PHÉOCHROMOCYTOME CHEZ UN CHIEN BORDER COLLIE - Le Point Vétérinaire n° 464 du 01/04/2025
Le Point Vétérinaire n° 464 du 01/04/2025

ENDOCRINOLOGIE

Endocrinologie

Auteur(s) : Charlotte Vallin*, Maxime Kurtz**, Edouard Reyes Gomez***, Harriet Hahn****, Mathieu Manassero*****

Fonctions :
*(DipECVIM-CA)
**(DipECVP, DESV-AP)
***(DipECVDI)
****(DipECVS)
7 avenue du Général de Gaulle
94700 Maisons-Alfort

La cytoponction surrénalienne échoguidée a une valeur diagnostique élevée pour distinguer l’origine cellulaire corticale ou médullaire d’une masse surrénalienne.

Les phéochromocytomes sont des tumeurs médullo-surrénaliennes rares, qui représentent 0,01 à 0,1 % des processus néoplasiques chez le chien [5]. Chez le chien, la moitié des phéochromocytomes sont considérés comme malins, avec un pouvoir métastasique important. Leur expression clinique, à travers la sécrétion de catécholamines, est non caractéristique, épisodique et souvent inaperçue par le propriétaire. Dans le cas exposé, une présentation clinique peu spécifique a conduit à la mise en évidence d’une masse surrénalienne dont les explorations cytologique et endocrinienne ont permis le diagnostic de phéochromocytome.

PRÉSENTATION DU CAS

Anamnèse et commémoratifs

Un chien border collie mâle entier, âgé de 8 ans, est présenté pour plus de dix épisodes de vomissements alimentaires et non alimentaires aigus, une polyuro-polydipsie (non quantifiée, donc subjective) et un abattement qui évolue depuis 48 heures. Les vaccins et les traitements antiparasitaires internes sont à jour. Il reçoit une ration alimentaire mixte (croquettes et régime ménager). Aucun antécédent médical notable n’est rapporté et les propriétaires estiment l’ingestion d’un corps étranger ou toxique peu probable.

Examen clinique

L’examen clinique révèle des muqueuses pâles et sèches traduisant une déshydratation estimée à au moins 7 %, un temps de recoloration capillaire de 2 secondes, une tachycardie modérée compte tenu du calme de l’animal (fréquence cardiaque mesurée à 168 battements par minute). L’auscultation cardiaque ne décèle pas d’autre anomalie. Une tachypnée (fréquence respiratoire de 44 mouvements par minute) est notée et la palpation abdominale met en évidence un inconfort dans la région craniale. La température rectale est de 38,3 °C.

Bilan clinique et hypothèses diagnostiques

Le bilan anamnestico-clinique fait état de vomissements et d’une polyuro-polydipsie d’apparition aiguë, d’une tachycardie, d’une douleur à la palpation abdominale craniale et d’une déshydratation estimée à 7 % au minimum. À ce stade des investigations, l’hypothèse diagnostique la plus probable est celle d’une affection pancréatique (pancréatite aiguë) ou biliaire (cholécystite, mucocèle) étant donné la douleur abdominale craniale, sans pouvoir écarter une affection digestive. Une maladie d’Addison n’est pas exclue en raison de la polyuro-polydipsie et des vomissements, bien que la tachycardie soit peu en faveur de cette hypothèse.

Examens complémentaires

Mesure de la pression artérielle

En raison de la déshydratation et de l’abattement, une mesure de la pression artérielle est décidée pour explorer l’hypothèse d’une hypotension consécutive à la déshydratation. Elle met en évidence une hypertension artérielle systémique systolique à 200 mmHg.

Électrocardiogramme

La tachycardie objectivée à l’examen clinique conduit à la réalisation d’un électrocardiogramme qui révèle une tachycardie sinusale non spécifique.

Bilans hématologique et biochimique

Dans un premier temps, un bilan sanguin hématologique et biochimique est effectué afin d’explorer les principales hypothèses diagnostiques. L’activité sérique de la lipase pancréatique spécifique est comprise dans l’intervalle des valeurs de référence, ce qui rend l’hypothèse d’une pancréatite aiguë peu probable (tableau 1). Le bilan biochimique, qui révèle des paramètres lésionnels hépatiques modérément augmentés, est peu évocateur d’une atteinte hépatobiliaire. Par ailleurs, l’ionogramme normal rend aussi peu probable l’hypothèse d’une maladie d’Addison, bien qu’un hypocorticisme atypique ne soit pas exclu à ce stade des investigations. En revanche, il met en évidence des anomalies prioritairement compatibles avec la déshydratation identifiée (augmentation de l’hématocrite, discrète azotémie), sans pouvoir exclure une insuffisance rénale parenchymateuse ou postrénale. En outre, la gravité de l’azotémie ne semble pas justifier les signes cliniques observés. Enfin, une hyperlactatémie traduisant une hypoxie cellulaire est notée.

Examen urinaire

Une analyse d’urine est réalisée en raison de l’azotémie et afin d’explorer la polyuro-polydipsie. La concentration urinaire est hypersthénurique (densité de 1,044) mais elle n’est pas de l’amplitude attendue face aux 7 % de déshydratation : elle remet éventuellement en cause la polyuro-polydispie rapportée, mais elle ne permet pas d’exclure une atteinte parenchymateuse rénale avec certitude. L’examen du culot urinaire ne révèle pas d’anomalie. Une protéinurie modérée est notée, avec un rapport protéines urinaires/créatinine urinaire de 0,63 (valeur usuelle inférieure de 0,2) évocateur d’une souffrance ou d’une lésion dont l’origine rénale apparaît probable au regard du résultat négatif de l’examen cytobactériologique des urines.

Bilan des examens de première intention

À ce stade des investigations, les vomissements et l’abattement restent inexpliqués. L’hypertension artérielle et la tachycardie pourraient être consécutives à la douleur abdominale, mais la persistance de l’hypertension artérielle après l’administration d’un traitement analgésique (méthadone à la dose de 0,2 mg/kg par voie intraveineuse) rend cette hypothèse peu probable. L’insuffisance rénale aiguë identifiée pourrait participer à l’hypertension artérielle, ou en être la conséquence (néphropathie hypertensive).

Échographie abdominale

Une échographie abdominale est réalisée pour explorer l’origine des vomissements et de l’azotémie. Elle montre une masse rétropéritonéale mesurant 5 x 3,8 x 2 cm, dans la région surrénalienne gauche, prioritairement compatible avec un processus tumoral malin (adénocarcinome corticosurrénalien, phéochromocytome) ou moins probablement bénin (adénome corticosurrénalien). La surrénale controlatérale est de taille normale. Après la stabilisation de l’hypertension artérielle et en attendant les résultats des analyses biologiques, des cytoponctions à l’aiguille fine de la lésion sont effectuées. L’examen cytologique révèle de nombreux noyaux nus, ainsi que des paquets de cellules polygonales, assez monomorphes, avec des contours nets et un cytoplasme assez abondant acidophile à basophile, légèrement granuleux mais non vacuolisé. Une macrocaryose occasionnelle est observée. Ces observations sont en faveur d’un phéochromocytome et en défaveur d’une tumeur corticosurrénalienne (photo 1).

Dosages hormonaux

Afin d’explorer le caractère sécrétant du phéochromocytome suspecté, un dosage de la métanéphrine et de la normétanéphrine libres plasmatiques est réalisé. Les résultats étant en faveur d’une tumeur sécrétant des catécholamines, le diagnostic de phéochromocytome surrénalien est confirmé (tableau 2).

Examen tomodensitométrique thoracique et abdominal

La réalisation d’un bilan d’extension local et métastatique est décidée en vue d’une intervention chirurgicale. L’examen tomodensitométrique met en évidence une masse tissulaire irrégulière, rehaussant fortement en phase artérielle, située dans la région surrénalienne gauche, ainsi qu’un envahissement de la veine phrénico-abdominale gauche. Il existe également un contact étroit avec la veine rénale gauche, la veine cave caudale, l’aorte et l’artère mésentérique craniale, ce qui suggère la présence d’adhérences. Aucune métastase thoracique ou abdominale n’est observée (photo 2).

Diagnostic définitif

Un phéochromocytome gauche avec une possible invasion vasculaire locale est finalement diagnostiqué. Cette lésion explique l’hypertension artérielle et la tachycardie notées lors de la consultation initiale, persistantes malgré un traitement analgésique. Les vomissements sont décrits comme occasionnels lors de phéochromocytome et peuvent être liés à la vasoconstriction splanchnique ou à la douleur rétropéritonéale [1].

L’azotémie et la protéinurie identifiées pourraient être une conséquence de l’hypertension artérielle (néphropathie hypertensive), moins probablement d’une insuffisance rénale d’origine prérénale.

Traitement médical

La prise en charge initiale repose sur la correction de la déshydratation par l’administration d’une fluidothérapie isotonique intraveineuse, associée à un traitement antiémétique (maropitant à la dose de 1 mg/kg par voie intraveineuse une fois par jour) et analgésique (buprénorphine à raison de 20 µg/kg par voie intraveineuse toutes les huit heures). L’hypertension artérielle est initialement prise en charge par l’administration d’amlodipine (à la posologie de 0,2 mg/kg per os une fois par jour). Une fois le diagnostic de phéochromocytome établi, l’amlodipine est remplacée par de la phénoxybenzamine (à la dose de 0,2 mg/kg par voie orale deux fois par jour), un antagoniste alpha-adrénergique non compétitif. La nette amélioration de l’état général du chien permet sa sortie après 72 heures d’hospitalisation. Deux semaines plus tard, un défaut de disponibilité de la phénoxybenzamine et de nouveaux épisodes de vomissements motivent l’arrêt de ce traitement. L’amlodipine, de nouveau prescrite à la même dose, permet le maintien d’une pression artérielle dans l’intervalle cible thérapeutique et d’un bon état général. Trois mois sont nécessaires aux propriétaires pour prendre une décision opératoire.

Traitement chirurgical

Après la stabilisation médicale, une prise en charge chirurgicale, consistant en une surrénalectomie gauche, est réalisée via une laparotomie médiane ventrale (photo 3). L’animal est monitoré tout au long de la procédure. Le suivi en temps réel de la pression artérielle est effectué grâce à la pose d’un cathéter artériel. Une hypertension artérielle systémique durant la première partie de l’intervention nécessite une adaptation anesthésique au moyen de différentes molécules (isoflurane, perfusion à débit constant de dexmédétomidine à raison de 1 µg/kg par heure puis de 2 µg/kg par heure, urapidil en bolus à raison de 0,35 mg/kg, magnésium en bolus à raison de 10 mg/kg). Après la surrénalectomie, une chute brutale de la pression artérielle est observée et traitée par des perfusions continues de noradrénaline et de dobutamine (à la dose de 0,1 µg/kg par minute et de 2,5 µg/kg par minute, respectivement). Le réveil de l’animal a lieu dans l’unité des soins intensifs, afin de suivre les éventuelles complications postopératoires.

Histologie et pronostic

L’examen histologique confirme la suspicion de phéochromocytome et met en évidence des images d’effractions capsulaires et vasculaires avec des emboles (photo 4).

Suivi

Au suivi à quinze jours postopératoires, le chien présente un bon état général et un bon appétit. L’examen clinique est normal. La concentration plasmatique en métanéphrines est normalisée, de même que les paramètres rénaux. La pression artérielle et la fréquence cardiaque sont dans l’intervalle des valeurs usuelles, malgré l’arrêt du traitement à base d’amlodipine. En raison des images d’effractions capsulaires et vasculaires à l’examen histologique, un traitement adjuvant (chimiothérapie et/ou radiothérapie) est proposé mais décliné par les propriétaires en raison de son faible intérêt démontré en médecine vétérinaire et humaine, ainsi que d’un coût non négligeable. Lors des suivis ultérieurs, jusqu’à huit mois postopératoires, l’état général de l’animal reste bon (absence de contrôle échographique).

DISCUSSION

Signes cliniques du phéochromoctyome

Le phéochromocytome est une tumeur médullo-surrénalienne qui peut sécréter des catécholamines via les cellules chromaffines par intermittence. Les cellules chromaffines sont la principale source des trois catécholamines qui sont présentes dans le sang : l’adrénaline (épinéphrine), la noradrénaline (norépinéphrine) et la dopamine [3]. La sécrétion de catécholamines par le phéochromocytome est épisodique et imprévisible, avec des signes observés plusieurs fois par jour ou à des intervalles de plusieurs semaines ou mois, ce qui rend le diagnostic difficile. La plupart des chiens atteints de phéochromocytome présentent des épisodes paroxystiques et sont en bonne santé entre les épisodes. Dans le cas décrit, les signes cliniques évoluaient de façon aiguë depuis 48 heures. Le plus souvent, ils sont non spécifiques et comprennent une léthargie, une anorexie, une perte de poids, une diarrhée et des vomissements, comme chez ce border collie. Un excès de catécholamines circulantes peut provoquer un essoufflement, un collapsus, des convulsions et même une mort subite consécutive à une arythmie grave (par exemple, tachycardie ventriculaire). L’hypertension artérielle, rapportée dans la moitié des cas de phéochromocytome, peut provoquer une épistaxis, d’autres saignements (hémorragie rétinienne) ou un décollement de la rétine et une cécité aiguë [3]. Dans notre cas, la tachycardie supraventriculaire identifiée à l’admission est notamment compatible avec une imprégnation catécholaminergique. La polyurie et la polydipsie, observées dans 20 % des cas de phéochromocytome, accompagnent l’hypertension artérielle sous l’action des catécholamines [3].

Épidémiologie

Le phéochromocytome est une tumeur rare : elle représente environ 0,01 à 0,1 % de l’ensemble des tumeurs canines. Cependant, de nombreux cas sont sous-diagnostiqués en raison de signes cliniques non spécifiques et souvent épisodiques [3, 5]. En effet, 25 à 50 % des phéochromocytomes sont identifiés fortuitement, à la suite de la découverte de masses surrénaliennes lors d’examens d’imagerie complémentaires [3].

Aucune prédisposition de race, de sexe ou d’âge n’est rapportée chez les chiens atteints. Bien que le phéochromocytome soit décrit chez des chiens âgés de 2 à 18 ans, il est plus fréquent chez ceux d’âge moyen ou âgés, comme l’illustre ce cas [3].

Physiopathogénie et diagnostic

Le phéochromocytome sécrète des catécholamines (noradrénaline, adrénaline). Cette sécrétion hormonale peut être constante ou pulsatile. Les catécholamines sécrétées en excès ont plusieurs effets, dont un effet hypertenseur lié à la vasoconstriction périphérique (activation des récepteurs alpha-adrénergiques vasculaires) d’une part, et à l’augmentation du débit cardiaque (activation des récepteurs bêta-adrénergiques cardiaques) d’autre part. Leur diagnostic repose principalement sur la mise en évidence d’une masse surrénalienne associée à une sécrétion excessive de catécholamines. Compte tenu de la demi-vie plasmatique courte (deux à trois minutes) de l’adrénaline et de la noradrénaline, l’hypersécrétion est classiquement explorée par le dosage de leurs métabolites (respectivement la métanéphrine et la normétanéphrine). Cette analyse est aussi appelée “dosage des métanéphrines” (métanéphrine et normétanéphrine) [3]. Ces métabolites, qui présentent une clairance plasmatique et rénale plus faible, permettent ainsi une approche diagnostique biologique. Quelques laboratoires en France proposent ce dosage, mais il est parfois externalisé dans des laboratoires spécialisés : dans notre cas, les analyses ont été envoyées en Belgique (Medvet).

Cytoponction de masse surrénalienne lors de suspicion de phéochromocytome

Intérêts

La cytologie permet de différencier les lésions corticales et médullaires dans environ 90 % des cas, mais elle ne permet pas de déterminer si la tumeur est bénigne ou maligne [8]. Bien que les études existantes rapportent un risque minimal de complications, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour tirer des conclusions définitives. Dans notre cas, la cytoponction de la masse surrénale a permis de confirmer le diagnostic de phéochromocytome.

Données issues de la médecine humaine

La manipulation de la tumeur, par exemple au cours d’une intervention chirurgicale, peut entraîner une décharge catécholaminergique. Les conséquences peuvent être graves et inclure une crise hypertensive et des troubles du rythme cardiaque : le rapport bénéfice/risques lors de cytoponction d’une masse surrénalienne a ainsi été longtemps considéré comme limitant. Toutefois, ces données sont principalement issues de la médecine humaine où plusieurs cas de complications hypertensives lors de ponction à l’aiguille fine de phéochromocytomes ou de métastases de phéochromocytomes sont rapportés [2, 6]. Chez l’humain, ces complications sont parfois tardives, comme l’illustre la survenue d’une crise hypertensive à l’origine d’un accident vasculaire cérébral chez un patient âgé de 55 ans, 72 heures après la cytoponction d’une masse hépatique qui s’est révélée être une métastase de phéochromocytome [2]. Les autres complications suspectées ou confirmées décrites incluent des saignements, une douleur sévère, des difficultés accrues lors de la résection chirurgicale de la masse en raison d’une inflammation locale et d’adhérences au rétropéritoine [10].

Références en médecine vétérinaire

En médecine vétérinaire, une première étude publiée en 2018 a évalué les bénéfices et les risques liés à cette procédure chez le chien [9]. La ponction de 23 lésions surrénaliennes n’est associée à une complication (phase de tachycardie ventriculaire) que chez un seul chien [9]. Ce trouble du rythme avait déjà été identifié avant la procédure : par conséquent, son imputabilité au seul geste réalisé est discutable. Une autre étude de 2020, portant sur des cytoponctions surrénaliennes réalisées chez 50 chiens, rapporte trois hémorragies mineures et autorésolutives, et une complication grave (détresse respiratoire survenue 28 heures après le geste chez un chien présentant une paralysie laryngée connue) : là encore, le lien de causalité entre les deux événements demeure incertain [8]. Aucun chien au sein de cette cohorte n’a présenté de crise hypertensive [8]. Les auteurs de ces études concluent que la cytoponction surrénalienne est sûre et permet la différenciation entre une origine corticale et médullaire avec une haute précision diagnostique (90 à 100 %) [8]. Toutefois, les phéochromocytomes représentaient moins de la moitié des lésions surrénales considérées dans ces études. Dans notre cas, le suivi de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque et des saignements abdominaux a été réalisé pendant huit heures à suite de la cytoponction de la masse surrénalienne, et n’a pas identifié de complication, ce qui concorde avec les informations suscitées. Cependant, le faible nombre d’études en médecine vétérinaire, par comparaison avec les nombreuses données disponibles en médecine humaine, invite à la prudence lors de la réalisation de la cytoponction d’une masse surrénalienne, en particulier lorsqu’un phéochromocytome n’est pas exclu. La ponction à l’aiguille fine est donc un acte d’investigation à haute valeur diagnostique en cas de masse surrénalienne, qui permet de faire la différence entre une masse médullaire ou corticale et représente un risque mineur pour l’animal.

Prise en charge médicale des phéochromocytomes

Objectifs

Chez le chien atteint de phéochromocytome, l’objectif principal de la prise en charge médicale préopératoire est de normaliser la pression artérielle et la fréquence cardiaque, ainsi que de prévenir d’une part la décharge hormonale induite par les manipulations chirurgicales, et d’autre part la chute de la pression artérielle consécutive au retrait de la masse et à la privation brutale de l’organisme en catécholamines [7]. De ce fait, les traitements alpha-bloquants sont usuellement prescrits en période préopératoire.

Phénoxybenzamine

La phénoxybenzamine, un alpha-bloquant non sélectif, constitue le médicament le plus couramment recommandé en Europe dans ce contexte. Cependant, les données bibliographiques concernant l’intérêt d’un traitement périopératoire à base de phénoxybenzamine ne sont pas unanimes, tant en médecine humaine que vétérinaire. Dans une étude datant de 2008, l’administration préopératoire de phénoxybenzamine (à une posologie médiane de 0,6 mg/kg deux fois par jour, par voie orale, pendant une durée médiane de 20 jours) est associée à une diminution de la mortalité périopératoire par comparaison avec des chiens ne recevant pas ce traitement (48 % versus 13 %), indépendamment de la durée de l’anesthésie ou de l’intervention chirurgicale, de la survenue d’épisodes d’hypertension ou d’hypotension périopératoires et postopératoires, ou d’arythmies peropératoires [7]. A contrario, une étude plus récente de 2021 ne montre pas de lien entre l’administration d’alpha-bloquants en période préopératoire et le temps de survie à court et long termes [3, 4].

Autres alpha-bloquants

En France, l’utilisation de phénoxybenzamine est réservée à l’usage hospitalier et le vétérinaire confronté à un cas de phéochromocytome doit avoir recours à d’autres alpha-bloquants plus accessibles. L’utilisation de plusieurs d’entre eux est décrite en médecine humaine dans ce contexte : la prazosine et la doxazosine ont en particulier bénéficié d’un intérêt des experts au cours de la dernière décennie. Il s’agit d’alpha-bloquants plus spécifiques des récepteurs alpha-1 adrénergiques que la phénoxybenzamine et dont le coût est moindre. En médecine humaine, malgré des données parfois contradictoires, la plupart des études comparant la phénoxybenzamine aux alpha-bloquants sélectifs ne montrent aucune différence dans les fluctuations de la pression artérielle périopératoire, ni dans la morbidité et la mortalité associées à la surrénalectomie [1]. Chez le chien toutefois, aucune donnée de la littérature n’a comparé leur efficacité à celle de la phénoxybenzamine.

Amlodipine

Le cas présenté est original en raison de l’utilisation préopératoire d’amlodipine. Cette molécule exerce un effet antihypertenseur par l’inhibition des canaux calciques des myocytes de la paroi vasculaire, mais n’interagit pas directement avec le système catécholaminergique. Dans notre cas, la prescription d’amlodipine était motivée d’une part par la mauvaise tolérance digestive de la phénoxybenzamine, et d’autre part par la difficulté à se procurer cette dernière. Si son utilisation a permis une stabilisation de la pression artérielle et une prévention des complications hémodynamiques périanesthésiques, notre cas reste isolé et ne permet pas de tirer des conclusions sur l’intérêt de l’amlodipine pendant la phase périopératoire lors de phéochromocytome chez le chien. Il existe de fait peu d’informations concernant l’usage d’amlodipine lors de phéochromocytome en médecine vétérinaire, mais les données en médecine humaine laissent à penser que son emploi n’est pas associé à davantage de complications que l’utilisation de prazosine dans cette indication [4].

Références

  • 1. Agrawal R, Mishra SK, Bhatia E et coll. Prospective study to compare peri-operative hemodynamic alterations following preparation for pheochromocytoma surgery by phenoxybenzamine or prazosin. World J. Surg. 2014;38(3):716-723.
  • 2. Baguet JP, Hammer L, Tremel F et coll. Metastatic phaeochromocytoma: risks of diagnostic needle puncture and treatment by arterial embolisation. J. Hum. Hypertens. 2001;15(3):209-211.
  • 3. Côté E, Ettinger SJ, Feldman EC. Ettinger’s Textbook of Veterinary Internal Medicine, 9th edtion. Elsevier. 2023;2:2050-2055.
  • 4. Enright D, Dickerson VM, Grimes JA et coll. Short- and long-term survival after adrenalectomy in 53 dogs with pheochromocytomas with or without alpha-blocker therapy. Vet. Surg. 2022;51(3):438-446.
  • 5. Gilson SD, Withrow SJ, Wheeler SL et coll. Pheochromocytoma in 50 dogs. J. Vet. Intern. Med. 1994;8(3):228-232.
  • 6. McCorkell SJ, Niles NL. Fine-needle aspiration of catecholamine-producing adrenal masses: a possibly fatal mistake. AJR Am. J. Roentgenol. 1985;145(1):113-114.
  • 7. Pacak K. Preoperative management of the pheochromocytoma patient. J. Clin. Endocrinol. Metab. 2007;92(11):4069-4079.
  • 8. Pey P, Diana A, Rossi F et coll. Safety of percutaneous ultrasound-guided fine-needle aspiration of adrenal lesions in dogs: perception of the procedure by radiologists and presentation of 50 cases. J. Vet. Intern. Med. 2020;34(2):626-635.
  • 9. Sumner JA, Lacorcia L, Rose AM et coll. Clinical safety of percutaneous ultrasound-guided fine-needle aspiration of adrenal gland lesions in 19 dogs. J. Small Anim. Pract. 2018;59(6):357-363.
  • 10. Vanderveen KA, Thompson SM, Callstrom MR et coll. Biopsy of pheochromocytomas and paragangliomas: potential for disaster. Surgery. 2009;146(6):1158-1166.

Conflit d’intérêts : Aucun

Points clés

• Comme l’expression clinique du phéochromocytome est peu spécifique, une démarche diagnostique systématisée est nécessaire.

• Le diagnostic de phéochromocytome est pluridisciplinaire et la cytoponction a une valeur diagnostique pertinente.

• L’amlodipine peut être utilisée avec succès lors de la période de stabilisation préopératoire.

CONCLUSION

Les phéochromocytomes sont des tumeurs surrénaliennes relativement rares dont l’expression clinique est polymorphe et offre peu d’éléments caractéristiques. Le diagnostic repose sur l’identification d’une masse surrénalienne et la démonstration de son caractère sécrétant de catécholamines. L’intérêt pour l’examen cytologique après une ponction à l’aiguille fine est grandissant, bien que les risques et les limites de cet examen ne soient pas encore bien déterminés en médecine vétérinaire. La stabilisation hémodynamique préopératoire constitue une part cruciale de la prise en charge.