ÉTAPE 9 : CONDUITE À TENIR LORS DE DERMATOSE PRURIGINEUSE - Le Point Vétérinaire n° 461 du 01/01/2025
Le Point Vétérinaire n° 461 du 01/01/2025

La dermatologie en 10 étapes

Auteur(s) : Mélanie Legain*, Didier Pin**, Marion Mosca***

Fonctions :
*(MSc)
VetAgro Sup
1 avenue Bourgelat
69280 Marcy l’Étoile
**(DipECVD,
professeur en dermatologie)
***(DipECVD)
VetAgro Sup
1 avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile

Face à une dermatose prurigineuse, plusieurs consultations sont souvent nécessaires afin d’établir le diagnostic, notamment lorsque des complications infectieuses sont présentes.

Le prurit est l’un des motifs de consultation les plus fréquents en dermatologie [2]. Il peut altérer la qualité de vie de l’animal mais aussi de ses propriétaires [9]. Quatre grandes catégories de dermatoses peuvent entraîner des démangeaisons : les infections bactériennes ou fongiques, les ectoparasitoses et les allergies. Leur prise en charge requiert une démarche diagnostique méthodique et rigoureuse. Comme l’utilisation de certains antiprurigineux tels que les corticoïdes est susceptible d’aggraver la maladie, le traitement des dermatoses prurigineuses est avant tout étiologique.

RECUEIL DE L’ANAMNÈSE

Race et âge

Les prédispositions raciales, décrites pour certaines dermatoses prurigineuses, ne doivent pas être un critère déterminant du diagnostic (tableau 1). En revanche, l’âge d’apparition de la dermatose prurigineuse est une aide au diagnostic : les dermatoses parasitaires et l’impétigo sont plus fréquents chez le jeune et la dermatite atopique apparaît généralement avant l’âge de 3 ans [13]. Certaines maladies peuvent apparaître à n’importe quel âge, comme la dermatite par allergie aux piqûres de puces ou les pyodermites [10, 17].

Environnement

Connaître le mode de vie de l’animal (appartement, jardin) et son usage (animal de compagnie, chien de chasse ou de travail) permet d’évaluer la probabilité d’une dermatose, qu’elle soit parasitaire ou contagieuse. La présence d’un chat ayant accès à l’extérieur doit toujours faire penser à la présence potentielle de puces dans l’environnement. Un congénère, en particulier un nouvel arrivant, peut aussi être la source d’une ectoparasitose. De plus, lorsqu’une dermatose contagieuse est diagnostiquée, les autres animaux sont à prendre en compte dans l’élaboration du plan thérapeutique.

Circonstances d’apparition de la dermatose

Les événements précédant l’apparition de la dermatose ainsi que la vitesse d’évolution de celle-ci peuvent aider au diagnostic. Par exemple, un séjour dans un chenil avant l’apparition du prurit suggère une ectoparasitose (pulicose, phtiriose, gale sarcoptique, cheyletiellose). L’installation du prurit est soudaine en cas de gale sarcoptique, alors qu’elle est progressive lors d’allergie (photo 1). L’apparition de lésions cutanées secondairement au prurit évoque une ectoparasitose, une dermatite par allergie aux piqûres de puces ou une dermatite atopique. En revanche, une poussée de prurit après ou en même temps que la survenue des lésions fait plutôt penser à une pyodermite ou à une prolifération de Malassezia (photo 2).

Évolution de la dermatose

La dermatose peut s’aggraver, rester stable ou évoluer par poussées. Elle peut également avoir un caractère saisonnier, suggérant une dermatite par allergie aux piqûres de puces, une pulicose ou une trombiculose. Le prurit peut être évalué via une échelle visuelle analogique (pruritus visual analog scale) par les propriétaires. Cette échelle, décrite chez le chien et le chat(1), permet de quantifier le prurit de 0 à 10 et de suivre précisément son évolution dans le temps [3, 14].

EXAMENS CLINIQUE ET DERMATOLOGIQUE

Un examen général doit être systématiquement réalisé afin de mettre en évidence une maladie systémique à expression cutanée ou d’estimer l’importance du retentissement de la dermatose sur l’état général. L’examen dermatologique doit être complet, de la truffe au bout de la queue. Les lésions primaires et secondaires sont notées, ainsi que leur localisation(2) (tableau 2). Si nécessaire, une tonte plus ou moins étendue peut être effectuée pour mieux les apprécier.

HYPOTHÈSES DIAGNOSTIQUES

Les hypothèses diagnostiques émises prennent en compte l’examen clinique (général et dermatologique), les commémoratifs et l’anamnèse (tableau 3).

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Les examens complémentaires en dermatologie sont faciles et souvent peu coûteux, mais ils doivent être choisis et réalisés pour répondre à une hypothèse diagnostique précise. Les biopsies cutanées sont rarement utiles en cas de dermatoses prurigineuses (à l’exception d’une suspicion de lymphome cutané T ou de pemphigus foliacé(3)).

DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT

À l’issue des étapes précédentes, lorsqu’une suspicion diagnostique est formulée, un traitement d’épreuve peut être réalisé pour la confirmer. Par exemple, un traitement acaricide peut être entrepris face à une suspicion de gale sarcoptique, ou un traitement d’éviction des puces (environnement, animal et congénères) lorsqu’une dermatite par allergie aux piqûres de puces est suspectée. Une fois le diagnostic confirmé, le traitement étiologique (soins antiseptiques, antifongiques, antibiotiques, antiparasitaires, etc.) peut être mis en place. Il s’accompagne parfois d’un traitement symptomatique du prurit pour soulager l’animal plus rapidement. Prescrit à bon escient, il ne doit en aucun cas remplacer le traitement étiologique. Plusieurs molécules antiprurigineuses sont disponibles, telles que les corticoïdes, systémiques ou topiques, la ciclosporine, les antihistaminiques, l’oclacitinib ou le lokivetmab (tableau 4). Les corticoïdes sont proscrits en cas de dermatose d’origine bactérienne, fongique ou parasitaire. Leur utilisation, dans ces cas, entraîne une amélioration temporaire du prurit qui récidivera, plus intense, dès l’arrêt du traitement. L’oclacitinib a démontré son efficacité pour diminuer les démangeaisons lors de certaines dermatoses prurigineuses non allergiques comme la gale sarcoptique [4]. Aucune étude n’a évalué l’impact de l’emploi de l’oclacitinib lors de dermatoses fongiques mais, dans le cas des dermatoses bactériennes, deux études montrent que son utilisation permet de diminuer la durée de l’antibiothérapie [12, 15].

  • (1) Échelle de prurit (démangeaisons) pour chiens et chats, en ligne sur https://www.cavd.ca/images/CAVD_%C3%89CHELLE_DE_PRURIT.pdf

  • (2) Voir l’étape 1, « Démarche diagnostique et lésions en dermatologie », parue dans Le Point vétérinaire n° 452.

  • (3) Voir l’étape 2, « Les examens complémentaires en dermatologie », parue dans Le Point vétérinaire n° 453.

Références

  • 1. Bizikova P, Burrows A. Feline pemphigus foliaceus: original case series and a comprehensive literature review. BMC Vet. Res. 2019;15(1):22.
  • 2. Bruet V, Mosca M, Briand A et coll. Clinical guidelines for the use of antipruritic drugs in the control of the most frequent pruritic skin diseases in dogs. Vet. Sci. 2022;9(4):149.
  • 3. Colombo S, Sartori R, Schievano C, Borio S. Development and validation of an owner-assessed Visual Analog Scale for feline pruritus severity scoring (VAScat). Vet. Dermatol. 2022;33(5):407-413.
  • 4. Cornegliani L, Guidi E, Vercelli A. Use of oclacitinib as antipruritic drug during sarcoptic mange infestation treatment. Vet. Dermatol. 2020;31(6):505.
  • 5. Fontaine J, Bovens C, Bettenay S et coll. Canine cutaneous epitheliotropic T-cell lymphoma: a review. Vet. Comp. Oncol. 2009;7(1):1-14.
  • 6. Hensel P, Santoro D, Favrot C et coll. Canine atopic dermatitis: detailed guidelines for diagnosis and allergen identification. BMC Vet. Res. 2015;11:196.
  • 7. Hobi S, Cafarchia C, Romano V et coll. Malassezia: zoonotic implications, parallels and differences in colonization and disease in humans and animals. J. Fungi (Basel). 2022;8(7):708.
  • 8. Jaeger K, Linek M, Power HT et coll. Breed and site predispositions of dogs with atopic dermatitis: a comparison of five locations in three continents. Vet. Dermatol. 2010;21(1):118-122.
  • 9. Linek M, Favrot C. Impact of canine atopic dermatitis on the health-related quality of life of affected dogs and quality of life of their owners. Vet. Dermatol. 2010;21(5):456-462.
  • 10. Miller WH, Griffin CE, Campbell KL et coll. Muller & Kirk’s Small Animal Dermatology, 7th edition. Elsevier Saunders. 2012:948p.
  • 11. Mosca M, Vidémont E. Recommandations pour le traitement de la dermatite atopique canine. Semaine Vét. 2019;(1810).
  • 12. Mwacalimba K, Hillier A, Rosenbaum M et coll. Diminished antimicrobial drug use in dogs with allergic dermatitis treated with oclacitinib. Front. Vet. Sci. 2023;10:1207582.
  • 13. Nuttall TJ, Marsella R, Rosenbaum MR et coll. Update on pathogenesis, diagnosis, and treatment of atopic dermatitis in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2019;254(11):1291-1300.
  • 14. Rybnicek J, Lau-Gillard PJ, Harvey R et coll. Further validation of a pruritus severity scale for use in dogs. Vet. Dermatol. 2009;20(2):115-122.
  • 15. Rynhoud H, Gibson JS, Meler E et coll. The association between the use of oclacitinib and antibacterial therapy in dogs with allergic dermatitis: a retrospective case-control study. Front. Vet. Sci. 2021;8:631443.
  • 16. Scott DW, Paradis M. A survey of canine and feline skin disorders seen in a university practice: Small Animal Clinic, University of Montréal, Saint-Hyacinthe, Québec (1987-1988). Can. Vet. J. 1990;31(12):830-835.
  • 17. Seckerdieck F, Mueller RS. Recurrent pyoderma and its underlying primary diseases: a retrospective evaluation of 157 dogs. Vet. Rec. 2018;182(15):434.

Conflit d’intérêts : Aucun

Points clés

• Le prurit est le motif de consultation le plus fréquent en dermatologie. Il peut altérer la qualité de vie de l’animal et de ses propriétaires.

• Les quatre grandes catégories de dermatoses fréquemment responsables de démangeaisons sont les allergies, les ectoparasitoses, les pyodermites et les infections fongiques.

• La démarche diagnostique en cas de dermatose prurigineuse doit être rigoureuse et peut nécessiter plusieurs consultations.

• Les traitements antiprurigineux peuvent soulager l’animal, mais ils ne doivent pas remplacer le traitement étiologique et en aucun cas aggraver, a posteriori, la dermatose. Les corticoïdes sont donc à proscrire en cas de dermatoses prurigineuses d’origine infectieuse.

CONCLUSION

Face à une dermatose prurigineuse, le recueil de l’anamnèse et l’identification des lésions cutanées et de leurs localisations doivent être effectués minutieusement afin d’émettre une liste restreinte d’hypothèses diagnostiques. Les examens complémentaires, simples et peu coûteux, doivent être choisis selon les hypothèses émises. Le traitement étiologique est primordial pour obtenir une guérison clinique, mais il s’accompagne parfois d’un traitement symptomatique du prurit pour soulager l’animal. Dans ce cas, le choix de la molécule est important et ne doit pas aggraver la dermatose.