CHIRURGIE
Chirurgie
Auteur(s) : Clara Deponthieux*, Mélissa Pottier**
Fonctions :
*Clinique Vet’Hauts de France
802 boulevard Fernand Darchicourt
62110 Hénin-Beaumont
Des facteurs prédisposants ont été identifiés pour cette affection qui doit être traitée rapidement. Plusieurs techniques chirurgicales existent.
Un chat maine coon mâle castré, âgé de 21 mois, est référé pour l’exploration d’une douleur au niveau de l’arrière-train associée à une difficulté à sauter depuis trois semaines environ, sans traumatisme rapporté. Une amélioration transitoire a été observée lors de l’administration d’un traitement à base d’anti-inflammatoire non stéroïdien.
Une boiterie permanente d’intensité modérée (grade 3 sur 5) est mise en évidence lors de l’examen à distance. L’examen orthopédique rapproché permet de détecter une amyotrophie généralisée des muscles fessiers du membre postérieur gauche. Une douleur marquée est constatée lors de la manipulation de l’articulation coxo-fémorale gauche, ainsi qu’une réduction de l’amplitude articulaire, notamment en abduction. Le reste de l’examen orthopédique est dans les normes de l’espèce. Une radiographie ventro-dorsale des hanches est réalisée sous anesthésie générale. Elle permet d’identifier la présence d’un glissement (ou disjonction) entre la tête et le col fémoral au niveau du cartilage de croissance, avec un léger déplacement cranial du col fémoral ainsi que des zones adjacentes de sclérose et d’ostéolyse (photo 1). Ces anomalies radiographiques et le signalement de ce chat (maine coon, jeune, mâle castré) sont en faveur d’un glissement épiphysaire fémoral proximal.
La réalisation d’une exérèse de la tête et du col du fémur est décidée. Un abord cranio-latéral de l’articulation coxo-fémorale gauche est réalisé. Après avoir récliné les différents plans musculaires, la capsule articulaire est incisée. Une fibrose périarticulaire marquée est mise en évidence. Le ligament rond est sectionné afin de permettre la luxation de la hanche et une rotation externe du membre est appliquée pour contrer l’antéversion de la tête fémorale. Le trait de coupe, effectué à l’aide d’une scie oscillante, part au plus près de la base du grand trochanter, médialement à ce dernier, pour se terminer au petit trochanter. Une attention particulière est portée aux structures avoisinantes, notamment au nerf sciatique, caudal au fémur, afin de pas les léser. Le site d’ostéotomie est examiné attentivement pour ne pas laisser de fragments osseux qui peuvent être à l’origine de frottements interosseux persistants. La capsule articulaire est suturée puis les plans musculaire, sous-cutané et cutané sont également fermés. Une radiographie postopératoire permet de confirmer que le résultat est satisfaisant (photo 2).
La récupération fonctionnelle de la néoarticulation repose essentiellement sur une prise en charge optimale de la douleur et une remise en mouvement rapide. Pendant quinze jours, les efforts intenses tels que la course ou les sauts sont proscrits afin de permettre la cicatrisation de la capsule articulaire et des tissus musculaires. Cependant, afin de conserver une mobilité satisfaisante, la marche ainsi que des mobilisations fréquentes du membre (mécanothérapie trois à quatre fois par jour) sont conseillées. Le contrôle à quinze jours met en évidence une diminution progressive de la boiterie qui reste toutefois de grade 1 sur 5, accompagnée d’une inflammation modérée en regard de l’articulation coxo-fémorale. La poursuite d’exercices de physiothérapie est recommandée.
La disjonction épiphysaire fémorale proximale traumatique (ou fracture de Salter-Harris) résulte d’un dépassement de la capacité de déformation élastique de l’os au niveau du cartilage de croissance à la suite d’un choc important, notamment lors de défenestration ou d’accident de la voie publique. Dans le cas d’une atteinte spontanée (ou glissement épiphysaire), l’étiologie et la pathogénie restent inconnues. Des causes génétiques ou endocriniennes sont toutefois suspectées. En effet, des concentrations anormales en hormones sexuelles, thyroïdiennes ou de croissance pourraient ralentir la fermeture des cartilages de croissance [2]. Des facteurs de prédisposition sont identifiés : cette affection touche en majorité des chats mâles, castrés, âgés de 16 à 22 mois, de race siamois, british shorthair ou maine coon, et en surpoids. L’affection est bilatérale dans 40 % des cas [1, 2].
L’animal présente une boiterie de l’un ou des deux membres postérieurs simultanément, d’apparition soudaine et dont la durée d’évolution varie de deux jours à neuf semaines. La boiterie est généralement de grade 1 à 3, avec une boiterie de grade 2 rapportée dans 53 % des cas [1]. Des réticences au saut sont fréquemment observées par les propriétaires, ainsi qu’une boiterie plus marquée à froid ou après l’effort. D’autres signes cliniques sont également notés, notamment une douleur à la manipulation de la hanche parfois associée à la présence de crépitements et à une amyotrophie du membre atteint [1]. L’examen radiographique est l’outil diagnostique de choix pour détecter un glissement épiphysaire fémoral. La vue ventro-dorsale standard est souvent suffisante pour identifier l’affection, mais est parfois complétée par une vue ventro-dorsale dite “en grenouille” afin d’affiner le diagnostic. Les signes radiographiques à identifier sont une incongruence de la tête et du col du fémur, avec un déplacement de la métaphyse osseuse par rapport à l’épiphyse généralement dans la direction cranio-latérale, des zones de sclérose et des zones d’ostéolyse du col fémoral [1].
Un traitement chirurgical précoce est recommandé pour limiter le risque d’atteinte du membre controlatéral et l’apparition de lésions irréversibles sur le membre atteint, telles qu’une nécrose aseptique de la tête fémorale ou une ostéo-arthrose de l’articulation coxo-fémorale [2]. Plusieurs options chirurgicales sont à envisager.
L’ostéosynthèse par brochage consiste à réduire la fracture par l’intermédiaire de deux à trois broches de Kirschner passant par le col fémoral. Cette technique affiche de bons résultats fonctionnels malgré l’existence de complications telles qu’un déplacement du matériel ou une non-union du site fracturaire. Elle est indiquée lors de diagnostic précoce du glissement épiphysaire, avant l’apparition d’une lyse du col. Si une lyse du col fémoral est détectée au cours de l’intervention, l’ostéosynthèse n’est pas indiquée en raison du risque important de débricolage du montage en phase postopératoire [4].
L’exérèse de la tête et du col du fémur est la procédure la plus utilisée lors de glissement épiphysaire fémoral proximal. L’ostéotomie est effectuée à l’aide d’une scie oscillante, en partant de la partie médiale du grand trochanter jusqu’au petit trochanter, tout en préservant si possible ce dernier car le muscle ilio-psoas y est inséré [3].
Cette technique conduit à des résultats cliniques acceptables, même si une atrophie musculaire, associée à une réduction de la mobilité de la hanche, est fréquemment observée. Une rééducation postopératoire consciencieuse doit donc être mise en place, afin de conserver une amplitude et une mobilité satisfaisantes de la hanche à long terme. Dans le cas présenté, elle a été choisie après l’analyse du taux de complications et de l’aspect financier des différentes techniques possibles.
Avec la prothèse de hanche, qui permet de rétablir une articulation coxo-fémorale similaire à l’articulation initiale, l’évolution clinique est jugée comme “très bonne” dans plus de 90 % des cas [5]. Elle est toutefois peu utilisée actuellement en raison de l’exigence de la technique chirurgicale et des coûts élevés. De rares complications sont également à prendre en compte telles qu’une infection, un descellement de la prothèse lorsqu’elle est cimentée, une malposition de l’implant, une fracture fémorale ou une luxation de la prothèse.
Conflit d’intérêts : Aucun