CHIRURGIE
Chirurgie
Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**
Fonctions :
*Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq
Les malformations rénales et urétérales sont rares chez l’animal de compagnie. Il peut être difficile d’évaluer la fonction rénale ainsi que la réversibilité des lésions. Une urétéronéphrectomie est parfois nécessaire.
Une chienne hovawart, âgée de 4 mois, est référée en raison d’un abattement brutal associé à une hyperthermie. À l’admission, elle présente une déshydratation modérée (estimée à 10 %) et une douleur abdominale importante. La numération-formule sanguine montre une leucocytose neutrophilique marquée (27 000/mm3). Aucune anomalie n’est mise en évidence lors de l’examen biochimique sanguin. Quant au dosage de la diméthylarginine symétrique (SDMA), il est dans les normes (5 µg/dl).
L’examen échographique de l’abdomen montre une dilatation majeure du bassinet du rein gauche par du liquide contenant des particules hyperéchogènes. Le cortex rénal mesure entre 3 et 4 mm d’épaisseur. L’uretère gauche est également dilaté jusqu’à son abouchement, qui semble être en position normale sur la vessie. Une pyélocentèse est réalisée. L’analyse cytologique du liquide recueilli met en évidence de nombreux polymorphonucléaires, avec des bactéries intracellulaires.
Un traitement antibiotique (amoxicilline-acide clavulanique à la dose de 12,5 mg/kg par voie intraveineuse trois fois par jour) est commencé immédiatement, en attendant les résultats de l’analyse bactériologique, et une perfusion de cristalloïdes est mise en place. Une laparotomie exploratrice est réalisée. Le rein et l’uretère droits ont un aspect normal. Le rein gauche est anormal, avec une taille très augmentée, un cortex de quelques millimètres et un contenu liquidien. Le méga-uretère gauche est confirmé. Une néphrectomie est alors décidée. Le rein est extrait de sa loge rétropéritonéale. Les artères et les veines rénales gauches sont doublement ligaturées de façon individuelle puis sectionnées. Le rein est ensuite extériorisé et l’uretère libéré jusqu’à son abouchement vésical (photos 1 et 2).
L’uretère semble s’aboucher en position physiologique, mais en cul-de-sac. Ainsi, lorsqu’il est pressé de manière digitée, l’urine qu’il contient ne s’écoule pas dans la vessie. L’uretère est ligaturé à l’aide d’un monofilament irrésorbable au plus proche de son entrée dans la vessie puis retiré avec le rein. Le site chirurgical est rincé, et l’abdomen refermé de manière conventionnelle.
Les différents paramètres rénaux sanguins, contrôlés deux jours puis huit jours après l’intervention chirurgicale, sont dans les normes.
L’analyse bactériologique révèle la présence d’une bactérie de type Escherichia coli sensible au traitement antibiotique mis en place, qui est donc poursuivi pendant dix jours.
Un contrôle via un examen cytobactériologique des urines confirme par la suite l’absence de bactéries. L’animal récupère un état général normal. Un suivi annuel des paramètres rénaux sanguins est conseillé aux propriétaires, afin de détecter précocement une éventuelle insuffisance fonctionnelle du rein restant.
Les malformations rénales sont relativement peu fréquentes chez l’animal de compagnie. L’agénésie rénale est la plus fréquente, avec l’absence de développement de l’un ou des deux reins [1]. La fréquence de ces malformations semble cependant sous-estimée, leur découverte étant généralement fortuite lorsqu’elles sont unilatérales [1]. Les malformations urétérales sont en revanche relativement fréquentes, avec en premier lieu l’ectopie urétérale (abouchement de l’uretère caudalement au sphincter vésical). Ce type de malformation est souvent associé à d’autres anomalies urogénitales, notamment un hydro-uretère et/ou des anomalies rénales.
Dans notre cas, il est possible qu’une malformation urétérale ait été à l’origine d’une hydronéphrose sévère ayant entraîné une dégénérescence du cortex, ou que la malformation ait concerné le rein et l’uretère simultanément.
Le tableau clinique des malformations rénales et/ou urétérales dépend beaucoup de leur type et des conséquences urogénitales.
Dans le cas présenté, la malformation était probablement congénitale, mais les signes cliniques ne se sont révélés qu’à la suite d’une infection rénale, sans doute d’origine hématogène, qui a provoqué l’hyperthermie et l’abattement observés chez le chiot.
Un bilan abdominal complet est nécessaire, car plusieurs malformations urogénitales sont fréquemment associées [1]. Le diagnostic est souvent établi via une échographie de l’abdomen. Un examen au scanner avec injection de produit de contraste permet également de visualiser les malformations. En outre, une urétrocystographie ou une urétrocystoscopie peuvent être utiles pour la visualisation des abouchements urétéraux [1].
Il est parfois difficile de choisir entre la préservation du rein et la néphrectomie. Dans notre cas, réimplanter l’uretère gauche en réséquant la zone sténosée aurait pu être envisagé. Si l’analyse cytologique du liquide pyélique n’avait pas montré une infection évidente et active, cette option aurait été privilégiée, avec l’objectif de préserver ou de récupérer une activité rénale, même minime (épargne de néphrons). Les modifications majeures du rein avec la quasi-disparition du cortex, associées à l’infection présente, ont orienté vers une néphro-urétérectomie gauche. La décision d’une néphrectomie est une question de bénéfices/risques estimés, et le fonctionnement du rein controlatéral doit être évalué le mieux possible avant l’intervention, idéalement par une scintigraphie qui est néanmoins assez peu accessible en médecine vétérinaire [1].
Lors d’obstruction urétérale, la récupération fonctionnelle d’un rein dépend directement de la durée de l’obstruction. Chez le chien, après une semaine, le rein peut récupérer jusqu’à 65 % de ses fonctions initiales (au bout de cinq semaines après la levée de l’obstruction). Après deux semaines, il ne récupère que 46 % de ses fonctions quatre mois après l’intervention [1]. Il est ainsi difficile de fournir au propriétaire un pronostic précis de la récupération attendue.
L’existence de deux artères rénales étant une éventualité qui n’est pas rare, la dissection des vaisseaux doit être prudente afin de prévenir toute hémorragie [1]. La veine rénale gauche reçoit la veine gonadique gauche : chez l’animal non stérilisé, il convient de ligaturer la veine rénale en aval de cette confluence [1]. Une double ligature doit idéalement être placée sur chacun des vaisseaux.
Conflit d’intérêts : Aucun