IMAGERIE
Quel est votre diagnostic ?
Auteur(s) : Pierre Guigo*, Aurore Fouhety**
Fonctions :
*(cert. CEAV-MI)
Clinique TouraineVet
Exercice référé exclusif
12 rue des Internautes
37210 Rochecorbon
Une chienne carlin non stérilisée, âgée de 3 ans, est référée pour l’exploration d’une dyspnée, d’un abattement et d’une hyporexie qui évoluent depuis une semaine. L’animal est à jour de ses vaccinations et est correctement traité contre les parasites internes et externes. Aucun antécédent médical significatif n’est rapporté. Aucun examen complémentaire n’a été réalisé et aucun traitement administré avant la consultation. Lors de l’examen clinique, l’animal apparaît abattu. Une hyperthermie (température rectale de 39,7 °C) et une tachypnée sont notées. Les bruits respiratoires sont diminués sur la zone d’auscultation des lobes pulmonaires gauches. L’auscultation cardiaque ne révèle pas d’anomalie. Après une échographie de dépistage d’un traumatisme thoracique (T-Fast) et une stabilisation médicale de l’animal (oxygénothérapie, fluidothérapie et injection de butorphanol à la dose de 0,3 mg/kg par voie intraveineuse), des radiographies thoraciques de profil et de face sont réalisées (photos 1 et 2).
La densité, le contraste et la netteté des images radiographiques sont corrects. Une légère rotation de l’animal est notée sur les deux incidences. L’examen montre la présence d’une plage d’opacité tissulaire ventrale masquant les contours de la silhouette cardiaque, associée à un arrondissement des contours pulmonaires et à de fines scissures interlobaires. Il met également en évidence la présence d’une plage d’opacité tissulaire comportant de nombreuses inclusions ovoïdes à l’opacité aérique sur la zone de projection du lobe pulmonaire cranial gauche, associée à une déviation dorso-latérale droite de la trachée.
L’examen est en faveur d’une torsion du lobe pulmonaire cranial gauche associée à la présence d’une faible quantité d’épanchement pleural. En raison de l’absence d’identification précise de la bronche lobaire du lobe pulmonaire cranial gauche sur les radiographies, un scanner du thorax est réalisé. Il confirme la torsion complète de la partie craniale du lobe pulmonaire cranial gauche. Une lobectomie du lobe atteint est effectuée via une thoracotomie latérale gauche. L’analyse histologique de la pièce d’exérèse révèle des remaniements nécrotico-hémorragiques extensifs du parenchyme pulmonaire secondaires à la torsion, sans identification de cause sous-jacente.
La torsion de lobe pulmonaire correspond à la rotation axiale partielle à complète d’un lobe autour de son pédicule broncho-vasculaire [1]. L’occlusion bronchique, vasculaire et lymphatique qui en résulte est à l’origine d’une congestion, d’une hémorragie, voire d’une nécrose du tissu pulmonaire du lobe atteint [1]. Il s’agit d’une affection rare qui touche principalement le chien et plus rarement le chat [3]. Certaines races canines sont surreprésentées, telles que les chiens à thorax profond et étroit (lévrier afghan, whippet) ou à thorax large (carlin) [1]. Les lobes le plus souvent atteints sont le lobe pulmonaire moyen droit chez les chiens de grande taille et le lobe pulmonaire cranial gauche chez ceux de petit format [1]. La torsion peut être spontanée, ou consécutive à un épanchement pleural, à un traumatisme, à un processus néoplasique pulmonaire, ou encore à une intervention de chirurgie thoracique [1]. Les signes cliniques sont variables et non spécifiques (dyspnée, tachypnée, abattement, anorexie, épistaxis, etc.) [3]. Le diagnostic repose essentiellement sur les examens d’imagerie [3]. Les signes radiographiques d’une torsion pulmonaire incluent des modifications du lobe atteint (opacification alvéolaire, augmentation de volume, déformation, voire malposition), la visualisation d’un épanchement pleural et d’un déplacement, d’un rétrécissement, voire d’une interruption de la bronche principale du lobe affecté [3]. Une opacification vésiculaire(1) du lobe atteint est parfois observée. Cependant, elle ne constitue pas un signe pathognomonique [3]. Lorsque l’exploration radiographique est équivoque, d’autres examens doivent être pratiqués (échographie, tomodensitométrie du thorax, bronchoscopie) pour confirmer le diagnostic [3]. Le traitement repose sur une stabilisation médicale (oxygénothérapie, tranquillisation, thoracocentèse selon la quantité d’épanchement pleural) suivie d’une exérèse du lobe atteint sans détorsion préalable de celui-ci afin de limiter les risques d’endotoxémie et de thromboembolie [2]. Lors d’une origine spontanée, le pronostic est généralement favorable une fois la phase postopératoire immédiate passée. Des “récidives” sont possibles, comme la torsion d’un autre lobe. Dans le cas d’une torsion secondaire, le pronostic dépend de la cause sous-jacente [2].
(1) Opacification vésiculaire : plage d’opacité tissulaire comportant de nombreuses inclusions ovoïdes d’opacité aérique.
Conflit d’intérêts : Aucun