CARDIOLOGIE
Quel est votre diagnostic ?
Auteur(s) : Cécile Roumilhac
Fonctions : Centre hospitalier vétérinaire Massilia
121 avenue de Saint-Julien
13012 Marseille
Un chat européen âgé de 5 ans est présenté en consultation pour une anorexie et des difficultés respiratoires qui évoluent depuis quelques jours. L’animal vit seul avec un accès à l’extérieur, est correctement vacciné, vermifugé et traité contre les parasites externes. À l’examen clinique, il présente une dyspnée avec discordance et un souffle systolo-diastolique apexien gauche de grade 5 sur 6, sans hyperthermie associée. L’examen radiographique met en évidence une dilatation des veines pulmonaires, des scissures interlobaires et une opacification alvéolaire de la partie dorsale des lobes pulmonaires caudaux compatibles en priorité avec une insuffisance cardiaque congestive. L’examen biochimique ne montre aucune anomalie. L’hémogramme révèle une lymphocytose modérée non spécifique (8,17 × 109 par litre, valeurs usuelles de 0,4 à 6,8 × 109/l). Une échographie cardiaque est réalisée (photos 1 et 2).
Les images en mode bidimensionnel sont de bonne qualité. La définition et le gain permettent d’identifier les différentes structures. L’examen Doppler continu est correct. L’axe de tir du Doppler continu aortique est correctement aligné avec l’aorte. Les images sont donc interprétables. Le rapport atrium gauche/aorte (AG/Ao) est augmenté à 2,52 (valeur usuelle chez le chat inférieure à 1,7) [1]. Des lésions hyperéchogènes, irrégulières, sont visualisées sur les valves aortiques : une volumineuse sur la cuspide coronaire gauche et une plus petite sur la cuspide non coronaire. L’examen Doppler continu met en évidence une augmentation de la vitesse du flux aortique à 1,94 mètre par seconde (valeur usuelle chez le chat de 1,1 +/- 0,2 m/s) et une insuffisance aortique d’aspect en "voile de bateau" à la vitesse maximale de 3,86 m/s [1].
L’examen échographique révèle des images compatibles avec une endocardite aortique. L’examen Doppler continu montre un reflux aortique secondaire. L’aspect en “voile de bateau” de la courbe spectrale de cette insuffisance aortique indique une égalisation rapide des pressions du ventricule gauche et de l’aorte en diastole, donc une régurgitation importante. L’augmentation de la vitesse du flux aortique s’explique par celle de la pression dans le ventricule gauche à cause du reflux aortique. La dilatation atriale gauche est due à un reflux mitral (non visualisé sur les images présentées) secondaire à l’augmentation de pression dans le ventricule gauche.
Les endocardites sont des affections rares chez les carnivores domestiques, plus encore dans l’espèce féline. Peu de cas sont rapportés dans la littérature. Une série rétrospective de 13 cas s’est intéressée aux signes cliniques, aux facteurs de risque et au pronostic [2]. Les signes cliniques les plus fréquents sont une boiterie, une détresse respiratoire et un abattement. Les boiteries sont liées à une thromboembolie ou à une arthrite. L’examen clinique révèle généralement un souffle cardiaque et parfois une hyperthermie. Comme dans le cas présenté, une insuffisance cardiaque congestive est fréquemment observée. L’échographie cardiaque montre des lésions sur les valves aortiques ou mitrales. Aucune maladie cardiaque congénitale n’a été identifiée comme facteur de risque, à la différence de la sténose sous-aortique chez le chien. Les analyses sanguines sont non spécifiques. Une infection à Bartonella henselae est mise en évidence dans la majorité des cas testés. Dans notre cas, l’hémoculture n’a pas été réalisée car elle n’était pas souhaitée par les propriétaires. La présence d’une insuffisance cardiaque congestive ou d’une infection à Bartonella henselae ne semble pas être un facteur de pronostic, celui-ci étant dans tous les cas sombre avec une médiane de survie de 31 jours pour les endocardites chez le chat [2]. Un cas de guérison d’endocardite mitrale à Bartonella henselae est néanmoins rapporté dans la littérature, avec la résolution des signes cliniques (abattement et démarche anormale) et des lésions échographiques [3]. Dans ce cas précis, le traitement a consisté en une antibiothérapie par voie orale (amoxicilline et acide clavulanique à la dose de 22 mg/kg une fois par jour pendant trois jours, marbofloxacine à raison de 5 mg/kg une fois par jour pendant six semaines, azythromycine à 10 mg/kg une fois par jour durant sept semaines), associée à un antiagrégant plaquettaire (clopidogrel à la dose de 18,75 mg une fois par jour per os pendant six semaines) [3]. Le diagnostic de certitude ante mortem est impossible car il nécessite une analyse histologique. Chez le chien comme chez l’humain, le diagnostic d’endocardite repose sur des critères majeurs (échographie cardiaque et hémoculture) et des critères mineurs (fièvre, atteinte vasculaire ou dysimmunitaire concomitante, insuffisance aortique ou mitrale, etc.). Le diagnostic ante mortem d’endocardite chez le chat pourrait également s’appuyer sur ces mêmes critères. Des études sur des effectifs plus nombreux sont nécessaires pour mieux caractériser les endocardites dans l’espèce féline.
Conflit d’intérêts : Aucun