CARDIOLOGIE
Cardiologie
Auteur(s) : François Serres
Fonctions : (DESV de médecine interne, option cardiologie)Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq
Un bloc atrioventriculaire du troisième degré, diagnostiqué chez un jeune animal, peut être pris en charge par la pose d’un pacemaker. Une autre aff ection cardiaque peut néanmoins se développer plus tard, indépendamment de la première.
Un chien boxer entier, âgé de 7 ans, est présenté pour l’exploration d’une fatigabilité à l’eff ort observée depuis plusieurs semaines, associée à la présence d’une bradyarythmie mise en évidence par le vétérinaire traitant.
À l’examen clinique, l’animal présente un état général correct, sans évolution du poids récente. Les muqueuses sont roses et le temps de recoloration capillaire est dans les normes. L’examen respiratoire, avec une fréquence mesurée à 20 mouvements par minute (mpm), ne révèle aucune anomalie, de même que l’auscultation pulmonaire. Une bradycardie majeure et régulière, mesurée à 40 battements par minute (bpm), est mise en évidence lors de l’auscultation cardiaque. Un examen électrocardiographique montre un bloc atrioventriculaire du troisième degré (BAV 3) avec une fréquence cardiaque diminuée, qui présente un rythme d’échappement ventriculaire lent de 40 bpm (photo 1). Un examen échocardiographique ne révèle pas de modification de la morphologie cardiaque associée. Un dosage de la troponine I cardiaque affiche une valeur peu élevée (100 ng/l, valeur usuelle supérieure à 50 ng/l).
Étant donné le jeune âge de l’animal, l’absence d’aff ection sousjacente et la présence de signes de bas débit cardiaque, la mise en place d’un pacemaker est proposée. Un pacemaker de type VVI qui enregistre et entraîne le ventricule et est inhibé par l’activité ventriculaire, doté d’un accéléromètre adaptant la fréquence cardiaque à l’activité, est mis en place par voie épicardique au cours d’une thoracotomie. Une nette amélioration clinique est observée à la suite de l’intervention chirurgicale. Au cours des années qui suivent, l’état général du chien apparaît normal et les suivis réguliers ne décèlent aucune anomalie cardiaque.
Six ans après la pose du pacemaker, l’animal est présenté en consultation à la suite de l’observation de syncopes, associées à une baisse de forme depuis quelques jours. L’examen clinique général est normal. L’auscultation révèle la présence d’une dysrythmie.
L’examen électrocardiographique (ECG) met en évidence la persistance de l’activité du pacemaker, avec une fréquence satisfaisante (fréquence cardiaque de 110 à 115 bpm, 85 bpm en fin d’examen). De nombreuses extrasystoles ventriculaires droites, en salves, sont notées (plus de 300 identifiées durant l’ECG et l’échographie) (photo 2). Ce type de dysrythmie peut correspondre à une dégradation de la fonction cardiaque, à l’apparition d’une cardiomyopathie rythmique (forme caractéristique du boxer), ou être la conséquence d’une aff ection viscérale. La tachyarythmie observée peut expliquer les épisodes de syncope et la fatigabilité. Un examen échographique abdominal ne montre pas de lésion viscérale majeure, en dehors d’une congestion hépatique. Un bilan échocardiographique ne révèle pas de modifications significatives de la morphologie ou des flux. Aucune anomalie majeure n’est décelée lors du bilan hématologique et de la coagulation.
L’épisode de syncope est associé à une dysrythmie ventriculaire qui survient sur une morphologie cardiaque stable par rapport à l’examen précédent, ce qui suggère en priorité une cardiopathie arythmogénique du ventricule droit primitive. Un traitement antiarythmique à base de sotalol est mis en place, initié à dose croissante de 0,5 à 1,5 mg/kg toutes les douze heures. Un contrôle a minima par ECG est préconisé au cours des semaines suivantes selon l’évolution clinique.
Si les signes de faiblesse et de syncope observés chez ce chien sont souvent rapportés lors de BAV 3 (dans 40 à 53 % des cas), son âge (7 ans) est plus inhabituel, puisque l’âge moyen lors du diagnostic est de 11 ans [2]. Le relativement jeune âge au moment du diagnostic et la pose d’un pacemaker (qui améliore nettement le pronostic lors de BAV 3) expliquent le long suivi de ce cas [2].
La “seconde” affection cardiaque observée peut correspondre au développement
d’une cardiopathie arythmogénique du ventricule droit. Cette affection, essentiellement décrite chez le boxer et le bouledogue anglais, se présente sous plusieurs formes. De nombreux chiens présentent des dysrythmies ventriculaires isolées, parfois asymptomatiques et sans aucune lésion macroscopique cardiaque. Mais elles peuvent aussi être associées à des signes d’insuffisance cardiaque circulatoire (faiblesse, syncope ou mort subite) et/ou à des modifications échocardiographiques limitées au ventricule droit. Enfin, certains animaux souffrent également d’une dysfonction systolique touchant le ventricule gauche ainsi que d’une insuffisance cardiaque congestive secondaire [1].
Histologiquement, la cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit est caractérisée par une infiltration graisseuse à fibro-graisseuse qui remplace le myocarde ventriculaire droit, voire gauche. Elle est souvent décrite chez des animaux d’âge moyen (5 à 7 ans), avec une origine génétique probable puisqu’une mutation associée de la striatine a été identifiée dans certaines lignées de boxer américain [1]. En l’absence de confirmation génétique ou histologique, un diagnostic de suspicion peut être établi face à des dysrythmies provenant du ventricule droit. La suspicion est renforcée lorsque des arythmies ventriculaires droites fréquentes et complexes (par exemple, présence de doubles extrasystoles ventriculaires ou de phases de tachycardie ventriculaire comme dans notre cas) sont observées, et qu’aucune autre affection, notamment extracardiaque, n’est susceptible de les expliquer.
Le traitement de ce type de dysrythmie doit idéalement être entrepris après la réalisation d’un examen Holter, car une grande partie des syncopes observées chez le boxer, y compris en présence d’épisodes de tachycardie ventriculaire, correspondent à des syncopes neurocardiogéniques par hypertonie vagale qui peuvent être aggravées par un traitement bêtabloquant [3]. Cependant, dans notre cas, la présence d’un pacemaker fonctionnel a limité le risque de syncope lié à une bradyarythmie concomitante.
L’ajout d’un bêtabloquant au traitement peut également être mal toléré chez un animal atteint d’une dysfonction systolique en phase occulte avancée. L’examen échocardiographique a permis, dans le cas présenté, d’exclure cette affection.
Conflit d’intérêts : Aucun