Dermatoses prurigineuses
Auteur(s) : Patrick Bourdeau
Fonctions : École nationale vétérinaire,
agroalimentaire
et de l’alimentation
de Nantes Atlantique-Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3
Dominantes des dermatoses prurigineuses équines, les hypersensibilités associées aux piqûres d’insectes constituent un défi pour le vétérinaire. La notion classique de dermatite estivale récidivante doit être revue.
L’espèce équine est très fréquemment sujette à des affections cutanées, parmi lesquelles les états d’hypersensibilité sont fréquemment évoqués. De ce point de vue, l’environnement des équidés comporte de façon pratiquement systématique un risque, car divers insectes piqueurs sont présents, en particulier les Culicoides (photo 1). Ces dermatoses entraînent des signes cliniques très péjoratifs pour le cheval, qu’il s’agisse de son utilisation ou de son aspect. Le vétérinaire, très souvent sollicité, doit donc analyser la situation et déterminer cette cause en la différenciant d’autres dermatoses équines fréquentes et pouvant prêter à confusion. Aujourd’hui, tant le diagnostic de certitude que la thérapeutique restent délicats et nécessitent la plus grande rigueur de la part du vétérinaire et du détenteur de l’animal.
La dermatite estivale récidivante des équidés (DERE) reste la dermatite allergique la plus commune en médecine équine [7, 27, 33, 40]. En france, cette affection est présente partout. Sa fréquence estimée varie suivant les pays et les régions entre 2 à 3 % et 20 à 25 % des chevaux et sa distribution est cosmopolite, à l’exception de rares zones où les agents responsables principaux, les culicoides, sont absents.
Cette dermatose équine est désignée sous de nombreux vocables selon les pays. En france, l’expression « dermatite estivale récidivante des équidés » est la plus connue, mais il est possible de parler également de gale d’été ou d’ardeurs du cheval. De façon plus globale, au regard d’une meilleure connaissance des interactions entre insectes et équidés, la tendance est au regroupement de cette entité dans un ensemble plus vaste de dermatites par hypersensibilités aux piqûres d’insectes.
Il s’agit d’une hypersensibilité aux piqûres de différents insectes, les principaux antigènes responsables étant des antigènes salivaires de diptères du genre culicoides (encadré 1 et tableau 1 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr) [39]. Des sensibilisations ont également été démontrées vis-à-vis des piqûres d’autres insectes : culicidae (moustiques), tabanidae (taons), muscinae et stomoxynae (mouches irritantes ou piqueuses), voire mouches plates (hippoboscidae) [1, 23, 40]. Une réaction d’hypersensibilité de type I (immédiate) et de type IV (retardée) aux antigènes salivaires et aux extraits de plusieurs insectes est en cause.
La définition moléculaire des allergènes en cause n’en est toujours qu’à ses débuts (encadré 2 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr) [32]. Si les culicoides demeurent les agents essentiels primum movens d’une der, les autres insectes participent à son entretien, même en l’absence de culicoides.
L’affection est sporadique, ne touchant qu’un seul ou que quelques animaux dans un effectif.
Toutes les races équines peuvent être touchées par la der [32]. Certaines semblent prédisposées, telles que les races de poneys, notamment welsh, shetlands, connemaras et islandais, de chevaux arabes, frisons, quarter horses, shire horses et swiss warmblood. Une étude indique aussi une prédisposition des chevaux de trait [7, 24, 34].
La maladie touche préférentiellement certaines lignées de chevaux. Les descendants de juments islandaises atteintes ont un risque significativement plus élevé de développer la maladie que ceux issus d’Islandaises non malades [10]. La prédisposition héréditaire est donc très fortement suspectée, sans que le mode de transmission n’ait pu être précisé [1, 33, 40]. Dans une étude menée par notre laboratoire, l’existence d’une DERE familiale est rapportée dans 21,74 % des cas de chevaux atteints [7].
La race islandaise est une des races les plus étudiées et une corrélation entre certains antigènes tissulaires et la DERE a été établie [2, 18, 20, 40]. Le support génétique semble en particulier lié à certains gènes du complexe majeur d’histocompatibilité (cmh) [20, 38]. Une étude récente a mis en évidence l’implication de cinq gènes dans la pathogénie de la dere [41]. Ces gènes codent pour l’inf-g, un facteur de croissance (TGF-β1), la janus kinase 2 (JAK2), la lymphopoïétine stromale thymique (TSLP) et l’involucrine (IVL) [41]. L’héritabilité de l’hypersensibilité aux piqûres d’insectes varierait entre 0,08 et 0,30 [32].
le poney islandais est une race très prédisposée (prévalence de 15 à 18 % en suède), avec une forte influence du contact avec les culicoïdes dans la jeunesse de l’animal sur sa sensibilité ultérieure [38]. Des poneys islandais importés d’islande (pays sans culicoides), à l’âge adulte, en pays endémique présentent une prévalence plus élevée (26 à 72 %) que ceux nés en zones avec présence de culicoides et les signes cliniques sont plus marqués [34]. Des poneys importés d’islande à l’âge de 7 à 10 mois ne présentent pas, à 5 ans, de prévalence de dere supérieure à ceux nés localement, ce qui suggère que la période d’acquisition d’une immunotolérance peut s’étendre au-delà de la période néonatale [32].
• Il ne semble pas y avoir de prédisposition liée au sexe ni à la couleur de la robe [1, 7, 22].
• La maladie est très rare avant 2 ans et concerne généralement des chevaux adultes. L’âge à l’apparition de la maladie se situe, suivant les auteurs, à plus de 3 ans, entre 2 et 4 ans, et jusqu’à 23 ans [1, 40]. L’affection semble exceptionnelle avant l’âge de 1 an.
• La DERE est une maladie multifactorielle, incluant hérédité et facteurs environnementaux dans sa pathogénie (figure 1). Les chevaux atteints sont soumis aux piqûres d’insectes, qu’ils vivent à l’extérieur nuit et jour, sans abri ou avec un abri ouvert ou qu’ils soient entretenus dans des box avec ouvertures sans protection [38]. Les régions boisées ou la proximité d’un bois, avec une température assez élevée et un vent faible, sont des zones favorables aux Culicoides et à la survenue d’une DER. Il a également été dit que les litières de copeaux de bois attireraient davantage ces insectes que la paille [38].
La proximité de points d’eau (ruisseaux, étangs) constitue un autre facteur très favorisant [1]. Ceux-ci sont présents dans plus d’un cas sur deux (moins d’un cas sur trois dans une population de référence de chevaux sains) [P. Bourdeau observations personnelles].
En zones tempérées européennes, la clinique de la DERE est typiquement saisonnière, en lien avec la période d’activité des insectes du printemps à l’automne [34]. Généralement, les signes régressent en hiver mais, notamment avec la chronicité (persistance de lésions remaniées), ils peuvent se poursuivre tout au long de l’année [32]. plus rarement, des accès peuvent survenir en période froide. en régions chaudes et humides, la dermatose ne connaît pratiquement pas de variation saisonnière. Trois types lésionnels majeurs peuvent être distingués (figure 2) [7, 12, 40].
- des formes dorsales : les lésions siègent typiquement à la base de la crinière, sur la croupe et à la base de la queue (photo 2). Elles s’étendent progressivement sur l’encolure et gagnent le garrot, le dos, le sommet de la tête, la face et parfois les épaules. Quelques atteintes des oreilles ont été constatées, en particulier sur les bords des pavillons (photo 3) [34]. D’après l’expérience et les études des auteurs, la topographie lésionnelle est exclusivement dorsale dans la majorité des cas dans l’ouest du pays ;
- des formes ventrales, au cours desquelles les lésions intéressent la ligne médiane ventrale (ligne blanche), parfois l’espace intermandibulaire, l’entrée de la poitrine, plus rarement les membres (surtout les canons) (photo 4) ;
- le troisième type associe des lésions dorsales et ventrales (photo 5).
Un œdème est parfois présent à la base de la crinière ou de la queue ou le long de la ligne ventrale.
Les différents types lésionnels pourraient être liés aux sites de piqûre de différentes espèces de culicoides, ainsi qu’à des facteurs tenant à l’hôte [12].
Les lésions s’installent progressivement. Au début, les signes cliniques sont caractérisés par des démangeaisons intenses, avec ou sans papules. Les poils apparaissent ensuite ébouriffés (redressement lié aux papules, puis à une petite croûte à leur base), puis tombent ou sont arrachés par les frottements ou les grattages, laissant de petites dépilations, de quelques centimètres de diamètre, excoriées et plus ou moins croûteuses [32].
Les chevaux les plus sévèrement atteints peuvent ne plus présenter de poils de la crinière (crinière dite paillasson) ni de la base de la queue (dite queue de rat). Les complications bactériennes ne sont pas rares.
Avec la chronicité, la peau devient épaisse, prend un aspect plissé et une coloration grisâtre (lichénification) (photos 6 et 7). Les poils peuvent repousser de couleur différente, le plus souvent plus foncée. L’animal atteint est nerveux : « inmontable et inmontrable », sa valeur économique est fortement diminuée [7]. Ces animaux sont souvent revendus en période hivernale (régression des lésions), ou même euthanasiés [1].
Lors du premier épisode de DERE, les signes apparaissent soit dès les premiers beaux jours (avril-mai), soit plus tardivement durant ou après l’été. Les épisodes ultérieurs sont plus longs d’année en année (environ 6 mois), d’avril-mai à novembre-décembre. La maladie est donc initialement saisonnière, apparaissant au printemps, d’intensité maximale l’été, régressant l’automne. Mais au fil des années, le poil ne repousse plus et les lésions persistent [1]. La maladie est récidivante, mais parfois les chevaux peuvent être épargnés durant 1 ou 2 années. Dans de rares cas, des chevaux auraient présenté une régression spontanée [1].
Le diagnostic de la DERE repose tout d’abord sur l’historique et les données épidémiologiques de la maladie, son aspect clinique et la réponse aux traitements insecticides effectués.
Elle doit être différenciée des autres dermatoses prurigineuses équines ou des dermatoses ayant un type lésionnel proche. il s’agit essentiellement de nombreuses ectoparasitoses et d’autres états allergiques (tableau 2).
L’examen histopathologique de biopsies cutanées révèle une dermatite périvasculaire suggestive. Les infiltrats périvasculaires sont riches en éosinophiles et en lymphocytes [1, 12, 13, 22, 33]. Une hyperplasie épidermique est parfois associée [33]. Une hyperkératose, une parakératose, une acantholyse, une infiltration épidermique par des lymphocytes et des histiocytes, un épaississement de la membrane basale ont été rapportés [22]. Cet aspect histologique n’est cependant pas spécifique ; il doit être interprété à la lueur des données anamnestiques, cliniques et thérapeutiques [33].
La détermination de la concentration sérique en immunoglobulines (Ig) E spécifiques d’un allergène repose sur l’hypothèse que la sensibilisation d’un individu à un allergène est corrélée à la concentration sérique en ige spécifiques de ce même allergène. Toutefois, le dosage des ige chez le cheval ne permet pas de distinguer les animaux sensibilisés de ceux allergiques.
L’intradermoréaction (IDR) n’est pas complètement standardisée chez le cheval. Elle reste de lecture et d’interprétation délicates (risques de faux positifs ou de faux négatifs) et a longtemps souffert de l’absence de validation d’un protocole et de détermination des seuils d’irritabilité des extraits allergéniques (photo 8) [14, 29, 34, 36, 37]. Les IDR ne permettent pas de déterminer précisément à quelles espèces de culicoides ou encore de tabanidés, de moustiques et de simulies le cheval est sensibilisé [3, 37]. Cet inconvénient reste minime dans le cadre du diagnostic, mais plus délicat dans le cadre d’une désensibilisation spécifique. L’idr est réalisée sur le plat de l’encolure et les lectures sont effectuées à 20 minutes et à 1 heure (voire 4 heures) par score de palpation et mesure du diamètre des papules formées. Des travaux récents ont permis de définir les seuils d’irritabilité vis-à-vis des extraits allergéniques de divers insectes ou acariens chez une population européenne de chevaux ; pour culicoides, la concentration maximale de 1/5 000 poids/volume convient [8, 9].
les expérimentations ont été menées sur des extraits totaux de culicoides. L’utilisation d’allergènes purifiés (protéines de la salive) permettrait d’augmenter cette spécificité [34].
Le traitement de la DERE est toujours long, difficile et d’efficacité aléatoire. Il vise à soustraire les chevaux aux piqûres des culicoides. Les animaux peuvent être rentrés ou maintenus dans des bâtiments fermés, aux ouvertures munies de moustiquaires, ou parfois de ventilateurs qui induisent des turbulences interférant avec le vol des insectes [12, 40].
L’application d’insecticides sur les chevaux est impérative. Il s’agit de l’élément majeur du contrôle.
Seuls les pyréthroïdes peuvent avoir une activité suffisamment rapide pour interférer avec les piqûres de culicoides, comme de tous les autres diptères. La perméthrine, la cyperméthrine et la deltaméthrine ont montré une bonne activité [11]. Ces molécules réduisent le gorgement de ces insectes avec une efficacité cependant variable selon l’hôte, la méthode d’application et les sites de gorgement des culicoides (donc selon les espèces). L’activité de la perméthrine a été démontrée sur C. obsoletus et C. pulicaris [11]. Nous avons eu l’occasion de démontrer l’efficacité curative (démangeaisons et lésions de chevaux en phase clinique) de la perméthrine. Un spray appliqué à j0, j15, j30, puis mensuellement, utilisé seul, a entraîné en 1 mois plus de 50 % de réduction du score clinique chez plus de 75 % des chevaux [6].
Les mesures sont plus efficaces lorsqu’elles sont mises en œuvre précocement, quand les lésions ne sont pas encore développées et que le cercle vicieux démangeaisons-lésions n’est pas encore activé.
Dans certains cas, des couvertures (caparaçons) sont utilisées spécifiquement pour cette indication. Ces protections peuvent en outre être imprégnées d’insecticides.
• Le traitement est aussi symptomatique. Un très grand nombre de présentations et de substances ont été ou sont utilisées en topiques, fondées sur le principe d’un effet émollient et adoucissant. Aucune étude n’a cependant validé ou mesuré leur effet et leur efficacité. L’application de diverses solutions huileuses a été essayée, ces produits gênant la nutrition des insectes [1, 12]. Ainsi, divers shampoings ou lotions soufrés, ou encore contenant de l’huile de Cade ou de paraffine ont été utilisés. Des lotions ou laits antiprurigineux peuvent être appliqués quotidiennement. Des agents kératomodulateurs peuvent aider (propylène glycol à 50 %, acide acétylsalicylique à 2 %). L’ichthyol pâle (pale sulfonated shale oil ichthammol ointment) a montré un effet réparateur. Cette molécule a un effet anti-inflammatoire, notamment en modifiant la cascade des eicosanoïdes (lipo-oxygénase, LTB4) [25, 35]. Une étude sur l’aspect anti-inflammatoire de l’huile de lin n’a pas permis de montrer un effet sur les démangeaisons ou sur les lésions, bien que les propriétaires aient perçu une amélioration. D’autres présentations topiques ou systémiques ont fait l’objet d’essais fournissant parfois des résultats intéressants (huiles essentielles, nicotinamide, phytosphingosine, etc.), qui nécessitent une évaluation rigoureuse. Sur le plan médicamenteux, l’utilisation de topiques corticoïdes modernes en spray paraît intéressante et peut apporter un net soulagement, comme l’acéponate d’hydrocortisone ou la dexaméthasone (0,05 mg/kg par jour) [P. Bourdeau observations personnelles, 30].
Les anti-inflammatoires et les antiprurigineux systémiques doivent le plus souvent être utilisés en association avec les topiques pour les formes avancées, afin de réduire rapidement les démangeaisons.
Les antihistaminiques ont une efficacité variable en traitement d’attaque. La cétirizine(1) a été testée sans succès. L’hydroxyzine(2) (0,5 à 1 mg/kg, toutes les 8 heures) est la molécule la plus souvent recommandée. sont mentionnées également la doxépine(1) (0,5 à 0,75 mg/kg, toutes les 12 heures), l’amitriptyline(1) (1 à 2 mg/kg, toutes les 12 heures), la chlorphéniramine(1) (0,25 mg/kg, toutes les 12 heures) et la diphénhydramine(1) (0,75 à 1 mg/kg, toutes les 12 heures) [44]. hormis l’hydroxyzine, la plupart des antihistaminiques sont difficilement utilisables en pratique.
Le corticoïde systémique préféré est la prednisolone par voie orale (500 à 800 mg par jour) pendant quelques jours. puis cette dose est progressivement diminuée jusqu’à la dose minimale efficace (environ 200 à 250 mg par jour) et une prise à jours alternés puis deux fois par semaine (environ 0,2 mg/kg par jour) est instaurée, comme chez les carnivores [12, 25]. La dexaméthasone ou la triamcinolone per os peuvent également être employées. Les corticoïdes injectables retard (acétate de méthylprednisolone à 250 mg) peuvent être administrés, en sachant que leur usage ne doit pas être trop souvent répété, en raison du risque d’induction et d’apparition de fourbure [4]. Leurs contrindications et limites d’usage doivent être considérées, notamment chez les chevaux de sport. Le recours aux corticoïdes est temporaire sur cette indication.
• Le point commun à la plupart des médicaments préconisés dans le traitement de la DERE est que leur utilisation, bien que mentionnée dans les publications internationales, suppose un emploi hors autorisation de mise sur le marché (AMM), la pharmacopée en médecine équine étant particulièrement pauvre. Les conditions et contraintes particulières doivent donc être évaluées avant la mise en œuvre des traitements.
L’immunothérapie spécifique est encore expérimentale à l’heure actuelle [16]. Les essais sont encore trop peu nombreux. Une étude en double aveugle n’a pas permis de montrer une efficacité après 6 mois, une seconde a également obtenu des résultats médiocres, alors qu’une autre annonçait un taux d’amélioration clinique chez 90 % des chevaux [16]. Des études supplémentaires restent nécessaires pour améliorer l’indication et le choix des allergènes. L’hyposensibilisation spécifique ne peut être véritablement recommandée, car l’absence de standardisation des allergènes reste problématique. Toutefois, compte tenu des effets indésirables mineurs et d’un effet bénéfique potentiel, cette approche peut être intéressante en diminuant éventuellement la fréquence des traitements. elle est limitée par la difficulté d’accès aux extraits de culicoides (et il s’agit le plus souvent d’extraits provenant d’espèces non autochtones).
Étant donné l’aspect héréditaire de l’affection, il convient d’écarter les animaux atteints de la reproduction [12]. il semble plus facile de convaincre le propriétaire d’un étalon atteint de l’écarter de la reproduction (castration) qu’il ne l’est de convaincre celui d’une jument : en effet, lorsqu’une jument à DERE est conservée, elle devient souvent poulinière.
La DERE, entité naguère simplement définie, se retrouve aujourd’hui suspectée dans de nombreux états dermatologiques associés aux insectes ou à divers contextes d’allergie.
Une approche rigoureuse diagnostique est préalable à tout traitement. le contrôle antiparasitaire reste l’élément essentiel tant pour le contrôle que pour la prévention.
De grands progrès restent néanmoins à réaliser dans le diagnostic : recours aux IDR utilisant des préparations allergéniques adaptées aux chevaux ; développement de techniques elisa performantes, fondées sur une meilleure détermination des allergènes spécifiques des culicoides. le domaine de la thérapeutique doit également évoluer, grâce à des études aux protocoles validés d’évaluation de l’efficacité des soins topiques et par la mise à disposition pour le cheval d’insecticides et d’antiprurigineux réellement adaptés au traitement des dermatoses allergiques. enfin, l’hyposensibilisation (ou immunothérapie) spécifique n’en est qu’à ses débuts.
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN
• La dermatite estivale récidivante est extrêmement fréquente et la première cause de démangeaisons saisonnières chez le cheval.
• L’hypersensibilité aux Culicoides domine, mais d’autres insectes piqueurs agissent en boosters.
• L’intervention précoce est nécessaire et le recours aux insecticides pyréthroïdes est primordial.
• Le traitement complémentaire, topique et systémique, soulage et dépend de chaque individu et de l’état clinique.
Les Culicoides sont des diptères de la famille des Cératopogonidés appelés souvent moucherons, bibets, guibets, etc. (en anglais, midges ou gnats). Il en existe environ 1 000 espèces, mais seul un petit nombre serait impliqué dans la dermatite estivale récidivante des équidés (DERE) [21].
Ces insectes de petite taille (1 à 3 mm) se rassemblent en nuages de moucherons et sont actifs si le vent n’est pas trop intense. Seule la femelle pique, elle est hématophage et produit une effraction cutanée à l’origine d’une petite hémorragie intracutanée à partir de laquelle elle se nourrit (telmophagie ou pool feeding). Les repas de sang sont apparemment espacés de quelques jours.
L’activité, généralement signalée comme crépusculaire, varie, en réalité, énormément selon l’espèce (héliophiles à nocturnes). Il en est de même du tropisme des hôtes.
Les œufs sont pondus en substrats humides (eau, bord de cours d’eau, boue) où se développent les larves et la nymphe. En environ 2 mois (parfois beaucoup plus), le cycle est réalisé.
Les Culicoides s’éloignent en général peu des gîtes de reproduction (quelques centaines de mètres). Ils peuvent néanmoins être entraînés à distance par le vent. Le site d’atterrissage (landing) sur les chevaux et celui des piqûres varient selon les espèces, ce qui pourrait peut-être expliquer les différentes localisations des lésions.
La longévité des adultes, classiquement citée de l’ordre de 1 à 2 mois, pourrait être plus longue en saison froide. Les nouvelles connaissances acquises dans le cadre de l’étude de la transmission de la fièvre catarrhale ovine (FCO, blue tongue) ont montré que les Culicoides pouvaient avoir une activité pratiquement toute l’année, même s’ils commencent surtout à proliférer à partir de mars-avril et se raréfient en fin d’année. Cette activité en période non estivale pourrait expliquer en partie des persistances ou même des diagnostics de novo de dermatite estivale en saison froide (mais aussi le rôle d’autres diptères, comme les stomoxes).
Les espèces en cause dans la DERE varient selon les régions du monde. En Europe, diverses études menées aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne ont montré que Culicoides obsoletus et C. pulicaris seraient les principales espèces à l’origine de DERE [38, 39]. En France métropolitaine, des captures réalisées en 2009 ont permis d’isoler 68 espèces, le complexe obsoletus étant le plus représenté (plus de 71 % du total des captures) [3].