IMAGERIE
Quel est votre diagnostic ?
Auteur(s) : Pierre Guigo*, Aurore Fouhety**
Fonctions :
*Clinique TouraineVet
12 rue des Internautes
37100 Rochecorbon
Un chat européen mâle castré, âgé de 14 ans, est référé pour l’exploration d’une masse intra-abdominale mise en évidence par le vétérinaire traitant une semaine auparavant, lors d’une palpation abdominale à l’occasion d’un bilan de santé annuel. L’animal est correctement vacciné, régulièrement vermifugé et traité contre les parasites externes. Aucun antécédent médical ni signe clinique n’est rapporté par les propriétaires. La seule anomalie décelée lors de l’examen clinique est une masse intra-abdominale ferme, aux contours lisses, mobile et non douloureuse dans le quadrant cranial droit. Le bilan sanguin hémato-biochimique, l’analyse urinaire et la mesure de la pression artérielle systémique, effectués par le vétérinaire traitant avant la consultation de référé, n’ont pas révélé d’anomalie notable. Les principales hypothèses envisagées sont une néphromégalie droite (hydronéphrose, pseudo-kyste périrénal, infiltration tumorale, granulome, malformation congénitale), une structure kystique intra-abdominale (kyste, cystadénome ou cystadénocarcinome biliaire intrahépatique notamment) ou encore une organomégalie secondaire à une infiltration tumorale (glande surrénale droite, foie, pancréas, etc.). Une échographie abdominale est réalisée (photos 1 et 2).
Les images sont de bonne qualité. La résolution et le gain permettent de distinguer les différentes structures. Le rein gauche n’est pas visualisé à son emplacement anatomique habituel. Une structure rénale de 7,5 cm de long sur 3,3 cm de large est observée dans la région rétropéritonéale en lieu et place du rein droit. Elle est caractérisée par la fusion partielle des parenchymes du rein droit, orthotopique, et du rein gauche, ectopique, respectivement sur leur aspect caudal et cranial. Le cortex et la médulla des parenchymes rénaux présentent une échogénicité usuelle, avec la conservation de la distinction et du ratio corticomédullaire. Les cavités pyéliques et les uretères ne sont pas dilatés. L’uretère gauche croise le plan médian jusqu’à son abouchement ectopique à la jonction urétéro-vésicale.
L’examen échographique révèle des images compatibles avec une malformation congénitale de type ectopie rénale gauche croisée avec fusion caudale, sans complication associée.
L’ectopie rénale croisée avec fusion est une anomalie congénitale rare décrite chez l’humain et le chat [3]. Elle se caractérise par la malposition d’un rein, situé de l’autre côté du plan médian et partiellement fusionné avec le rein controlatéral [1]. L’uretère du rein ectopique croise ainsi le plan médian et s’abouche normalement dans la région du trigone vésical [1]. Plusieurs variantes sont décrites en médecine humaine. La plus fréquente est la fusion croisée inférieure (ou caudale, selon la nomenclature anatomique humaine ou féline), caractérisée par une fusion du pôle cranial du rein gauche ectopique avec le pôle caudal du rein droit orthotopique, comme dans le cas décrit [2]. Treize cas d’ectopie rénale croisée avec fusion sont rapportés chez le chat dans la littérature [3]. Cette malformation résulte d’une migration aberrante et d’un croisement du plan médian du blastème métanéphrogène et du bourgeon urétéral, à l’origine d’une fusion des reins dans le pelvis [2]. Bien que la plupart des ectopies rénales croisées avec fusion décrites chez l’humain soient découvertes fortuitement, des complications telles qu’une infection du tractus urinaire, une néphrolithiase et une hydronéphrose sont rapportées [2]. L’ectopie rénale croisée avec fusion du cas présenté est une découverte fortuite chez un animal asymptomatique au moment du diagnostic. La connaissance de cette malformation est importante lors d’intervention chirurgicale concernant l’abdomen, en raison des fréquentes malformations anatomiques et vasculaires qui y sont associées, et des complications possibles (infection urinaire récidivante, obstruction urétérale, etc.) [2]. L’examen tomodensitométrique, avec injection intraveineuse de produit de contraste et marquage antérograde des uretères, permet de préciser la conformation de la malformation, la topographie de la vascularisation rénale, ainsi que le trajet des uretères [2]. Il n’existe pas de recommandation spécifique pour la prise en charge de l’ectopie rénale croisée avec fusion chez l’humain ou le chat. En cas de complications associées, une pyéloplastie avec réimplantation de l’uretère ou la mise en place d’un dispositif de by-pass urétéral sous-cutané peuvent se révéler nécessaires [2].
Conflit d’intérêts : Aucun