ÉTIOLOGIE DES UVÉITES CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT - Le Point Vétérinaire n° 446 du 01/10/2023
Le Point Vétérinaire n° 446 du 01/10/2023

OPHTALMOLOGIE

Dossier

Auteur(s) : Guillaume Payen

Fonctions : (dipECVO)Service d’ophtalmologie
Centre hospitalier vétérinaire Frégis
9 rue de Verdun
94250 Gentilly

Les uvéites figurent parmi les affections oculaires les plus fréquentes chez le chien et le chat. Les causes, locales ou générales, infectieuses ou non, sont nombreuses et souvent difficiles à appréhender. Néanmoins, chaque espèce a ses particularités.

Comme l’œil est un viscère richement vascularisé, de nombreuses maladies systémiques, infectieuses, parasitaires, tumorales et métaboliques peuvent provoquer une uvéite chez le chien et le chat. Ainsi, chez ce dernier, les implications du coronavirus félin, du virus de l’immunodéficience féline (FIV) ainsi que celle du lymphome sont fréquentes. Chez le chien, bien que le nombre d’affections systémiques responsables de lésions d’uvéite soit très important, la plupart d’entre elles correspondent à des maladies isolées à l’œil et à médiation immune.

1. ORIGINES

Les causes connues des uvéites sont diverses et très nombreuses chez le chien. Hormis les traumatismes, les causes infectieuses (virus, bactéries, parasites) représentent la majorité des cas pour lesquels un diagnostic peut être établi, puis viennent les causes tumorales primaires ou secondaires et l’hypertension artérielle. Il est néanmoins discutable de placer l’hypertension artérielle dans les causes d’uvéite dans la mesure où ce sont les anomalies hémodynamiques qui sont responsables de saignements intraoculaires et non d’une inflammation stricto sensu.

Comme chez l’humain, nombre d’uvéites des carnivores domestiques ne présentent pas de cause identifiée et sont alors qualifiées d’idiopathiques ou de dysimmunitaires (tableaux 1 et 2) [7, 12]. Ainsi, une étude rétrospective de 2002 portant sur 102 cas d’uvéite canine (excluant les traumatismes et les uvéites phaco-induites) rapporte 58 % d’uvéites idiopathiques ou à médiation immune, 24 % d’uvéites secondaires à une tumeur intraoculaire et 18 % d’uvéites d’origine infectieuse.

Bien que le diagnostic étiologique d’une uvéite représente un défi, il n’en reste pas moins indispensable de suivre une démarche rigoureuse permettant d’exclure la survenue d’une maladie systémique. Par ailleurs, l’initiation d’un traitement immunomodulateur pour la gestion de certaines uvéites à médiation immune implique d’avoir écarté d’autres causes, infectieuses notamment.

2. CAUSES OCULAIRES

L’ulcère cornéen et le réflexe uvéal

Lorsqu’un ulcère atteint le stroma cornéen, notamment dans le cas d’une surinfection bactérienne, un réflexe uvéal peut être mis en évidence. Celui-ci correspond à une stimulation du plexus nerveux cornéen à l’origine d’une libération de prostaglandines intraoculaires. La manifestation de l’uvéite s’exprime le plus souvent par un myosis anisocorique, une hypotonie oculaire et/ou la formation d’un hypopion (parfois stérile) dans la partie déclive de la chambre antérieure, dont la sévérité est corrélée à celle de l’atteinte cornéenne (photo 1).

Les traumatismes

Les traumatismes cornéens perforants (y compris les plaies postopératoires en cas de chirurgie intraoculaire) sont distingués des traumatismes contondants (dus à une balle par exemple). Dans le cas d’une plaie de lacération ou de la perforation d’un ulcère cornéen, une uvéite aiguë se produit (photo 2). L’inoculation de particules dans l’œil peut majorer l’intensité de l’inflammation uvéale. De plus, l’inoculation de germes par la plaie de lacération peut déclencher une inflammation uvéale de nature septique (endophtalmie). En cas de plaie de lacération par une griffure de chat, qui survient fréquemment chez de jeunes chiens, la griffure peut atteindre le cristallin et déchirer sa capsule antérieure [2]. Lorsque cette déchirure est “conséquente”, du matériel cristallinien est libéré dans l’humeur aqueuse. Or les protéines cristalliniennes (cristallines) sont très immunogènes et majorent les lésions de l’uvéite, alors qualifiée de phacoclastique. Cette uvéite est très aiguë et aboutit, en une à deux semaines, à des séquelles très fréquemment responsables de cécité. Dans ce cas, la seule option thérapeutique consiste en une extraction du cristallin (chirurgie de la cataracte) pour retirer le matériel cristallinien immunogène (photo 3). De leur côté, les traumatismes contondants ont des conséquences le plus souvent corrélées à leur intensité. La présence d’un hyphéma représente un facteur pronostique péjoratif. L’évaluation du réflexe photomoteur indirect (en stimulant l’œil atteint) et l’échographie oculaire permettent d’évaluer l’intégrité du segment postérieur et de la rétine (voir l’article suivant de ce dossier).

Les tumeurs intraoculaires

Chez les carnivores domestiques, les tumeurs intraoculaires primitives de l’uvée sont de nature diverse (lymphome, adénome, adénocarcinome du corps ciliaire, mélanome uvéal, etc.). Elles peuvent être bénignes ou malignes et responsables de symptômes d’intensité variable, parfois à l’origine d’une uvéite tardive (photo 4). Les lymphomes, de nature principalement métastatique chez le chien, provoquent fréquemment des épanchements diffus hémorragiques (hyphéma) dans la chambre antérieure de l’œil avec une présentation le plus souvent bilatérale (photo 5) [11].

Chez le chat, les lymphomes oculaires peuvent être solitaires ou métastasiques. Leur présentation clinique est variée, allant d’un coagulum fibrino-hémorragique isolé dans la chambre antérieure à une infiltration diffuse de l’iris qui apparaît dyscorique et en relief (photos 6 et 7). Des infiltrations tumorales diffuses ou nodulaires sont ainsi possibles. Une étude montre que l’aspect anatomopathologique est variable, prenant la forme d’une tumeur organisée de l’uvée antérieure (14 yeux), d’une tumeur organisée développée dans l’uvée antérieure et l’uvée postérieure (5 yeux), et d’un infiltrat diffus (14 yeux) (photos 6 et 7) [14].

Le diagnostic des tumeurs intraoculaires n’est donc pas toujours aisé. Il est facile en cas de forme nodulaire débordant sur la chambre antérieure. Enfin, des formes présumées solitaires de lymphomes sont également rapportées en l’absence de tout autre signe d’atteinte systémique. Dans ces cas, les lésions oculaires correspondent à des formes peu spécifiques d’uvéite antérieure.

Les causes intraoculaires à médiation immune

L’uvéite phacolytique

L’uvéite phacolytique est probablement la principale cause d’uvéite à médiation immune chez le chien, associée à la présence d’une cataracte (photo 8). Il s’agit essentiellement de cataractes héréditaires acquises, juvéniles (avant l’âge de 2 ans) et “classiques” survenant à l’âge adulte, mais aussi de cataractes d’origine diabétique. Dans ces cas, l’évolution (souvent rapide) de la cataracte d’un stade immature vers un stade mature puis hypermature s’accompagne d’une dissolution des protéines cristalliniennes corticales. Une fois dissoutes, ces protéines sont alors en mesure de traverser la capsule du cristallin vers l’humeur aqueuse. Ces protéines, très immunogènes car mal reconnues par le système immunitaire, entretiennent une uvéite phacolytique à l’intensité variable [17].

L’uvéite pigmentaire ou uvéite du golden retriever

L’uvéite pigmentaire est un exemple de maladie oculaire primitive à médiation immune, initialement rapportée aux États-Unis. Cette uvéite à prédominance raciale intervient chez le golden retriever, le dogue allemand et le bulldog américain. Il s’agit d’une uvéite chronique, souvent bilatérale (60 à 90 % des cas), caractérisée initialement par des migrations de pigments de mélanine de manière radiaire sur la capsule antérieure du cristallin et la présence concomitante de kystes irido-ciliaires. Cette affection, qui survient vers l’âge de 8 ans, est associée à un pronostic réservé sur le plan visuel en raison du risque élevé de complications hypertensives (jusqu’à 50 % des cas selon les études) [8].

Les uvéites idiopathiques

Chez le chien, 40 à 60 % des cas d’uvéite demeurent “idiopathiques” malgré des investigations étendues(1). Bien qu’il s’agisse d’un diagnostic d’exclusion, un processus à médiation immune est présumé pour expliquer la majorité des uvéites dans cette espèce. Plusieurs cas de décollement de rétine sensibles aux corticoïdes sont rapportés chez le chien [6]. Associée ou non à des lésions d’uvéite antérieure, cette maladie est une entité rarement décrite, mais considérée comme une cause d’uvéite à médiation immune.

Chez le chat, les uvéites de nature idiopathique représentent jusqu’à près de 70 % des cas selon les études [7]. Ce type d’uvéite atteint majoritairement le segment antérieur (uvéites antérieures et intermédiaires). De nature souvent lymphoplasmocytaire, ce type d’uvéite affecte le plus souvent des animaux âgés (à partir de 10 ans) et évolue à bas bruit. Les présentations cliniques incluent une rubéose irienne, des lésions diffuses d’iritis, parfois des précipités kératiques, fréquemment des nodules grisâtres sur la face antérieure de l’iris(2). Des séquelles d’uvéite intermédiaire sont également souvent mises en évidence sous la forme de dépôts ponctiformes translucides à l’interface entre la capsule postérieure du cristallin et le vitré antérieur(3). À moyen et long termes, ces uvéites se compliquent fréquemment d’un glaucome, d’une (sub)luxation du cristallin et d’une cataracte.

3. CAUSES NON OCULAIRES INFECTIEUSES

Les infections bactériennes systémiques

Les infections bactériennes systémiques sont des causes non oculaires relativement rares d’uvéite, par septicémie et/ou endotoxémie. Ainsi, des foyers infectieux distants (utérins, prostatiques, etc.) ou locorégionaux (abcès, etc.) peuvent entraîner une uvéite de nature septique (endophtalmie) ou aseptique.

Lors d’endophtalmie, le pronostic est alors très réservé, pour le globe oculaire comme pour la vision. Parmi les maladies bactériennes spécifiques, l’ehrlichiose peut provoquer des lésions oculaires variées comme une uvéite antérieure, une panuvéite (lésions concomitantes d’uvéite antérieure et postérieure) et parfois des lésions de névrite optique (photo 9). Associées à des vascularites, les uvéites à ehrlichiose sont fréquemment accompagnées d’un hyphéma ou d’hémorragies du fond d’œil [10]. D’autres infections bactériennes peuvent être associées à des uvéites chez le chien. Des cas sporadiques d’uvéite non spécifique sont décrits chez des chiens atteints de borréliose, de brucellose et de leptospirose. L’adénovirus canin de type 1 (CAV-1) peut provoquer une uvéite secondaire au dépôt d’immuns complexes formés lors de la maladie. Elle est associée à une endothélite (œdème diffus intense de la cornée) qui peut dominer le tableau clinique et masquer l’inflammation intraoculaire. Toutefois, la vaccination systématique des chiens a rendu la prévalence de cette maladie extrêmement faible. De même, les cas d’uvéite postvaccinale ont disparu depuis l’interdiction de vaccins à virus vivant modifié [6].

Les maladies parasitaires

La leishmaniose

Parmi les causes parasitaires, la leishmaniose est la maladie qui provoque le plus fréquemment des lésions oculaires chez le chien. Dans une étude récente portant sur 53 cas, plusieurs lésions sont recensées : des kératoconjonctivites (72 % des cas dont 40 % associés à un œil sec), des conjonctivites folliculaires (55 %), des blépharites (51 %), des kératites et ulcères cornéens (34 %), des uvéites antérieures (21 %) et des uvéites postérieures (12 %). L’uvéite peut être associée à des lésions de kératite (néovascularisation) et parfois à un dysfonctionnement de l’endothélium cornéen responsable d’un oedème de cornée. Les lésions évoluent par crises. D

es nodules épiscléraux se développent quelquefois à proximité du limbe cornéo-scléral, de même que des nodules iriens [4].

La toxoplasmose

Toxoplasma gondii est un protozoaire qui infecte les chats. Des études anciennes montrent qu’il peut entraîner une uvéite antérieure (dans 90 % des cas) ou postérieure (dans 30 % des cas) lors d’infections induites expérimentalement. L’inflammation est due à la présence intraoculaire du parasite et à des phénomènes dysimmunitaires. Dans le tableau clinique de l’uvéite antérieure, il est possible de mettre en évidence des dépôts en “graisse de mouton” sur la face postérieure de la cornée (précipités kératiques épais et larges). Les lésions des uvéites postérieures se caractérisent par des foyers de choriorétinite, des manchons inflammatoires périvasculaires, des granulomes (avec présence d’oocystes), des hémorragies rétiniennes et des décollements de rétine exsudatifs (photo 10). Aujourd’hui, le rôle de la toxoplasmose comme inducteur d’uvéites chez le chat est controversé. L’implication de T. gondii est en effet très difficile à confirmer en cas d’uvéite et aucune publication n’a permis à ce jour de démontrer histologiquement la présence du parasite dans l’œil de chats souffrant d’uvéite antérieure [5].

Les chiens ne sont pas des hôtes définitifs du parasite, contrairement aux chats. Les atteintes oculaires, rarement décrites, ne sont généralement pas associées à une manifestation systémique de la maladie et les quelques cas décrits rapportent des lésions d’uvéite antérieure, de choriorétinite, ainsi qu’une myosite des muscles extraoculaires et une névrite optique [6].

Les maladies fongiques

En Europe, seule la cryptococcose est signalée sporadiquement en cas d’uvéite chez le chat et le chien. Les lésions de panuvéite sont sévères et atteignent majoritairement le segment postérieur de l’œil (photo 11). Elles incluent des hyalites (inflammation vitréenne) très exsudatives ainsi que des atteintes étendues de choriorétinite. Le pronostic visuel est généralement sombre [5, 6].

Les maladies virales

Le virus de la leucose féline (FeLV)

D’après l’étude de Kipar et son équipe, l’incidence des maladies oculaires parmi les chats atteints cliniquement de leucose féline est d’environ 2 % [9]. Le lymphome est une cause relativement fréquente d’uvéite chez le chat. Ils peuvent dans certains cas être induits par l’ADN proviral du FeLV, même si le virus de la leucose féline ne semble pas avoir d’effet cytopathogène direct sur l’uvée [19]. Néanmoins, l’incidence du FeLV a diminué au cours des deux dernières décennies, à tel point que la corrélation entre les lymphomes félins (toutes formes confondues) et une infection par le FIV est désormais plus forte aux États-Unis qu’avec une infection par le FeLV [14].

La traduction oculaire la plus fréquente d’une atteinte par le virus de la leucose est celui d’une uvéite antérieure non spécifique. Celle-ci est due soit à des phénomènes strictement inflammatoires et immunitaires, soit plus vraisemblablement à une invasion tissulaire par des cellules tumorales lymphomateuses. Ces mêmes cellules peuvent entraîner un encombrement de l’angle irido-cornéen et un glaucome secondaire. Bien que moins fréquente, l’uvéite postérieure se traduit par une hyalite, un décollement de la rétine et des hémorragies rétiniennes, la plupart du temps consécutives à des maladies hématologiques induites par le virus (anémie notamment) [5].

Le virus de l’immunodéficience féline (FIV)

Différents travaux ont mis en évidence par génétique moléculaire la présence du virus dans l’humeur aqueuse de chats atteints d’uvéite [7]. La pathogénie des signes cliniques engendrés n’est pas encore totalement élucidée, mais le développement de maladies opportunistes comme la toxoplasmose est suspecté [16]. Le virus de l’immunodéficience féline peut générer une uvéite antérieure non spécifique. Il est fréquent d’observer des nodules grisâtres de 1 à 2 mm de diamètre sur la face antérieure de l’iris (photo 12). Des uvéites intermédiaires sont également observées (pars planite ou hyalite antérieure) et se traduisent par la présence d’infiltrats ponctiformes blanchâtres, à proximité des fibres de la zonule et dans le vitré antérieur périphérique(4). La luxation secondaire du cristallin est une complication fréquente(5). Ce tableau clinique n’est pas pathognomonique de l’immunodéficience féline et présente de nombreuses similitudes avec celui des uvéites lymphoplasmocytaires idiopathiques.

La péritonite infectieuse féline (PIF)

Les formes oculaires de PIF sont, pour la plupart, associées aux formes sèches de la maladie. L’incidence des atteintes oculaires est forte [2]. Une étude révèle ainsi que 60 % des cas atteints d’une forme sèche de péritonite infectieuse féline présentaient des lésions d’uvéite [9]. Concernant l’ensemble des formes cliniques de PIF, les auteurs d’une autre étude indiquent que 29 % des chats inclus présentaient des lésions oculaires. La maladie atteint essentiellement les jeunes animaux : 70 % des chats infectés avaient moins de 1 an dans l’étude de Pedersen [15].

Uvéites antérieures et postérieures, souvent très exsudatives, coexistent. Les lésions sont fréquemment bilatérales. L’uvéite antérieure est caractérisée par l’intensité de la réaction inflammatoire, très exsudative, avec des dépôts de précipités kératiques sur la face endothéliale de la cornée. Des hyphémas sont également souvent décrits. L’atteinte du segment postérieur se présente sous la forme de vascularites pyogranulomateuses, d’exsudats périvasculaires, d’hémorragies rétiniennes et prérétiniennes, de décollements de rétine et de névrite optique (photos 13, 14, 15) [15]. Il s’agit, d’un point de vue anatomopathologique, d’une uvéite de nature granulomateuse, caractérisée par un infiltrat de l’uvée par des macrophages, entre autres cellules inflammatoires, secondaire au dépôt d’immuns complexes [9]. Affectant fréquemment les jeunes individus, l’uvéite secondaire à une infection par le virus de la PIF entre dans le diagnostic différentiel d’une uvéite chez le jeune chat, lequel présente des uvéites antérieures “banales” dont l’origine est mal déterminée mais qui sont associées à un pronostic habituellement très bon, tant pour l’œil que pour l’animal. Concernant la PIF, les durées médianes de survie vont de 38 à 111 jours selon les études [9, 15]. Toutefois, la commercialisation d’un nouveau médicament au Royaume-Uni (promédicament GS-5734 d’adénosine nucléoside monophosphate), ciblant certains virus à ARN, apparaît comme une option efficace et sûre pour le traitement de la PIF et semble améliorer le pronostic lié à cette maladie. Ce médicament n’a pas encore d’autorisation de mise sur le marché vétérinaire français.

4. AUTRES CAUSES NON OCULAIRES

Le syndrome uvéo-dermatologique

Le syndrome uvéo-dermatologique, aussi appelé syndrome oculo-cutané ou pseudo-syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada (VKH), est une maladie à médiation immune qui entraîne des lésions d’uvéite antérieure, de choriorétinite, et de dermatite aux jonctions cutanéo-muqueuses (poliose et vitiligo) particulièrement pigmentées (chanfrein, babines, scrotum, paupières). La maladie a été initialement décrite chez des chiens de race akita inu au Japon en 1977 [1].

Si l’akita inu est le plus atteint par ce syndrome, d’autres races sont également affectées, notamment le samoyède, le husky sibérien et le berger des shetland. Il n’y a pas de prédisposition de genre et l’âge d’apparition varie de 6 mois à 6 ans (moyenne de 3 ans). La pathogénie de ce syndrome n’est pas complètement élucidée, mais il s’agit d’une maladie auto-immune dirigée contre les mélanocytes [3]. Les signes oculaires, habituellement bilatéraux, incluent une uvéite antérieure, une panuvéite, une dépigmentation de l’iris et/ou de la choroïde en dehors de la zone du tapis et des décollements bulleux de la rétine (photo 16). Des complications telles qu’une cataracte, des synéchies postérieures étendues, un iris bombé et un glaucome secondaire surviennent très fréquemment avec la chronicité [6]. Les lésions dermatologiques suivent généralement le développement des signes oculaires et comprennent le vitiligo des jonctions cutanéo-muqueuses faciales, du plan nasal, du scrotum et des coussinets plantaires. À l’examen clinique, les chiens atteints ne présentent aucune autre anomalie.

Les uvéites métaboliques

Les seules uvéites métaboliques recensées correspondent aux uvéites lipidiques. Elles sont associées à une hypertriglycéridémie dans 95 % des cas [18]. En effet, l’afflux de triglycérides dans l’humeur aqueuse confère à cette dernière une turbidité augmentée (photos 17 et 18). Il n’existe actuellement pas de consensus pour déterminer si l’augmentation du taux sanguin de triglycérides peut suffire à provoquer un afflux de ces lipides dans l’humeur aqueuse, ou si une rupture préalable de la barrière hémato-oculaire d’une autre origine est nécessaire pour permettre le passage des triglycérides dans l’humeur aqueuse. Dans l’étude de Violette, 43 % des chiens atteints d’uvéite lipidique présentaient une affection oculaire concomitante (syndrome œil sec, ulcère cornéen et cataracte). Dans 65 % des cas, cette uvéite était consécutive à la chirurgie de la cataracte. Les chiens de race schnauzer et yorkshire semblent prédisposés [18]. Le pronostic est favorable, l’épanchement de triglycérides dans l’humeur aqueuse se résorbant en quelques jours.

  • (1) Voir la photo 14 de l’article précédent de ce dossier.

  • (2) Voir la photo 9 de l’article précédent.

  • (3) Voir la photo 10 de l’article précédent.

  • (4) Voir la photo 10 de l’article précédent de ce dossier.

  • (5) Voir la photo 15 de l’article précédent.

Références

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CONCLUSION

Bien que la majorité des uvéites félines et canines soient cantonnées aux yeux et d’origine indéterminée ou à médiation immune, de nombreuses maladies systémiques associées à des uvéites sont identifiées chez le chien et le chat. Celles-ci peuvent être d’origine infectieuse, métabolique, tumorale, voire à médiation immune. En outre, la progression d’une cataracte chez le chien, d’origine héréditaire, indéterminée ou métabolique, est fréquemment responsable d’uvéites phacolytiques.

Conflit d’intérêts : Aucun