CARDIOLOGIE
Cardiologie
Auteur(s) : François Serres
Fonctions : (DESV de médecine interne, option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq
La communication interatriale est une malformation congénitale assez rare chez le chien. Des malformations valvulaires sont souvent associées à celles de type ostium primum.
Un chien mâle croisé, âgé de 4 ans, est référé pour l’exploration d’un souffle systolique. Initialement de faible intensité, il avait été détecté par le vétérinaire traitant lorsque l’animal avait 2 mois. Au cours de l’exploration d’une fatigabilité apparue récemment, ce souffle a de nouveau été constaté, mais cette fois avec une forte intensité, sans cyanose ni phases de polypnée.
À l’examen clinique, l’animal présente un état général correct. Les muqueuses sont rose pâle, sans dyspnée ni cyanose. La fréquence respiratoire et l’auscultation pulmonaire sont normales.
Une tendance à la tachycardie est mise en évidence lors de l’examen cardiaque (fréquence oscillant entre 120 et 150 battements par minute), associée à un souffle systolique apexien gauche de forte intensité (4 sur 6), nettement audible à droite. Un examen échocardiographique est réalisé pour identifier l’origine de ce souffle. L’électrocardiogramme concomitant montre une nette déviation axiale droite. Le ventricule gauche est de taille et de cinétique normales, mais le ventricule droit présente une morphologie anormale, avec une dilatation majeure. L’atrium droit est également très nettement dilaté, avec une disparition du septum interatrial depuis la base de l’anneau atrioventriculaire jusqu’à plus de la moitié du septum (communication de 16 mm de diamètre) (photo 1). Cette localisation est caractéristique d’une communication interatriale de type ostium primum. Un flux de shunt gauche-droite à la vélocité modérée (1,5 à 1,8 m/s, essentiellement systolique) est identifié au niveau de la communication interatriale (photo 2). Les feuillets mitraux sont légèrement épaissis et hyperéchogènes, avec un reflux mitral majeur envahissant plus de la moitié de l’atrium gauche, qui est non dilaté. La coupe 2D quatre cavités, obtenue par voie apicale gauche, permet d’identifier la présence d’un reflux tricuspidien majeur, qui occupe plus de la moitié de l’atrium droit. La vélocité est augmentée, avec un gradient atrioventriculaire droit estimé à au moins 50 mmHg.
L’examen échocardiographique révèle la présence d’une insuffisance tricuspidienne et mitrale, responsable d’une dilatation biatriale importante, plus marquée à droite. Elle explique le souffle systolique ausculté et est combinée à une communication interatriale gauche-droite de grande taille, de type ostium primum. Une composante d’hypertension pulmonaire associée, probablement consécutive à l’augmentation du flux pulmonaire liée à la communication interatriale, est attestée par l’élévation de la vitesse maximale de l’insuffisance tricuspidienne, et peut expliquer la majoration de cette dernière. Quant à l’insuffisance mitrale, elle peut être congénitale (dysplasie mitrale) ou acquise (maladie valvulaire mitrale précoce). Si le shunt n’est pas inversé, il existe un risque d’inversion du shunt avec cyanose secondaire à moyen terme.
Un traitement à base de pimobendane (à la dose de 0,25 mg/kg toutes les douze heures en continu, per os) est recommandé dans l’immédiat, en raison de la cardiomégalie présentée. Les propriétaires sont prévenus qu’il sera peut-être nécessaire de recourir à l’administration d’un diurétique (furosémide, à raison de 2 mg/kg toutes les douze heures initialement, per os, en dehors des repas) en cas d’apparition de signes congestifs. Par ailleurs, du sildénafil (à la dose de 1 à 2 mg/kg toutes les douze heures per os) devra être ajouté au traitement si une inversion du shunt est observée.
Le pronostic est réservé à moyen et long termes. Un examen de contrôle échocardiographique est conseillé six à douze mois après la consultation initiale, selon l’état clinique de l’animal. La surveillance de l’apparition d’une polycythémie est recommandée via la réalisation régulière de numérations formules sanguines.
La communication interatriale est une malformation congénitale assez rarement décrite qui représente environ 1 % des malformations cardiaques chez le chien [2]. La forme la plus fréquemment observée est le type ostium secondum, dans lequel la communication est située au milieu du septum interatrial et qui reste le plus souvent asymptomatique [1]. Les communications interatriales de type ostium primum, comme dans le cas décrit, sont souvent associées à des malformations valvulaires (dysplasie mitrale, notamment avec une valve mitrale à trois feuillets, ou tricuspide, comme chez ce chien), voire à une communication interventriculaire avec la formation d’un canal atrioventriculaire [3].
Les malformations de grande taille, comme dans le cas présenté, peuvent être combinées au développement d’une hypertension pulmonaire majeure, qui peut elle-même aboutir à une inversion du shunt. Chez ce chien, le pronostic était réservé et dépendait notamment de l’évolution de l’hypertension pulmonaire et de l’apparition éventuelle d’une inversion du shunt, ou de la survenue d’une décompensation. Dans un tel cas, une cyanose, des signes congestifs (ascite, œdème pulmonaire ou épanchement pleural) ou des complications rythmiques (fibrillation atriale) peuvent survenir.
Une prise en charge chirurgicale peut être envisagée, avec une possible fermeture percutanée du shunt dans certains cas. Cette intervention nécessite habituellement la mise en place d’une circulation extracorporelle lors de communication interatriale de type ostium primum, car la proximité des valves atrioventriculaires limite le déploiement de dispositifs de type amplatz [3]. Cette intervention très coûteuse n’a pas été envisagée par le propriétaire dans le cas présenté.
Conflit d’intérêts : Aucun