CARDIOLOGIE
Dossier
Auteur(s) : François Serres
Fonctions : (DESV de médecine interne, option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq
Le diagnostic de thromboembolie aortique féline est aisé via l’examen clinique et l’imagerie cardiaque, tandis que la variabilité des présentations chez le chien impose différentes analyses qui sont souvent non concluantes en cas de thrombose idiopathique.
Entité clinique très rare chez les chiens, la thromboembolie aortique est nettement plus fréquente chez les chats, notamment ceux atteints de cardiopathies. L’incidence rapportée varie de 0,26 à 0,57 % selon la population vue en consultation (généraliste ou spécialiste) [1, 18]. L’affection est au moins dix fois moins fréquente chez le chien car, dans la majorité des cas, il s’agit d’une thrombose aortique “in situ”, dans laquelle le thrombus se forme directement au sein de l’aorte ou d’une artère principale [10]. Les mécanismes physiopathologiques menant à une thromboembolie aortique ou à une thromboembolie aortique “in situ” sont en grande partie communs et impliquent la présence de facteurs favorisants (triade de Virchow : stase sanguine, lésions endothéliales et anomalie de la coagulation). Le mode de formation d’un thrombus aortique influe cependant sur la nature des affections sous-jacentes et sur la présentation clinique, qui diffèrent nettement entre thromboembolie aortique et thromboembolie “in situ”.
La thromboembolie aortique est une affection majoritairement rencontrée chez le chat âgé. L’âge moyen au diagnostic oscille entre 8,5 et 12 ans, bien que des cas soient rapportés chez des animaux de moins de 1 an [1, 18]. Cela s’explique par la survenue fréquente d’une affection sous-jacente responsable de la thromboembolie aortique (notamment une cardiomyopathie) à un âge avancé. Une prédisposition raciale est signalée chez l’abyssin, le sacré de birmanie et le ragdoll, mais 80 à 90 % des chats atteints sont des européens [1, 18].
Les mâles représentent 57 à 67 % des cas, cette prédisposition sexuelle reflétant probablement la tendance des chats mâles à développer une cardiomyopathie hypertrophique (jusqu’à 79 % des mâles dans certaines études rétrospectives) [17].
La présentation clinique est typiquement suraiguë lors de thromboembolie aortique féline. En cas de thromboembolie aortique cardiogénique, l’épisode constitue le premier signe d’une maladie cardiaque qui reste inconnue des propriétaires dans plus de 80 % des cas [1, 18].
Le diagnostic de thromboembolie aortique est essentiellement clinique. L’arrêt brutal de la vascularisation d’un ou des membres touchés entraîne une hypoxie des muscles et des nerfs périphériques : il s’agit alors de neuromyopathie ischémique. Cette atteinte vasculaire musculaire et nerveuse provoque des troubles neurologiques reconnaissables, de type syndrome du motoneurone périphérique, avec une parésie ou paralysie flasque. Le diagnostic des formes appendiculaires repose sur la mise en évidence de la règle des cinq P (encadré 1). L’ischémie tissulaire peut être responsable de lésions de nécrose cutanée et musculaire qui se manifestent au cours des premières semaines suivant l’épisode. La revascularisation est également à l’origine de troubles de la reperfusion, notamment en raison de la libération du potassium intracellulaire par les cellules en souffrance ou nécrosées. L’ischémie tissulaire provoque des dommages cellulaires et une accumulation de toxines et de potassium. Lors de la reperfusion, le contact de certaines toxines réactives à l’oxygène avec l’oxygène sanguin conduit à la formation très rapide et excessive de radicaux libres hautement nocifs, qui vont se répandre dans l’organisme en occasionnant des dégâts sur les protéines, l’ADN et les membranes cellulaires. La libération trop rapide d’un excès de toxines et de potassium dans le sang peut causer des défaillances multiorganiques graves et une toxicité cardiaque immédiate pour le potassium.
Au-delà de cette parésie ou paralysie de type motoneurone périphérique douloureuse, une tachypnée est fréquemment observée (jusqu’à 90 % des cas) et peut refléter une décompensation cardiaque [1]. Elle est souvent associée à une tachycardie. La polypnée peut avoir deux causes principales : le stress associé à la douleur, et un œdème pulmonaire ou un épanchement pleural secondaire à une insuffisance cardiaque congestive observée chez près des deux tiers des chats [1]. En général, l’examen clinique ne permet pas de distinguer ces deux situations. Cependant, l’auscultation thoracique peut révéler des crépitants en faveur d’un œdème pulmonaire, bien que cette anomalie ne soit pas systématique. Cette différence est pourtant essentielle car la présence d’une insuffisance cardiaque congestive est un facteur pronostique péjoratif fort, à la différence de la tachypnée [1]. Cette dichotomie est liée au fait que la tachypnée n’est pas un “bon” détecteur de la présence d’une insuffisance congestive gauche chez le chat, contrairement à ce qui est observé chez le chien. Une étude montre que la fréquence respiratoire dépasse 36 mouvements par minute chez 100 % des chats qui présentent une insuffisance cardiaque congestive, mais également chez près de la moitié de ceux qui n’en sont pas atteints [14]. Une fréquence respiratoire élevée ne permet donc pas de diagnostiquer une congestion chez le chat, alors qu’une fréquence respiratoire basse autorise en revanche à l’exclure.
Le diagnostic différentiel lors de paraparésie ou de paraplégie de type motoneurone périphérique aiguë chez le chat est relativement limité. Dans l’étude de Rossi et ses collaborateurs, une thromboembolie aortique est identifiée chez plus de 60 % des animaux présentés en urgence pour les signes décrits précédemment [15]. La principale autre affection responsable d’une paralysie est une hernie discale dans près de 10 % des cas. L’observation d’une paralysie de type motoneurone central avec la persistance des réflexes médullaires permet généralement de distinguer une thromboembolie aortique d’une hernie discale et d’une pseudo-paralysie liée à une fracture appendiculaire par exemple. Dans une minorité de cas, la paralysie est liée à une polyneuropathie associée à une paralysie de type motoneurone périphérique, et peut donc être plus difficile à différencier d’une thromboembolie aortique [15].
L’examen biochimique présente un intérêt limité pour le diagnostic de la thromboembolie aortique. L’hyperglycémie, présente dans 72 % des cas, n’est pas spécifique et traduit principalement une stimulation adrénergique et cortisonique associée à la douleur. Une élévation des marqueurs de souffrance musculaire est presque systématiquement observée, avec notamment une élévation de l’aspartate aminotransférase dans 99 % des cas et de la créatine kinase dans 100 % des cas [18]. Elle n’est pas spécifique d’une atteinte vasculaire puisqu’une augmentation de ces enzymes peut être constatée par exemple lors d’une atteinte musculaire, quelle qu’en soit l’origine, notamment à la suite d’un traumatisme iatrogène qui peut également provoquer une paralysie. L’examen biochimique doit en revanche être pris en compte dans l’évaluation des conséquences de la cardiopathie et/ou de l’état de choc sur l’organisme. C’est notamment le cas pour la fonction rénale, une azotémie pouvant compliquer encore davantage la prise en charge. Une hausse de l’urée et de la créatinine est ainsi rapportée, respectivement dans 41 % et 26 % des cas au moment du diagnostic [18]. Une hyperkaliémie et une hyperphosphatémie secondaires au syndrome de reperfusion peuvent également être identifiées, parfois dès la présentation initiale (dans 12 % et 16 % des cas) [18].
Un examen échocardiographique doit être systématiquement proposé, pour rechercher une dilatation atriale gauche (observée dans 91 % des cas ayant fait l’objet d’un examen échocardiographique), d’éventuels signes de congestion (épanchement pleural, lignes B) et identifier la présence de thrombus, de volutes préthrombotiques ou d’autres signes de stase sanguine intracardiaque [18].
Une insuffisance cardiaque congestive est associée dans 44 à 75 % des cas [1, 11]. L’examen cardiaque permet d’établir un niveau assez élevé de certitude pour la détection d’une insuffisance cardiaque congestive [14]. Une étude montre que plusieurs marqueurs échographiques simples, tels que le rapport atrium gauche/aorte, le rapport onde E/onde A ou le diamètre antéropostérieur de l’atrium gauche, possèdent une très bonne capacité discriminante pour identifier les chats présentant une insuffisance cardiaque (encadré 2). Un examen échocardiographique relativement simple (comme la mesure du diamètre de l’atrium gauche) peut donc être proposé au chevet de l’animal pour classer la thromboembolie aortique comme probablement d’origine cardiaque. Les chats atteints de thromboembolie aortique présentent ainsi un atrium gauche de plus grand diamètre que ceux souffrant de cardiomyopathie hypertrophique en phase occulte ou congestive [17].
L’examen échographique peut également permettre de détecter la présence d’un épanchement pleural. Selon une étude récente, la prévalence des épisodes de thromboembolie aortique est nettement plus élevée chez les chats souffrant d’un œdème pulmonaire (observation d’une thromboembolie aortique chez 33 % de ces animaux) que chez ceux présentant un épanchement pleural (observation d’une thromboembolie aortique chez 6,6 % d’entre eux) [3]. Le caractère “protecteur” d’un épanchement pleural sur la survenue d’un épisode de thromboembolie aortique reste inexpliqué. Cette différence n’est pas liée à une différence de taille de l’atrium gauche. Elle proviendrait d’une activation majeure de la fibrinolyse chez les animaux présentant un épanchement à la suite de l’accumulation de liquide pleural riche en fibrine, chez lesquels les cellules mesothéliales pleurales sécrètent l’activateur tissulaire du plasminogène (tPA) et activent la protéine C anticoagulante, entraînant un épanchement avec une forte capacité fibrinolytique qui va partiellement recirculer dans l’organisme via les voies lymphatiques. Un épanchement pleural, surtout s’il est associé à des modifications cardiaques minimes à absentes, doit faire suspecter la présence d’une lésion tumorale pulmonaire. Celle-ci peut éventuellement être visualisée directement durant l’examen échographique. Dans ce cas, une ponction de cette lésion ou a minima de l’épanchement, en vue d’un examen cytologique, doit être envisagée. Cela permet, dans certains cas, le diagnostic précoce d’une forme particulièrement grave, notamment si une carcinomatose pleurale est identifiée. Le traitement par chimiothérapie est souvent inefficace lors de carcinomatose pleurale féline et le pronostic systématiquement mauvais lors de thromboembolie aortique associée à une tumeur pulmonaire [6, 19].
Outre la dilatation atriale gauche, l’examen échocardiographique permet l’identification de facteurs prédisposants, comme la présence de volutes préthrombotiques, d’un caillot intra-auriculaire ou d’une diminution du flux auriculaire à l’examen Doppler. Si la coupe petit axe transaortique obtenue par voie parasternale droite est habituellement utilisée pour identifier une dilatation atriale gauche, elle ne permet pas de visualiser correctement la cavité de l’auricule gauche. Une coupe apicale caudale gauche facilite la détection de thrombus ou de volutes préthrombotiques (photos 1a et 1b). En l’absence de signes de stase sanguine évidente, l’examen en mode Doppler pulsé du flux circulant dans l’auricule permet de détecter les animaux à risque de thromboembolie aortique ou de confirmer l’origine cardiaque chez ceux qui présentent des signes cliniques de thromboembolie aortique. Un flux bidirectionnel est normalement observé au cours du cycle cardiaque, avec une à quatre ondes, l’origine de ces différents flux n’étant pas déterminée. Ces flux ont une vélocité “normale” qui dépasse 0,30 mètre par seconde (m/s). Une étude a identifié une corrélation positive entre la présence d’un flux de basse vélocité et celle d’images de volutes préthrombotiques, avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 69 % pour une vitesse inférieure à 0,25 m/s, ou avec une sensibilité de 74 % et une spécificité de 84 % pour une vitesse inférieure à 0,20 m/s.
La réalisation d’un examen radiographique en complément de l’examen échographique apparaît souhaitable en l’absence d’épanchement pleural ou de signe de cardiopathie sous-jacente (figure). Le simple recours à un examen échographique thoracique, et éventuellement radiographique, permet dans la majorité des cas d’établir un diagnostic et un pronostic précis susceptibles de guider la décision thérapeutique. La radiographique est inférieure à l’échographie pour le diagnostic des cardiopathies sous-jacentes. Si une cardiomégalie radiographique “globale” est retrouvée chez plus de 90 % des chats présentant un œdème cardiogénique, la dilatation atriale gauche est moins systématiquement identifiée. Les mesures quantitatives (vertebral heart score et vertebral left atrial size) n’identifient que 92 % des cardiomégalies et 41 % des dilatations atriales gauches lors de cardiopathie congestive féline [4]. Des signes de congestion cardiaque doivent être recherchés, notamment chez les animaux présentant une polypnée. Les modifications radiographiques lors d’œdème pulmonaire cardiogénique sont connues, dans l’espèce féline, pour présenter un aspect variable, allant d’une densification interstitielle à péribronchique ou alvéolaire. La densification périhilaire alvéolaire, décrite chez le chien, est assez rarement observée. Dans les deux tiers des cas, la localisation des zones de densification est ventrale [4].
L’échographie thoracique peut se limiter à un examen de type point-of-care ultrasound (Pocus), en se restreignant à quelques zones pulmonaires à la recherche d’un épanchement pleural ou péricardique et de lignes B pulmonaires, et à un examen cardiaque succinct avec une estimation du rapport atrium gauche/aorte. La mise en évidence de lignes B est associée à une sensibilité et à une spécificité encore insuffisantes (87 % et 89 % respectivement) pour l’identification des œdèmes pulmonaires cardiogéniques chez le chat, non supérieures à l’examen radiographique notamment du fait du caractère non spécifique de cette anomalie lors d’affection interstitielle [20]. Cet examen ne permet pas notamment de différencier un œdème cardiogénique d’une fibrose ou d’une pneumonie interstitielle. L’examen cardiaque est probablement plus intéressant, l’identification d’un rapport atrium gauche/aorte au-delà de 1,5 aboutissant à un diagnostic correct dans plus de 91 % des cas [8].
Pour les cas dont la présentation clinique est équivoque ou quand aucune cause sous-jacente n’est identifiée, des examens de confirmation ou d’exclusion complémentaires sont à envisager :
- une mesure simultanée de la glycémie et des lactates sur le ou les membres touchés et sur un prélèvement jugulaire peut permettre de confirmer une hypoperfusion localisée : dans ce cas, une hypoglycémie et une hyperlactatémie concernent le membre atteint. Aucune valeur seuil n’est disponible et la fiabilité de cet examen pour les lactates reste inconnue, mais une différence de plus de 30 mg/dl de glycémie entre les membres sains et atteints distingue la thromboembolie aortique des autres causes de parésie ou de paralysie, avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 90 % [9] ;
- l’emploi d’une caméra infrarouge peut également être indiqué : une différence de plus de 2,4 °C entre les membres atteints et sains identifie une thromboembolie aortique avec une sensibilité et une spécificité dépassant 80 % [12].
La visualisation directe du thrombus par un examen échographique peut également être envisagée lors de thromboembolie aortique touchant les membres pelviens. La fiabilité de l’examen est inconnue et dépend probablement en partie de l’opérateur, ainsi que de la taille et de la localisation du thrombus. Le thrombus est le plus souvent situé au niveau de la trifurcation aortique, avec un degré variable d’obstruction de la lumière vasculaire. Une obstruction complète, observée dans 65 % des cas, est associée à une mortalité plus élevée [5].
Les thromboses aortiques canines touchent des animaux adultes à âgés : l’âge moyen au diagnostic est de 10 ans, mais des cas sont rapportés dès 2 ans [10, 16]. Aucune race n’est a priori plus à risque, même si une prédisposition du cavalier king charles est évoquée, mais sans être confirmée [7, 10, 16, 22].
Lors de thrombose aortique, la survenue de troubles locomoteurs sur les postérieurs n’est pas systématique : ils ne sont observés que chez 85 à 90 % des animaux [10, 16]. Plus de 40 % des chiens qui présentent des troubles locomoteurs ne sont pas ambulatoires lors du diagnostic [16]. Dans 50 à 72 % des cas, la présentation est chronique [10, 16]. Les animaux avec des signes cliniques chroniques présentent plus rarement des troubles marqués (perte de la motricité, douleur, déficit neurologique et atteinte bilatérale) que ceux dont les signes sont aigus [16]. Les signes classiquement décrits lors de thromboembolie aortique (règle des cinq P) ne sont retrouvés que chez une minorité de chiens (paralysie, douleur ou hypothermie des membres dans moins de 40 % des cas) et le déficit pulsatile n’est observé que chez deux tiers des animaux [16]. Dans 29 % des cas seulement, un souffle cardiaque est détecté, ce qui est à relier à la physiopathologie de la thrombose aortique chez le chien : dans cette espèce, une dysfonction cardiaque ne participe que rarement à la formation du thrombus [10]. De véritables thromboembolies sont cependant suspectées dans l’espèce canine, notamment chez le cavalier king charles lors de maladie mitrale sous-jacente [7].
Des anomalies biochimiques similaires à celles observées chez le chat sont identifiées, notamment une élévation de la créatinine kinase et de l’aspartate aminotransférase [16]. Une protéinurie significative est mise en évidence dans 51 % des cas (valeur médiane du rapport protéinurie/créatininurie de 5,2 mesuré chez 27 chiens). La mesure simultanée de la glycémie sur le ou les membres touchés et sur un prélèvement autre a également été étudiée chez le chien et semble particulièrement intéressante. Une différence de plus de 16 mg/dl de glycémie entre les membres sains et atteints distingue la thromboembolie aortique des autres causes de parésie ou de paralysie, avec une sensibilité et une spécificité de 100 % [9].
Une tendance à l’hypercoagulabilité a été identifiée par thromboélastographie chez la moitié des animaux pour lesquels cet examen a été réalisé [16]. Une diminution de l’activité de l’antithrombine III est mise en évidence chez une minorité de chiens, d’autres mécanismes responsables de l’état hypercoagulable étant probablement impliqués, et cette baisse semble plus marquée chez les animaux présentant une protéinurie [10, 16]. Certains animaux affichent un profil d’hypocoagulabilité qui peut être lié à une surconsommation initiale des facteurs de coagulation par une thrombose excessive.
L’examen échocardiographique est nettement moins pertinent que chez le chat, car moins de 10 % des chiens présentent des thrombi intracardiaques. En outre, une origine “cardiaque” (essentiellement endocardite ou tumeur cardiaque) n’est suspectée que chez une infime partie des chiens [16]. Une oreillette gauche non dilatée ne rend pas une thrombose aortique peu probable chez le chien, à la différence du chat ; elle était ainsi de taille normale chez 86 % des animaux examinés [10]. La sensibilité de l’examen échographique abdominal lors de thrombose aortique canine est inconnue, la visualisation du thrombus (par imagerie ou examen nécropsique) étant l’élément diagnostique requis dans la plupart des études d’envergure [10, 16, 21]. Le thrombus est localisé presque exclusivement à la trifurcation aortique et s’étend dans les artères iliaques chez plus de la moitié des chiens [16].
À la différence du chat, une démarche clinique et diagnostique simple ne suffit pas, dans la plupart des cas, à établir un diagnostic étiologique précis et un pronostic clair chez le chien. Il est souvent recommandé de réaliser un bilan sanguin large (hémogramme, bilan biochimique, ionogramme), un examen urinaire (avec a minima une bandelette urinaire et la réalisation impérative d’une mesure quantitative de la protéinurie via le rapport protéine/créatinine urinaire) et un examen d’imagerie au moins abdominal. Des examens plus poussés sont particulièrement indiqués lorsque des éléments cliniques ou des premiers résultats font suspecter l’évolution d’une affection favorisante. Si dans l’étude la plus récente, 77 % des cas présentaient au moins une affection responsable d’une hypercoagulabilité, près d’un quart des animaux n’avaient aucun facteur de risque identifié, malgré une démarche d’exploration rigoureuse et poussée pour la majorité d’entre eux [16]. Quelques affections sont retrouvées plus fréquemment, même si les causes restent variées.
Cette démarche d’exploration complémentaire identifie une glomérulopathie, grâce à une protéinurie importante, dans au minimum un tiers des cas. Elle est associée chez 10 % des animaux à au moins une autre affection prédisposante [16]. L’exploration et la prise en charge de cette glomérulopathie dépassent largement le cadre de cette revue, mais elles ont été détaillées dans plusieurs articles de consensus de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim).
Une affection tumorale concomitante est identifiée dans 19 à 22 % des cas [10, 16]. Il s’agit notamment d’un lymphome ou d’une masse surrénalienne [10]. Une élévation des D-dimères, témoignant d’une hypercoagulabilité, est observée chez 44 % des chiens atteints de lymphome de haut grade, et cela constitue un facteur pronostique péjoratif [2]. Dans la moitié des cas de tumeur, une autre affection prédisposante y est associée [16].
Plus rarement, une affection hormonale est mise en évidence. Un hypercorticisme est observé dans 3 à 9 % des cas, le plus souvent associé à une autre affection. Les examens complémentaires pour rechercher cette affection (rapport cortisol/créatinine urinaire, test de stimulation à l’hormone adrénocorticotrope ou test de freination à la dexaméthasone) sont à réaliser en cas de présentation clinique évocatrice (polyuro-polydipsie, lésions cutanées) ou de premiers examens évocateurs (hyperphosphatasémie, modification de l’aspect des surrénales). L’hypothyroïdie et le diabète sucré n’ont été identifiés que dans moins de 3 % des cas [10, 16]. La recherche systématique de ces affections ne se justifie donc pas en l’absence de signes évocateurs. La prise de corticoïdes exogènes est rapportée dans 16 à 19 % des cas, et le plus souvent associée à une autre affection [10, 16].
L’observation fréquente de “comorbidités”, avec plusieurs facteurs favorisants identifiés, peut parfois s’expliquer par un rapport de causalité entre ces facteurs : un animal souffrant d’une affection tumorale va souvent présenter une glomérulopathie concomitante, avec une protéinurie nette décrite chez 15 % des animaux au moment du diagnostic d’une tumeur. Les mécanismes à l’origine de cette glomérulopathie demeurent imparfaitement connus [13]. Les thromboses étant fréquemment observées chez des animaux âgés, l’hypothèse qu’il s’agisse en partie d’une coïncidence ne peut être exclue.
Conflit d’intérêts : Aucun
La règle des cinq P (en gras) permet de reconnaître une thromboembolie aortique chez le chat grâce aux signes suivants :
- une phase de douleur intense (pain) qui peut durer jusqu’à 24 heures, mais s’estompe rapidement après 48 heures ;
- une parésie ou une paralysie de type motoneurone périphérique, caractérisée par une perte plus ou moins complète du tonus musculaire, de la proprioception et des réflexes médullaires (photos a à c). Une atteinte bilatérale des membres pelviens survient dans la majorité des cas (72 à 78 %), mais est plus rarement unilatérale (13 à 20 %). Elle peut parfois concerner trois ou quatre membres ou un antérieur (le droit plus que le gauche), avec une perte motrice dans les deux tiers des cas. Une embolie cérébrale, rénale ou mésentérique est beaucoup plus rarement observée ;
- une diminution ou une disparition du pouls fémoral et métatarsien, identifiée respectivement par palpation digitée et recherche par Doppler en face médio-dorsale du métatarse proximal ;
- une pâleur, voire une cyanose identifiable sur les coussinets ou à la racine des griffes ;
- une hypothermie (poïkilothermie) associée chez plus de la moitié des animaux à une température rectale inférieure à 37,8 °C [18]. Cette hypothermie constitue un paramètre pronostique péjoratif dans la plupart des études [1, 18].
Les thromboembolies aortiques félines constituent rarement un défi diagnostique : la suspicion clinique, qui repose sur l’examen neurologique, est relativement spécifique et les examens échocardiographiques et radiographiques thoraciques permettent d’en confirmer l’origine et de préciser le pronostic. Chez le chien, la présentation clinique plus variée nécessite la réalisation d’examens sanguins, urinaires et d’imagerie médicale (échographie abdominale ou scanner) pour confirmer la présence de la lésion et identifier son origine. Ces examens peuvent être non conclusifs car de nombreux chiens présentent une thrombose “idiopathique”.