OPHTALMOLOGIE
Quel est votre diagnostic ?
Auteur(s) : Bertrand Michaud
Fonctions : (CES ophtalmologie vétérinaire,
DU microchirurgie ophtalmologique, chirurgie vitréo-rétinienne
et exploration fonction visuelle)
Clinique AnimaVet
294 avenue François Mitterrand
01630 Saint-Genis-Pouilly
Un chat européen mâle castré, âgé de 7 ans, est présenté en consultation d’ophtalmologie pour une hyperpigmentation de l’iris droit qui évolue depuis plusieurs mois selon les propriétaires. L’animal a accès à l’extérieur, il est à jour de ses vaccinations et est présenté en bon état général. L’examen ophtalmologique révèle une réponse à la menace présente pour les deux yeux ainsi que des réflexes photomoteurs conservés. Toutefois, la vitesse de contraction de la pupille droite semble ralentie et sa forme modifiée (dyscorie). L’examen en lampe à fente permet d’apprécier la présence d’une cataracte immature sous-capsulaire antérieure bilatérale, d’une hyperpigmentation ainsi que d’un épaississement de l’iris droit. La pression intraoculaire de l’œil droit est augmentée (43 mmHg, valeurs usuelles de 15 à 25 mmHg). Elle est normale à gauche (24 mmHg). L’examen du fond d’œil ne révèle aucune anomalie. Après une anesthésie topique oculaire à l’aide d’oxybuprocaïne, une échographie oculaire est réalisée avec une sonde d’échographie “club de golf” de 19 MHz. Une photo de l’œil droit de face et une image échographique en coupe transverse sont présentées (photos 1 et 2).
La photo et l’image échographique sont de bonne qualité. L’éclairage, le focus et l’angle de prise de vue de l’appareil photo ont été correctement ajustés pour cerner la chambre antérieure de l’œil droit. Le gain et la définition de l’échographie permettent de discerner convenablement les différentes structures intraoculaires.
La photo de l’œil révèle des lésions iriennes pigmentées extensives et en relief. Une pigmentation de la sclère temporale en regard du limbe sclérocornéen est également appréciée. À l’échographie, un épaississement important de la lame antérieure de l’iris est associé à une infiltration et à un rétrécissement de l’angle iridocornéen en regard de l’angle temporal. Les corps ciliaires apparaissent hyperéchogènes.
Le caractère diffus et infiltrant de la lésion irienne pigmentée ainsi que l’examen d’échographie oculaire permettent d’établir le diagnostic de mélanome diffus de l’iris à un stade avancé. Par ailleurs, l’analyse histologique a confirmé ce diagnostic en mettant en évidence une prolifération tumorale mal délimitée, densément cellulaire et composée de cellules rondes, qui s’étend à l’angle iridocornéen, aux corps ciliaires et qui infiltre également la sclère.
Le mélanome diffus de l’iris est une tumeur intraoculaire maligne généralement diagnostiquée chez des chats âgés de 7 à 11 ans [1, 3, 4]. Il représente la moitié des tumeurs oculaires félines identifiées dans les centres d’anatomopathologie [4]. Ce type de mélanome débute généralement par une hyperpigmentation diffuse de l’iris et il est parfois difficile à distinguer d’une mélanose bénigne. Le diagnostic repose généralement sur l’analyse histopathologique posténucléation de l’œil affecté, bien que des techniques telles que la biopsie de l’iris soient de plus en plus utilisées pour identifier les stades précoces de la maladie [1, 2]. Cliniquement, les signes de mélanome diffus de l’iris peuvent inclure une pigmentation progressive de l’iris, des modifications de la forme de la pupille, une diminution du mouvement pupillaire et un épaississement de l’iris. Lorsque des tumeurs envahissent les structures qui entourent l’œil, y compris l’angle iridocornéen, des complications peuvent survenir. C’est le cas de ce chat qui présente un glaucome secondaire [1, 2, 3]. Les taux de métastases varient considérablement selon les études (de 19 à 63 % des cas) [1, 3, 4]. Les organes cibles sont le foie, les poumons, les ganglions lymphatiques et les os [3]. Le risque de métastases est majoré lors d’infiltration de l’angle iridocornéen et du corps ciliaire [4]. L’expression de certains marqueurs immunohistochimiques, comme Melan-A et E-cadhérine, est aussi associée à une augmentation du taux de métastases [4]. Les options de traitement sont limitées et incluent souvent l’énucléation de l’œil affecté pour prévenir le processus métastatique. La décision de retirer un globe oculaire peut être difficile pour le propriétaire, surtout lorsque l’œil atteint conserve une certaine fonction visuelle [1, 3]. Cependant, en raison du risque élevé de métastases associé à cette tumeur, cette approche agressive apparaît justifiée, même si aucune étude comparative à grande échelle n’a été conduite pour évaluer la différence d’espérance de vie entre les chats atteints de mélanome diffus de l’iris énucléés versus ceux ayant conservé l’œil malade [2, 3]. Ainsi, le mélanome diffus de l’iris chez le chat représente un défi clinique important, tant en termes de diagnostic que de traitement. La différenciation précoce de la mélanose bénigne du mélanome malin est essentielle pour déterminer la prise en charge optimale et améliorer le pronostic à long terme.
Complément de lecture : https://visionanimale.fr/loeil-animal-principales-affections/principales-affections-oculaires/iris-et-uvee/melanome-iris-chat-pigmentation-tache/
Conflit d’intérêts : Aucun