SOUFFLE ET POLYPNÉE CHEZ UN DALMATIEN - Le Point Vétérinaire n° 461 du 01/01/2025
Le Point Vétérinaire n° 461 du 01/01/2025

CARDIOLOGIE

Cardiologie

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : (DESV de médecine interne, option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

La myocardiopathie dilatée est rare chez le dalmatien, mais elle peut concerner tout chien de grand format. Son diagnostic repose sur l’association d’une dilatation cardiaque et d’une dysfonction systolique mises en évidence via plusieurs critères de mesure.

Un dalmatien mâle entier, âgé de 10 ans, est référé pour l’exploration d’un souffle cardiaque associé à l’apparition, depuis un mois, d’épisodes de polypnée légère et de toux. Ce chien présente des antécédents de lithiases urinaires pour lesquelles il reçoit une alimentation de prévention (Hill’s® U/d). L’examen radiographique du thorax réalisé par le vétérinaire traitant a montré une cardiomégalie (vertebral heart score mesuré à 12,5) avec une suspicion de congestion pulmonaire débutante associée.

À la suite du traitement mis en place depuis quelques jours, combinant le bénazépril (0,35 mg/kg par jour), la spironolactone (2,7 mg/kg par jour), le furosémide (1,3 mg/kg toutes les 12 heures) et le pimobendane (0,25 mg/kg toutes les 12 heures), une amélioration clinique a été observée.

DESCRIPTION DU CAS

Examen clinique

À l’examen d’admission, l’animal apparaît en bon état général, avec des muqueuses roses et un temps de recoloration capillaire inférieur à 2 secondes, sans polypnée lors de la consultation. L’auscultation met en évidence l’association d’un souffle systolique apexien gauche (grade 2 sur 6) et de bruits cardiaques légèrement assourdis. La fréquence cardiaque, mesurée entre 170 et 180 battements par minute (bpm), est légèrement augmentée mais régulière.

Examen échographique

Un examen échocardiographique est réalisé pour identifier l’origine du souffle, expliquer la cardiomégalie observée à la radiographie et confirmer l’origine de la congestion suspectée. L’examen électrocardiographique concomitant montre un rythme sinusal et confirme une légère augmentation de la fréquence cardiaque (170 à 190 bpm). L’examen en mode temps-mouvement transventriculaire par voie parasternale droite met en évidence un ventricule gauche de taille modifiée, avec une cinétique ventriculaire très diminuée (fraction de raccourcissement mesurée entre 12 et 15 %, valeur usuelle supérieure à 25 %) associée à une dilatation systolique et diastolique majeure (photo 1). L’examen en mode bidimensionnel de la valve mitrale et de l’atrium gauche révèle des feuillets mitraux et des cordages associés à l’aspect normal, avec un net prolapsus et un reflux mitral systolique occupant moins de la moitié de la surface atriale gauche en mode Doppler couleur. L’atrium gauche est très nettement dilaté (dilatation visualisée sur la coupe 2D transaortique obtenue par voie parasternale droite), avec un rapport atrium gauche/aorte élevé (mesuré à 2,5 en télésystole, valeur usuelle inférieure à 1,6).

La mesure de la surface d’isovélocité proximale (proximal isovelocity surface area, PISA) montre une insuffisance hémodynamiquement minime, avec une fraction de régurgitation de moins de 20 % (normes : régurgitation minime en dessous de 30 %, modérée entre 30 et 50 %, marquée au-delà de 50 %), qui permet d’exclure une dilatation cardiaque secondaire à l’insuffisance mitrale (photo 2). La mesure du volume ventriculaire gauche confirme une dilatation cardiaque et une fraction d’éjection très diminuée, mesurée par la méthode de Simpson à 25 % (norme au-delà de 40 %).

Examens complémentaires

Un bilan de la fonction thyroïdienne, pour rechercher une éventuelle hypothyroïdie susceptible d’expliquer l’hypocontractilité, n’identifie pas d’anomalie. Une mesure de la taurine plasmatique, pour rechercher une cardiomyopathie tauriprive, révèle également des valeurs “non diminuées” (23,3 mg/l, normes de 5,1 à 12,1 mg/l).

Diagnostic

Un diagnostic de cardiomyopathie dilatée, probablement primitive, est établi. Elle est associée à une insuffisance mitrale minime sans doute fonctionnelle, à une tachycardie sinusale et à des signes de congestion intracardiaque marqués, sans œdème pulmonaire clinique identifié le jour de la consultation (pas de radiographie thoracique de référence). Une origine alimentaire doit être envisagée car les cardiomyopathies génétiques sont inhabituelles, bien que décrites dans cette race. Une origine “hormonale” ou une dysfonction secondaire à l’insuffisance mitrale sont a priori exclues.

Traitement

La poursuite du traitement à base de pimobendane, d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ou de spironolactone est recommandée. L’administration d’un diurétique est poursuivie à court terme, puis diminuée en l’absence de polypnée au repos au domicile. De la digoxine (0,005 mg/kg toutes les 12 heures) est ajoute´e au traitement pour réduire la fréquence de la tachycardie sinusale associée, qui peut majorer les signes de l’insuffisance cardiaque.

DISCUSSION

Diagnostic échographique de la cardiomyopathie dilatée

Le diagnostic échographique et la classification étiologique des cardiomyopathies dilatées canines ont fait récemment l’objet de quelques clarifications [1]. L’établissement du diagnostic échographique définitif doit reposer sur l’association d’une dilatation cardiaque et d’une dysfonction systolique, mises en évidence via plusieurs critères de mesure. Dans le cas présenté, une augmentation des diamètres et des volumes ventriculaires a été identifiée, ainsi qu’une baisse de la fraction de raccourcissement et d’éjection [1].

Causes de la cardiomyopathie dilatée

Il est impossible d’affirmer le caractère primitif de la cardiomyopathie dilatée sur des critères épidémiologiques. Si des cas sont décrits chez le dalmatien, cette race représente moins de 1 % des cas de cardiomyopathie dilatée dans une étude rétrospective de grande ampleur, correspondant à la part de la race dans la population canine [2, 3]. Il est nécessaire d’associer à l’examen échographique, particulièrement pour les races ne présentant pas de risque relatif “augmenté” par rapport à la population générale, l’exclusion des causes hormonales ou nutritionnelles notamment. Chez le dalmatien, les dysfonctions systoliques seraient favorisées par les aliments de prévention des calculs d’urate, en raison de leur teneur réduite en protéines [2]. Il est également important d’exclure une dilatation cardiaque et une dysfonction systolique “secondaire” à une cardiopathie préexistante avec surcharge volumique, comme une persistance du canal artériel, une communication interventriculaire ou une insuffisance mitrale “primitive” majeure (dysplasie mitrale ou prolapsus primitif). Une insuffisance mitrale fonctionnelle, liée à la dilatation du ventricule gauche qui “étire” l’anneau mitral, est souvent observée lors de cardiomyopathie dilatée : elle est la principale cause de souffle cardiaque identifiée chez un tiers des chiens atteints de cardiomyopathie dilatée [3]. Cependant, ce souffle est de très faible intensité dans plus de la moitié des cas [3]. Cette faible intensité traduit généralement un faible volume de régurgitation qui peut être quantifié, comme chez notre chien, et qui permet de confirmer dans ce cas le caractère “secondaire” de l’insuffisance mitrale.

Références

  • 1. Bonagura JD, Visser LC. Echocardiographic assessment of dilated cardiomyopathy in dogs. J. Vet. Cardiol. 2022:40:15-50.
  • 2. Freeman LM, Michel KE, Brown DJ et coll. Idiopathic dilated cardiomyopathy in Dalmatians: nine cases (1990-1995). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1996;209(9):1592-1596.
  • 3. Martin MW, Stafford Johnson MJ, Celona B. Canine dilated cardiomyopathy: a retrospective study of signalment, presentation and clinical findings in 369 cases. J. Small Anim. Pract 2009;50(1):23-29.

Conflit d’intérêts : Aucun