Le dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 154 du 01/04/2007
Pratique Vétérinaire Equine n° 154 du 01/04/2007

Auteur(s) : Laurent L. Couëtil*, Janice E. Sojka**

Fonctions :
*DVM, PhD, Dip. ACVIM
School of Veterinary Medicine,
Purdue University, West Lafayette,
Indiana 47907-2026, États-Unis
**VMD, MS, Dip. ACVIM
School of Veterinary Medicine,
Purdue University, West Lafayette,
Indiana 47907-2026, États-Unis

Lors de cas avancé de DPIH, les symptômes, en particulier l'hirsutisme, sont de véritables signes d'appel. Si ces signes sont discrets ou absents, des tests sanguins peuvent orienter le diagnostic, sans le préciser avec certitude.

Le dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse (DPIH) est l'endocrinopathie la plus fréquemment rencontrée chez le cheval et le poney. L'examen post-mortem de chevaux d'âge moyen à avancé révèle souvent la présence de tumeurs bénignes hypophysaires [14]. Ces adénomes pituitaires sont à l'origine d'un syndrome clinique chez les chevaux âgés, traditionnellement nommé maladie de Cushing. Une pousse exagérée du poil ou hirsutisme est le signe clinique le plus répandu [10].

Les autres appellations utilisées pour cette maladie sont les suivantes : adénome hypophysaire, adénome de la pars intermedia, hyperplasie adénomateuse de l'hypophyse, hypercortisolisme d'origine pituitaire et hyperplasie de la pars intermedia. Le DPIH est le terme le plus adapté car les chevaux affectés par la maladie présentent soit une hypertrophie, soit une hyperplasie, soit un adénome de la pars intermedia de l'hypophyse ( à ) [10, 18]. La maladie de Cushing est caractérisée chez l'homme et chez le cheval par la production excessive d'ACTH (corticotropine) et d'autres peptides, engendrant une sécrétion anormalement élevée de glucocorticoïdes, notamment de cortisol [23, 32].

Bien que l'hirsutisme soit un signe clinique flagrant dans les cas avancés de la maladie, diagnostiquer un DPIH en phase précoce demeure une tâche ardue pour le vétérinaire. Des études récentes ont permis d'améliorer la compréhension de la physiopathologie de cette maladie, d'évaluer la validité des tests diagnostiques et la réponse clinique au traitement.

Physiopathologie

Physiologie normale de l'axe hypothalamo-hypophysaire

• Dans la glande pituitaire, les cellules corticotropes issues de la pars distalis et les cellules mélanotropes de la pars intermedia produisent le même précurseur, une protéine nommée pro-opio-mélanocortine (POMC). La modification post-traductionnelle de cette prohormone est toutefois différente [24, 32]. Dans la pars distalis, les POMC sont transformées en ACTH, β-endorphines (β-END) et plusieurs autres peptides (voir la “Physiopathologie du dysfonctionnement de la ). La transformation est plus complète dans la pars intermedia où la plupart de l'ACTH est clivée en α-MSH (α-mélano-stimuline) et en corticotropin-like Intermediate lobe peptide (CLIP). En raison de cette modification post-traductionnelle extensive, moins de 2 % de l'ACTH sanguine provient de la pars intermedia chez le cheval sain.

• L'hypothalamus synthétise la corticolibérine (CRF) qui stimule la synthèse de POMC par les cellules corticotropes. Cette synthèse des POMC est en partie régulée par le rétrocontrôle négatif des glucocorticoïdes sur les cellules corticotropes. L'ACTH plasmatique stimule la production de cortisol à partir des glandes surrénales, et, en retour, le cortisol inhibe la production d'ACTH en agissant à la fois au niveau pituitaire et hypothalamique. Toutefois, la production d'ACTH par la pars intermedia ne semble pas affectée par le rétrocontrôle négatif exercé par les glucocorticoïdes. La pars intermedia est influencée au minimum par les sécrétions humorales et le contrôle a pour origine les neurones hypothalamiques qui libèrent directement des neurotransmetteurs. La dopamine est le neurotransmetteur principal exerçant une inhibition tonique et la sérotonine est un neurotransmetteur secondaire [23].

Perturbations biochimiques lors de DPIH

• Des études ont montré que la transformation des POMC dans les tumeurs de la pars intermedia chez les chevaux à DPIH est identique à celle de la glande pituitaire normale [23, 32]. Mais, chez les poneys et les chevaux atteints de DPIH, davantage de POMC sont disponibles pour la transformation en autres peptides, d'où la présence de produits de dégradation plus nombreux. Les concentrations plasmatiques en α-MSH, β-END et ACTH sont plus élevées chez les chevaux à DPIH [5, 19, 23].

Cette augmentation de la production de peptides est liée à la diminution du tonus dopaminergique exercé par les neurones hypothalamiques qui inhibent habituellement les sécrétions de la pars intermedia.

Une maladie neurodégénérative serait à l'origine du DPIH car les neurones hypothalamiques contenant de la dopamine sont particulièrement sensibles au stress oxydatif et les marqueurs de stress oxydatif sont davantage présents dans les neurones des chevaux à DPIH par rapport à des chevaux sains [20].

Chez les souris ayant subi une dénervation expérimentale de la pars intermedia, les cellules mélanotropes de la pars intermedia subissent une hypertrophie de façon identique à ce qui se passe chez les chevaux atteints de DPIH [13].

L'hypercortisolisme est esentiel dans la pathogénie de la maladie de Cushing, mais le rôle des autres peptides dérivés des POMC est inconnu. Le cortisol est un antagoniste de l'insuline et les chevaux à DPIH sont souvent insulinorésistants. Secondairement, l'insulinorésistance est associée à une dyslipidémie et à une fourbure.

Signes cliniques

L'âge moyen des chevaux pour lesquels un diagnostic de DPIH est établi est de 18 ans, avec un intervalle variant de 3 à 40 ans [10, 17]. Cette maladie est plus fréquente chez les poneys et les morgans, aucun lien avec une durée de vie plus longue ou une prédisposition raciale n'a été démontré.

Hirsutisme

• Parmi les nombreux signes cliniques associés au DPIH, l'hirsutisme est rapporté dans plus de 85 % des cas (). Le poil est long et anormalement persistant. Un retard de la mue au printemps, habituellement suivi d'une repousse du poil d'hiver trop précoce à l'automne, constitue un signe précoce de DPIH. Une mue incomplète peut se manifester par des poils longs sur les jambes et sous l'abdomen, et quelques aires circulaires disséminées sur tout le corps. Bien que non pathognomoniques de cette maladie, ces anomalies de mue suggèrent fortement un DPIH. Les autres diagnostics différentiels à considérer pour l'hirsutisme sont une tumeur fonctionnelle des surrénales ou un méningiome hypophysaire et l'effet de la génétique (poil long et bouclé du foxtrotter, du bashkir et du percheron) [15, 28]

Fourbure

Des épisodes répétés de fourbure d'origine inconnue et réfractaires au traitement conventionnel sont fréquemment observés (). Dans une étude, la fourbure est présente chez 50 % des chevaux à DPIH. De plus, plus de 70 % des chevaux à syndrome de fourbure idiopathique présentent une concentration plasmatique en MSH élevée, comme ce qui est observé lors de DPIH [7]. Un excès de cortisol circulant est une hypothèse pour expliquer cette manifestation clinique, mais ce mécanisme demeure obscur. La douleur liée à la fourbure représente la cause majeure d'euthanasie chez les chevaux atteints de DPIH.

Autres complications

Les chevaux à DPIH sont prédisposés aux infections chroniques et au retard de cicatrisation des plaies.

Parmi les complications les plus fréquentes, les sinusites chroniques, les pneumonies, des infections cutanées réfractaires au traitement et des conjonctivites mucopurulentes doivent être citées. L'hypercortisolisme en est peut-être l'origine, toutefois, les peptides issus des POMC ont des effets régulateurs sur l'immunité à médiation cellulaire et pourraient aussi participer à ce phénomène.

Évolution de l'état corporel

L'état corporel est variable. Certains chevaux à DPIH ont une encolure râblée et semblent obèses. Souvent, la graisse corporelle est répartie de façon anormale avec une adiposité accrue le long de la ligne du dos. Lorsque la malade progresse, la perte de poids, la fonte et la faiblesse musculaires deviennent évidentes. Cela donne une apparence typique de cheval “bedonnant”, à ne pas confondre avec un excès pondéral. Le mauvais état corporel est souvent accentué par la présence d'un parasitisme interne, d'un appétit irrégulier (secondaire à des ulcérations buccales) et d'une redistribution de la graisse corporelle (coussinets graisseux supra-orbitaires protubérants). De plus, des situations fréquentes chez les chevaux âgés (et qui n'ont aucun rapport avec le DPIH), comme une mauvaise dentition, un régime alimentaire inadéquat, accentuent la perte de poids.

Autres signes cliniques

Une polyuropolydipsie (PUPD), une hyperhydrose et une léthargie sont souvent décrites chez les animaux à DPIH. La PUPD se produit de façon concomitante d'une hyperglycémie et d'une glucosurie, mais la polyurie est parfois rencontrée chez des chevaux normoglycémiques. Cela pourrait être dû à une compression de la pars nervosa.

Parmi les signes cliniques peu fréquents, il convient de citer des déficits de vision, des convulsions, une activité anormale d'œstrus, une tachycardie, une tachypnée et une ostéopathie hypertrophiante [27].

Dans une étude rétrospective récente conduite dans 17 universités d'Amérique du Nord entre 1985 et 2003, 449 cas de DPIH ont été confirmés (Couëtil L, données non publiées). Ces cas ont été comparés à 449 témoins présentés en consultation dans ces mêmes hôpitaux, et ne souffrant pas de DPIH. Les chevaux malades et les témoins ont été appariés pour éviter les biais de distribution régionale de races. D'après cette étude, le DPIH a 31 fois plus de risque d'être diagnostiqué chez les poneys que chez les pur-sang (Odds ratio = 31,1 ; 13,6 à 71, intervalle de confiance de 95 %), confirmant la prédisposition des poneys pour cette maladie. Une fourbure a été mise en évidence dans 24 % des cas de DPIH et des infections (bactérienne, fongique, parasitaire) dans 28 % des cas. Une pathologie thyroïdienne concomitante (adénome, hyperplasie, kyste) est présente dans 8 % des cas de DPIH, alors que d'autres néoplasmes sont beaucoup moins fréquents (carcinome : 3 %, hémangiosarcome : 1,3 %).

Tests diagnostiques

Une revue détaillée des tests diagnostiques du DPIH a été récemment publiée [6]. Les résultats hématologiques et biochimiques sont souvent non spécifiques. Une formule de stress avec une neutrophilie mature, une lymphopénie et une éosinopénie est fréquemment rencontrée, de même qu'une anémie légère. L'anomalie sanguine la plus répandue est une hyperglycémie. Parfois, une hyperlipémie, une augmentation de la concentration sanguine en triglycérides et en enzymes hépatiques sont notées.

Bien que l'hyperglycémie insulinorésistante soit commune chez les chevaux à DPIH, le stress pouvait être à l'origine de l'hyperglycémie (l'augmentation de la glycémie est du même ordre de grandeur). Plus de 54 % des chevaux à DPIH sont normoglycémiques [5].

• De nombreux protocoles ont été décrits pour aboutir au diagnostic d'une maladie donnée, mais il n'existe pas de méthode qui soit supérieure aux autres pour confirmer un DPIH. De plus, la présence de l'hirsutisme aurait une bonne précision diagnostique par rapport aux tests endocriniens [12].

Un cheval à DPIH avancé peut être identifié plus facilement grâce à un hirsutisme marqué, mais l'absence de signes cliniques externes n'exclut pas le DPIH. Les tests diagnostiques sont compliqués car il existe une variation saisonnière marquée. Les hormones endogènes comme l'ACTH et la MSH augmentent en automne dans l'hémisphère Nord. Les autres examens diagnostiques, comme le test de freination à la dexaméthasone, sont moins fiables en automne [9]. Ils doivent donc être entrepris, de préférence, avant août et après janvier dans l'hémisphère Nord.

Hormones endogènes

Les hormones de la pars intermedia POMC, MSH, β-endorphines et ACTH sont augmentées chez les chevaux à DPIH. Parmi celles-ci, seule l'ACTH bénéficie actuellement d'une technique de dosage commercialement disponible. La MSH est une hormone plus spécifique de la pars intermedia, et la détection de concentrations élevées en MSH aurait une validité supérieure en comparaison à l'ACTH et aux endorphines. L'augmentation de l'ACTH sanguine endogène est présente chez certains chevaux à DPIH, mais pas tous. Dans une étude récente, des concentrations élevées en ACTH endogènes (supérieures à 10 μmol/l) sont mises en évidence chez 64 % des chevaux à DPIH [26]. Le prélèvement sanguin s'effectue dans un tube à EDTA. Il est souhaitable de maintenir le tube réfrigéré (avec de la glace par exemple) jusqu'à ce que le plasma soit séparé par centrifugation. Cependant, l'ACTH est stable pendant au moins trois heures à température ambiante (20 °C) [5]. Le plasma est ensuite transféré dans un tube en plastique, car le verre adsorbe l'ACTH, et congelé à - 20 °C jusqu'à ce que le prélèvement soit analysé.

Cortisol et test de freination à la dexaméthasone

• Le taux de cortisol sérique est dans l'intervalle de référence chez les chevaux à DPIH, malgré l'augmentation des concentrations en ACTH endogène. Pour cette raison, la cortisolémie basale ne permet pas de distinguer les chevaux à DPIH de ceux indemnes de cette maladie. Les variations circadiennes de sécrétion du cortisol sont absentes chez les chevaux à DPIH, variables chez les chevaux sains, et peuvent disparaître en réponse à une variété de facteurs. Pour cette raison, la perte du rythme circadien de sécrétion du cortisol n'est pas un moyen de diagnostiquer un DPIH.

• Comme les chevaux sains sont très sensibles à l'administration de corticostéroïdes exogènes, le test de freination à la dexaméthasone (protocole overnight) a été longtemps considéré comme l'examen de référence pour le diagnostic du DPIH. Le protocole est le suivant : cortisolémie basale à T0 (17 h), administration de 40 μg/kg de dexaméthasone par voie intramusculaire, dosage de la cortisolémie à T + 15heures (8 h) ou T + 19 heures (12 h). Chez les chevaux sains, la production de cortisol sanguin est freinée dès la deuxième évaluation sanguine (au-dessous de 1 mg/dl), qui perdure au-delà de T +  20 heures (voir la “Dosage de la cortisolémie après injection de dexaméthasone”). En revanche, chez un cheval atteint de DPIH, une freination limitée avec une concentration en cortisol sanguin supérieure à 1 mg/dl est observée [10]. Des données récentes ont montré que la répétabilité du test de freination à la dexaméthasone est inférieure à ce qui avait été présumé. Certains chevaux présentent un test de freination positif en faveur d'un DPIH à un instant et un test normal à un autre moment [9]. Les résultats d'un test de freination à la dexaméthasone réalisé en automne sont beaucoup moins fiables que ceux des examens entrepris à un autre moment de l'année.

• L'association d'un test de freination à la dexaméthasone et d'un test de simulation à la TRH (hormone de libération de la thyréostimuline) ou à la dexaméthasone/ACTH peut améliorer les résultats, mais la répétabilité de ces combinaisons n'a pas été rapportée [11, 12]. Le test de stimulation à l'ACTH n'est pas utile pour distinguer les chevaux sains des chevaux à DPIH [10].

Thyroid releasing hormone

Les cellules mélanotropes répondent à la stimulation par la thyroid releasing hormone (TRH) en augmentant la cortisolémie, la concentration en MSH et en ACTH. Une augmentation d'au moins 90 % de la valeur basale de la cortisolémie, 15 à 30 minutes après l'administration de 1 mg de TRH est compatible avec un diagnostic de DPIH [3]. La sensibilité et la spécificité de ce test ne seraient pas supérieures à celles du test de freination à la dexaméthasone [26].

Tests de tolérance au glucose et à l'insuline

Une augmentation de la concentration sérique en insuline et un retour anormalement long à la valeur basale de la glycémie après l'administration intraveineuse de glucose indiquent une insulinorésistance. Le cortisol est un antagoniste de l'insuline et les chevaux à DPIH sont souvent insulinorésistants. Toutefois, l'insulinorésistance n'est pas spécifique de cette maladie. La résistance à l'insuline peut être idiopathique (syndrome métabolique équin) ou intrinsèque (poneys). L'établissement du statut insulinorésistant est utile pour la gestion du cheval à DPIH, mais il ne peut être considéré comme un test diagnostique.

Test à la dompéridone

La dompéridone est antagoniste des récepteurs à la dopamine. Son administration lève totalement l'inhibition dopaminergique issue des neurones hypothalamiques, d'où une augmentation marquée de la concentration en ACTH endogène chez les chevaux à DPIH. Elle n'engendre pas d'augmentation similaire chez les chevaux à hypophyse histologiquement normale. Lorsque 3,3 mg/kg de dompéridone sont données oralement, la concentration en ACTH endogène double chez les chevaux à DPIH dans les quatre à huit heures suivantes, alors que chez les chevaux témoins la concentration en ACTH est stable [29].

Techniques d'imagerie

Plusieurs protocoles d'imagerie ont été envisagés pour le diagnostic du DPIH (résonance magnétique nucléaire, scanner et radiographie de contraste), mais aucun n'est utilisé en routine [1, 16].

Comme les signes cliniques peuvent être notables en présence d'une hypertrophie des cellules pituitaires ou de micro-adénomes, il est peu probable que ces techniques constituent un outil sensible pour la détection du DPIH.

Traitement

Traitement hygiénique

Le traitement du DPIH doit être centré sur des mesures hygiéniques et de médecine préventive. Une attention particulière est portée à l'alimentation, à la vaccination, à la vermifugation, à la dentition, au parage des pieds et à une réponse prompte à l'infection.

Les chevaux hirsutes doivent être tondus pendant la saison chaude. De plus, en raison de la capacité réduite à s'acclimater aux changements de température, il est préférable de prévoir un abri adapté et une couverture pendant la saison froide. Une nourriture de bonne qualité, facile à mastiquer est importante, particulièrement pour les chevaux avec une dentition abîmée. Pour les chevaux qui perdent du poids, il est conseillé d'ajouter des matières grasses sous forme d'huiles végétales (125 à 250 ml/j) ou de son de riz (0,5 à 1 kg/j). Pour ceux qui présentent une hyperglycémie, il est important de limiter les sources d'amidon en remplaçant le grain par du foin de bonne qualité (foin de pré préférable à la luzerne). L'accès au pâturage devrait être limité, surtout si l'herbe est riche en sucres solubles. La ration alimentaire doit être équilibrée et il convient d'éviter toute suralimentation en raison des risques potentiels de fourbure. Cette dernière est d'ailleurs la complication la plus difficile à gérer chez ces chevaux à DPIH. Un traitement médical du DPIH améliore de façon substantielle le confort du cheval et diminue la probabilité d'épisodes répétés de fourbure.

Traitement médical

• Le traitement médical utilise trois familles de principes actifs : les agonistes dopaminergiques (bromocriptine, pergolide), les antagonistes de la sérotonine (cyproheptadine) et les molécules adréno-corticolytiques (trilostane).

Pergolide

Le pergolide est un agoniste dopaminergique spécifique qui produit une augmentation du tonus dopaminergique au niveau des cellules mélanotropes et qui freine leurs sécrétions. Par voie orale, il a les mêmes propriétés que la bromocriptine et une amélioration clinique a été rapportée dans 90 % des cas de DPIH. Des études contrôlées ont montré que la concentration en ACTH endogène diminue en réponse à l'administration de pergolide. De plus, les symptômes tels que l'hirsutisme peuvent disparaître, avec un retour à une mue normale. La dose initiale de pergolide doit être basse (0,25 mg/j pour un cheval de 250 à 500 kg) et l'augmentation progressive (0,25 à 0,5 mg par cheval tous les trois à sept jours), afin d'éviter l'apparition d'effets secondaires [8, 25].

• La réponse clinique est habituellement notée dans les semaines suivant le début du traitement à des doses variant de 1 à 5 mg/j. Le pergolide est donné à une dose initiale basse pour quatre à six semaines, puis l'ACTH plasmatique est dosée à nouveau. L'ACTH n'a pas une valeur fixe, des modifications par rapport à la concentration mesurée initialement peuvent résulter de facteurs saisonniers ou de fluctuations aléatoires. Si la concentration plasmatique en ACTH est identique ou supérieure à la valeur précédente, une augmentation de la dose de pergolide de 0,5 mg est conseillée, avec une réévaluation de l'ACTH un mois après. Si la concentration plasmatique en ACTH est diminuée et que les signes cliniques régressent, la même dose est maintenue et la concentration en ACTH évaluée tous les deux à quatre mois (plus tôt en cas d'aggravation des signes cliniques).

• Si une anorexie, une dépression, des coliques ou d'autres effets secondaires apparaissent, la dose de pergolide doit être diminuée jusqu'à leur résolution.

Cyproheptadine

• La cyproheptadine est un antagoniste de la sérotonine qui a été utilisé avec succès chez les chevaux et les poneys à maladie de Cushing [10, 18]. Bien que son mécanisme d'action serait de diminuer la sécrétion d'ACTH, les résultats actuels sont controversés. Deux études n'ont pas montré de capacité de la cyproheptadine à réduire la concentration en ACTH endogène [8, 26]. Il existe des rapports anecdotiques selon lesquels la cyproheptadine et le pergolide exerceraient des effets synergiques. Leur combinaison engendrerait une amélioration clinique supérieure à celle notée lorsque le pergolide est administré seul.

• La gestion du traitement à la cyproheptadine est la même que pour le pergolide. La cyproheptadine est donnée oralement à la dose de 0,25 mg/kg, une fois par jour pendant un mois, et la concentration en ACTH sanguine est mesurée à nouveau. Si celle-ci est similaire ou plus élevée que la valeur précédente, la dose de cyproheptadine est passée à 0,25 mg/kg deux fois par jour et le dosage d'ACTH répété un mois plus tard. Si la concentration en ACTH est diminuée et que les signes cliniques régressent, la cyproheptadine est maintenue à la même dose et l'ACTH est surveillée tous les deux à quatre mois, ou plus tôt si les signes cliniques s'aggravent.

• Parmi 16 poneys et chevaux à DPIH traités par de la cyproheptadine et suivis cliniquement, 75 % d'entre eux se sont améliorés dans les deux mois suivant le début du traitement. Les concentrations plasmatiques en ACTH ont diminué dans 78 % des cas après un mois de traitement [4]. Mais la concentration en ACTH est rarement située dans l'intervalle de référence. Le signe le plus précoce d'amélioration clinique concerne le pelage, avec dans certains cas une perte du poil hirsute dès 10 jours après l'initiation du traitement. Ultérieurement, la consommation d'eau s'est normalisée. La douleur secondaire à la fourbure a régressée chez 60 % des chevaux traités pendant plusieurs semaines. Dans le même temps, la fourbure a été traitée de façon conventionnelle par une ferrure correctrice et un traitement médical, ce qui a empêché d'objectiver avec certitude l'efficacité de la cyproheptadine pour la gestion de la fourbure lors de DPIH. Toutefois, la plupart des chevaux et des poneys malades avaient été traités pour une fourbure chronique avec un traitement médical conventionnel auparavant, et la réponse clinique était faible. Quelques chevaux avaient été traités avec des doses plus élevées (0,3 à 0,5 mg/kg per os, deux fois par jour), mais les individus qui ne répondaient pas cliniquement à la dose de 0,25 mg/kg deux fois par jour semblaient avoir peu de chance de s'améliorer avec des doses plus élevées.

Trilostane

Le trilostane (0,4 à 1 mg/kg, per os) traite les symptômes des chevaux à DPIH [21]. Il s'agit d'un inhibiteur compétitif de la bêta-3-hydroxystéroïde déshydrogénase, utilisé avec succès pour le traitement de la maladie de Cushing d'origine hypophysaire chez le chien. Dans cette étude, dans les 30 jours suivant la première administration, les signes cliniques comme la léthargie (19 chevaux sur 19), la fourbure (13 chevaux sur 16), la polyuro-polydipsie (11 chevaux sur 11) et la qualité du pelage (6 chevaux sur 20) ont régressé. L'amélioration clinique ne s'accompagnait pas d'une réduction de la cortisolémie. Dans une autre étude, le trilostane n'a pas engendré d'effet clinique comme la diminution de l'insulinémie chez les chevaux atteints de DPIH [22].

Phytothérapie

Plusieurs produits phytothérapiques ou compléments nutritionnels ont été proposés comme traitement principal ou complémentaire pour les chevaux à DPIH. La plante agnus-castus ou poivre du moine (Vitex spp), affecte le taux de dopamine d'une façon similaire à celle du pergolide. Cette molécule est utilisée chez l'homme pour améliorer la fertilité et a été recommandée pour le traitement du DPIH à la dose de 56,7 g/j [31]. Une étude préliminaire n'a pas démontré d'effet de cette plante chez des chevaux à DPIH [2]. Cependant, aucune étude contrôlée pour évaluer son efficacité chez le cheval n'a été rapportée.

Précautions lors d'utilisation de corticoïdes

L'emploi de corticoïdes chez des chevaux à DPIH pour traiter des maladies inflammatoires telles que la pousse ou l'uvéite doit être limité à un traitement local (aérosols, crème ophtalmique). Si le traitement nécessite l'emploi de corticoïdes par voie générale, il est recommandé d'utiliser des produits à action brève et peu puissants comme la prednisolone.

Conclusion

Bien que les données de prévalence du DPIH soient limitées, l'avancée des connaissances sur cette maladie et la disponibilité de tests diagnostiques pratiques devraient contribuer à une identification plus aisée chez les chevaux et les poneys. De plus, un traitement et un suivi appropriés permettent d'améliorer l'espérance de vie des animaux atteints. Le DPIH est une maladie qui se développe chez le jeune adulte qui devient apparente chez le cheval âgé. Tous les traitements disponibles visent à diminuer les sécrétions de la pars intermedia et non à éliminer un tissu hypophysaire néoplasique.

À l'exception de la fourbure et des infections dentaires, les signes cliniques associés au DPIH ne sont généralement pas douloureux et les chevaux peuvent vivre assez longtemps une fois le diagnostic établi.

Pour cette raison, les cliniciens et propriétaires doivent être conscients que le traitement a pour objectif de conserver aux chevaux affectés, aussi longtemps que possible, une vie de bonne qualité et sans douleur. Le pronostic dépend du stade de la maladie et de la sévérité des signes cliniques (présence de fourbure ou d'infections intercurrentes). Certains rapports de cas précisent que les chevaux peuvent survivre dix ans après la mise en évidence du DPIH [10].

Éléments à retenir

> Le dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse (DPIH) est l'endocrinopathie la plus fréquente chez le cheval et le poney.

> Parmi les nombreux signes cliniques associés au DPIH, l'hirsutisme est rapporté dans plus de 85 % des cas.

> Le traitement du DPIH doit être centré sur des mesures hygiéniques etde médecine préventive.

Préparations histologiques de l'hypophyse chez un cheval normal et chez des chevaux à DPIH

Références

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