoile Saint-Honoré à Paris, à l’occasion des 50 ans du Point Vétérinaire(1). Un thème de réflexion fidèle au cap fixé dès la création de la revue, en permanence orienté vers l’innovation au service du vétérinaire.
L’innovation est depuis le début dans l’ADN du Point Vétérinaire, comme l’a souligné Patrick Join-Lambert, cofondateur de la société du même nom, de la revue, mais également de La Semaine Vétérinaire et d’autres initiatives. Ainsi, la révolution digitale a été l’objet de deux tables rondes, l’une axée sur « la réalité virtuelle : un changement de paradigme ? » et l’autre sur « la réalité virtuelle en santé et pratique vétérinaires ». Julien Kouchner, dirigeant de la société 1Health dont fait partie Le Point Vétérinaire, a rappelé en introduction qu’il est depuis l’origine engagé dans la démarche “One Health”, comme en témoigne le cycle de conférences organisé avec L’Obs(2) sur le thème « santé humaine, santé animale, santé de l’environnement : l’équation de notre avenir ». Selon lui, la place des vétérinaires dans cette approche globale du vivant est majeure et centrale. Plusieurs partenaires (Axience, Dermoscent Nextmune, Hill’s, TVM Dômes Pharma et Vetoquinol) ont soutenu l’initiative de cet anniversaire. D’autres événements à venir marqueront également cette année.
« Le métavers est amené à révolutionner l’ensemble de nos activités (divertissement, éducation, productivité, retail, marketing, santé, etc.), a souligné Morgane Soulier, consultante et conférencière spécialisée dans les nouvelles technologies. Que ce soit dans le cadre personnel (rencontrer des amis, aller à un concert, acheter des vêtements) ou dans la sphère professionnelle (émergence de nouveaux métiers), cela va créer de nombreuses opportunités, notamment dans le domaine de la santé. » Citant la célèbre spécialiste du monde virtuel en 3D Cathy Hackl, qui fait référence dans le monde du métavers, Morgane Soulier a rappelé qu’au début des années 2000 ou 2010, lors de l’arrivée de Facebook et des réseaux sociaux, « n’importe quelle entreprise, dans le domaine médical ou non, se demandait s’il fallait créer un compte Facebook, LinkedIn, Instagram pour valoriser son activité. C’est un peu la même question que l’on se pose aujourd’hui avec le monde virtuel et l’intelligence artificielle dans le cadre des activités professionnelles, et bien entendu la réponse est oui. C’est l’avenir de l’Internet, des réseaux sociaux, et il faut s’en préoccuper dès maintenant. »
Avec le métavers, nous sommes entrés dans la troisième ® évolution de l’Internet. Le Web 1, dans les années 1990, marque les débuts de la distribution d’informations, avec les moteurs de recherche, les e-mails et les premiers sites d’e-commerce : « On pouvait juste créer et consulter des pages de texte statiques, sans pouvoir écrire ou commenter du contenu nous-même. » Dans les années 2010, le Web 2 ouvre l’ère des réseaux sociaux : « Nous sommes devenus proactifs, producteurs de contenus, capables d’interagir, de rencontrer des personnes habitant n’importe où dans le monde. » Aujourd’hui, le Web 3 est en marche, avec son univers virtuel, ses blockchains, ses cryptomonnaies, ses tokens non fongibles (NFT), etc. « Le métavers est un ensemble de mondes virtuels dans lesquels on va pouvoir se façonner des avatars à notre goût, travailler, nous déplacer, nous habiller, danser, écouter un concert avec plusieurs millions de personnes, interagir socialement et professionnellement, des univers qui vont être potentiellement indépendants économiquement et au sein desquels le monde réel et le monde fictif vont se confondre et vont surtout nous permettre de vivre des expériences émotionnellement et sensoriellement riches. »
Il existe aujourd’hui plus de 200 plates-formes qui proposent des expériences dans le métavers. Par exemple, dans le domaine de la formation digitale en santé, Simango est une entreprise française qui a développé un hôpital dans le métavers permettant de former les équipes via la simulation numérique et la réalité virtuelle. De son côté, Half + Half de Meta offre des expériences virtuelles (natation, deltaplane, cache-cache, etc.) qui permettent de faire de la relaxation dans le métavers. « C’est un marché en pleine explosion ! À l’horizon 2030, le métavers devrait peser plus de 1 500 milliards de dollars, dont 71,2 milliards dans le domaine de la santé où réalités virtuelle et augmentée sont au cœur des expériences. »
Les plates-formes de gaming sont bien entendu précurseurs en la matière, et déjà largement adoptées : Fortnite (via Party Worlds) réunit ainsi quelque 350 millions d’utilisateurs dans le monde, tandis que le métavers coréen Zepeto, qui donne accès à « un autre moi dans un autre univers », compte déjà 200 millions de fans et devrait bientôt arriver en France…
« Il faut acculturer le monde de l’entreprise pour embarquer les équipes internes dès aujourd’hui. Les nouveaux métiers ne sont pas uniquement techniques, il est préférable de former des équipes pluridisciplinaires », estime Morgane Soulier, qui n’occulte pas les nombreux défis qui restent à relever : l’accès à l’équipement requis pour une expérience optimale, la nécessité du très haut débit, l’enjeu de la sécurisation des données, la question éthique, l’impact psychologique, etc. Mais que les femmes et les hommes de l’art se rassurent : « Dans le domaine de la santé, le numérique ne viendra jamais remplacer le lien physique et rassurant entre le patient et le soignant, même s’il peut aider à surmonter certaines difficultés. »
D’ailleurs, le phygital, qui allie la présence humaine et les outils digitaux, représente aujourd’hui un enjeu d’avenir face au manque chronique d’accès aux soins, à la frontière entre le monde physique et le monde numérique…