Article de synthèse
Auteur(s) : Samantha Franklin*, Emmanuelle van Erck-Westergren**
Fonctions :
*BVSc PhD MRCVS
University of Bristol, Royaume-Uni
**DMV PhD Dipl ECEIM
Equine Sports Medicine,
13, avenue de l’Équinoxe
1200 Bruxelles, Belgique
L’anatomie et la physiologie des voies respiratoires supérieures sont complexes. Leur connaissance aide à comprendre les phénomènes obstructifs au repos ou à l’effort.
Avec le développement de l’endoscopie à l’effort et, plus récemment, de l’endoscopie embarquée, des progrès considérables ont été faits dans le diagnostic des obstructions des voies respiratoires supérieures (VRS). Néanmoins, l’interprétation des images dynamiques obtenues et la compréhension des mécanismes physiopathogéniques sous-jacents sont parfois complexes. Cet article propose de revenir sur la physiologie du nasopharynx et sur les éléments qui permettent d’appréhender les obstructions dynamiques des voies respiratoires supérieures. Ces connaissances sont importantes lorsque plusieurs options thérapeutiques sont envisagées.
Le nasopharynx est un tube musculo-membraneux qui va des cavités nasales au larynx. Le voile du palais épouse les contours de la base du larynx et s’insère ventralement sous l’épiglotte (figure 1, photo 1). Cette région est donc constituée ventralement par le voile du palais dont la muqueuse se prolonge latéralement et dorsalement par le plancher ventral des poches gutturales. Le nasopharynx n’est soutenu directement par aucune structure cartilagineuse ou osseuse. Il est, de ce fait, particulièrement prédisposé au collapsus dynamique lors de l’effort lorsqu’il est soumis à des pressions fortement négatives (photo 2). Les formes les plus fréquentes d’instabilité nasopharyngée, telles que l’instabilité palatine (IP) ou le déplacement dorsal du voile du palais (DDVP), sont directement liées à un dysfonctionnement du palais mou. Un collapsus dynamique des parois dorsales et/ou latérales du nasopharynx peut également se produire, bien que ce soit moins fréquent.
L’activation de plusieurs groupes musculaires, dont les muscles du palais, les muscles extrinsèques de la langue, de l’appareil hyoïdien et les muscles constricteurs du pharynx, permet le maintien de l’ouverture et la stabilisation du nasopharynx. Leur activité est stimulée à l’effort par des mécano-récepteurs localisés dans le larynx et des chémo-récepteurs sensibles à l’augmentation de dioxyde de carbone [8, 22].
La dilatation et la stabilisation des parois dorsales et latérales du nasopharynx sont liées principalement à la contraction du muscle stylo-pharyngé et des muscles constricteurs du nasopharynx [3, 4] (figure 2). Le muscle stylo-pharyngé s’insère sur la partie distale de l’os stylo-hyoïde et se ramifie dorsalement dans le plafond du nasopharynx, passant entre les muscles ptérygo-pharyngés et palato-pharyngés [24]. La fonction motrice de ce muscle est assurée par le nerf glosso-pharyngien et une anesthésie bilatérale de celui-ci induit un collapsus dorso-ventral du nasopharynx [25].
Les muscles constricteurs du pharynx sont représentés dorsalement par les muscles palato-pharyngés et ptérygo-pharyngés, médialement par le muscle hyo-pharyngé et, ventralement, par le thyro-pharyngé. Ils permettent la dilatation et la rigidification du nasopharynx pendant la respiration et participent également à la déglutition. Ils sont innervés par un rameau du nerf vague, visible dans les poches gutturales (photo 3) [13]. Le dysfonctionnement de l’un ou de plusieurs de ces muscles ou du nerf correspondant pourrait participer à l’apparition d’un collapsus dynamique du pharynx à l’effort.
Le voile du palais constitue le plancher du nasopharynx. Il prolonge le palais dur par une aponévrose tendineuse large et vient s’insérer ventralement, sous l’épiglotte, créant ainsi une séparation étanche entre le naso- et l’oropharynx, qui rend la respiration orale impossible chez le cheval. Lors de la déglutition, il se déplace dorsalement de manière physiologique. La position du voile du palais est déterminée par l’action coordonnée des muscles qui le compose : les muscles tenseur et élévateur du voile du palais, le muscle palatin et le muscle palato-pharyngé (figure 3, photo 4).
Les muscles palatins sont deux structures fusiformes qui courent de part et d’autre de la ligne médiane du voile du palais, allant du bord caudal du voile du palais dur au bord libre caudalement. Ils sont inclus dans un fascia sur lequel s’insèrent d’autres muscles du voile du palais, et qui contribue à le rigidifier et à prévenir sa distorsion [12]. Le tenseur du voile du palais est un muscle plat et fusiforme qui court le long des parois latérales du nasopharynx et des poches gutturales. Son tendon s’insère sur l’os ptérygoïde, ainsi que latéralement sur l’aponévrose palatine. Le tenseur du voile du palais joue un rôle dans la respiration ; il tend latéralement la partie rostrale du voile du palais et agit concomitamment aux muscles palato-pharyngés pour réduire l’affaissement des voies respiratoires supérieures [26]. La section expérimentale de ce muscle chez le cheval produit une instabilité de la partie rostrale du voile du palais à l’effort, sans toutefois induire de DDVP (photo 5) [5].
Le muscle palato-pharyngé s’insère rostralement sur l’aponévrose et, ventralement, le long du fascia du muscle palatin [20]. Il agit en provoquant la constriction du nasopharynx lors de la déglutition, mais est également actif lors de la respiration pour maintenir le nasopharynx dilaté et rigide [9, 14]. Avec le muscle palatin, il participe à la dépression ventrale du voile du palais [7, 9]. Les muscles élévateurs du voile du palais s’insèrent sur le processus musculaire de l’os temporal et sur les parois latérales de la trompe d’Eustache, et, ventralement, ils forment une gouttière qui passe sous le muscle palatin. Leur contraction provoque le soulèvement du voile du palais lors de la déglutition et du hennissement. Dans les espèces dont la respiration nasale est non obligatoire, il facilite la respiration orale [11].
Bien que la physiopathogénie du DDVP ne soit pas encore complètement élucidée, un dysfonctionnement neuromusculaire de la musculature palatine, impliquant plus particulièrement les muscles palatins et palatopharyngés, y joue un rôle important. L’anesthésie tronculaire du rameau pharyngé du nerf vague, responsable de la stimulation motrice de ces muscles, provoque un DDVP persistant au repos et à l’effort (figure 4, photo 6) [7]. L’empyème, la mycose ou l’instillation de substances irritantes dans les poches gutturales peut entraîner une dysphasie du nasopharynx et des DDVP intermittents ou persistants. D’autres études plus récentes tendent à montrer que le positionnement du larynx dans le nasopharynx serait également déterminant dans le développement du DDVP [1, 3].
La langue est un muscle important qui détermine la position de l’appareil hyoïde et qui s’attache au voile du palais (figure 5). Quatre muscles extrinsèques de la langue s’insèrent sur l’os hyoïde :
– le génioglosse (GG) et le géniohyoïde (GH), qui agissent pour tirer l’appareil hyoïde rostralement ;
– le styloglosse et l’hyoglosse, qui provoquent la rétractation caudale de la langue.
Tous ces muscles sont innervés par le nerf hypoglosse [23]. Chez le cheval, une anesthésie locale et bilatérale de ce nerf au niveau du cérato-hyoïde induit un DDVP à l’effort intense dans 10 cas sur 19 [1]. Dans d’autres espèces, l’électrostimulation de ce nerf provoque une dilatation des voies respiratoires supérieures.
• D’autres muscles s’insérant sur l’appareil hyoïde peuvent également modifier son positionnement et jouer un rôle dans la stabilisation du nasopharynx. C’est le cas des muscles thyrohyoïdiens, sternothyroïdiens, sternohyoïdiens et omohyoïdiens. Tous agissent en opposition aux muscles GG et GH ; ils provoquent la rétractation caudale du larynx et de l’appareil hyoïde. La résection de ces muscles, autrefois pratiquée chez les chevaux atteints de DDVP, réduit le débit aérien au travers des voies respiratoires supérieures [4]. Chez d’autres espèces, la rétractation caudale de la trachée, associée à un déplacement de la langue améliore la stabilité du pharynx [21]. Malgré une utilisation répandue, l’attachement de la langue chez les chevaux de courses n’aurait pas d’incidence sur la prévention des DDVP. L’attachement de la langue ne modifie pas la position de l’appareil hyoïde et ne permet pas d’améliorer la mécanique ventilatoire à l’effort.
• Comme leur nom l’indique, les muscles thyrohyoïdiens relient les bords caudaux des os thyrohyoïdiens aux bords ipsilatéraux des cartilages thyroïdes. Leur action provoque la rétractation caudale du basihyoïde et le basculement rostro-dorsal du larynx au cours de l’effort. Ils contribuent à éviter la rétractation caudale du larynx à l’effort. Une étude a démontré que la section de ces muscles induit l’apparition d’un DDVP, même à des vitesses modérées, chez 7 chevaux sur 10. Elle a abouti à la mise en place de la procédure du tie-forward dans le traitement chirurgical des chevaux atteints de DDVP(1) [3].
Le larynx est suspendu dans le nasopharynx par l’intermédiaire de l’appareil hyoïde. Il fait la transition entre le pharynx et la trachée. Le larynx est le goulot le plus étroit du tractus respiratoire et, de ce fait, il constitue un passage de forte résistance à l’écoulement de l’air et une zone d’obstructions potentielles. Plusieurs anomalies de cet organe ont été reconnues pour être à l’origine d’une obstruction significative des voies aériennes. Les plus courantes sont le collapsus du ou des cartilages aryténoïdes, en particulier lors de neuropathie laryngée récurrente, ainsi que le collapsus des cordes vocales et la déviation axiale des replis ary-épiglottiques (photos 7a et 7b). D’autres défauts comme la rétroversion de l’épiglotte ou le collapsus de la membrane crico-thyroïdienne sont moins fréquents.
Au cours de l’effort, la dilatation du larynx permet d’augmenter le débit inspiratoire et de réduire la résistance au passage de l’air [15]. La contraction des muscles intrinsèques et, en particulier, des muscles crico-aryténoïdiens dorsaux (CAD) permet l’abduction maximale des aryténoïdes. Les autres muscles du larynx ont principalement un rôle adducteur et réduisent la lumière de la rima glottidis, permettant la protection des voies respiratoires inférieures lors de la déglutition.
La neuropathie laryngée récurrente provoque l’amyotrophie du CAD, et, secondairement, le collapsus du cartilage aryténoïde correspondant (généralement le gauche) et/ou des cordes vocales au cours de l’effort. Des études récentes suggèrent que le développement de cette affection serait progressif, ce qui expliquerait qu’un collapsus dynamique puisse survenir lors de l’effort malgré l’observation d’une fonction laryngée normale à l’examen de repos, alors que les pressions respiratoires sont beaucoup plus faibles [2].
La déviation axiale des replis ary-épiglottiques (DARAE) est maintenant reconnue comme une cause fréquente de collapsus laryngé dynamique. Cette obstruction est souvent, mais pas systématiquement, associée à un DDVP ou à d’autres formes de collapsus dynamique. Les replis ary-épiglottiques sont constitués d’une membrane muqueuse double qui se prolonge rostralement par la muqueuse glosso-épiglottique se trouvant entre la partie ventrale de l’épiglotte et la base de la langue. Ces replis ne sont pas directement reliés à des muscles et seule une couche de fibres de collagène présente au niveau de leur bord dorsal permet leur renforcement relatif [19].
L’étiologie de la DARAE chez le cheval reste indéterminée. Cette affection est décrite chez l’homme, et est associée à un excès de tissu muqueux ary-épiglottique ainsi qu’à une dysfonction neuromusculaire du larynx [17, 18]. Un parallèle pourrait être fait avec ce qui est observé dans l’espèce équine. Dans les cas de collapsus dynamiques complexes, il est possible qu’un aplatissement dorsal de l’épiglotte provoque une laxité anormale de ces replis, ce qui est observé, par exemple, dans les phases qui précèdent un DDVP ou secondairement au collapsus dynamique d’autres structures.
La rétroversion de l’épiglotte est une affection obstructive dynamique plus rare qui ne se produit qu’à l’effort (photo 8). Le muscle hyo-épiglottique, innervé par le nerf hypoglosse, assure la position normale de l’épiglotte. Un essai a démontré que l’anesthésie expérimentale du nerf hypoglosse, sur son trajet dans les poches gutturales, induit la rétroversion de l’épiglotte à l’effort [6]. Un dysfonctionnement de ce muscle pourrait donc être à l’origine de cette maladie clinique (tableau complémentaire sur www.WK-Vet.fr).
Les muscles intrinsèques et extrinsèques des voies respiratoires supérieures jouent un rôle essentiel dans le maintien de la dilatation des voies aériennes à l’effort.
Le dysfonctionnement neuromusculaire de la musculature soutenant les voies aériennes supérieures est directement impliqué dans un certain nombre de cas de collapsus dynamique à l’effort. Cela se produit lorsque la musculature est insuffisamment tonique pour contrer les débits respiratoires élevés et les fortes pressions négatives générées par l’hyperventilation d’effort.
Le traitement des états inflammatoires du nasopharynx et des poches gutturales est une étape critique dans la prise en charge des collapsus dynamiques des voies respiratoires supérieures. L’efficacité de ces traitements est conditionnée par la rapidité de leur instauration, car la rééducation d’un déficit neuromusculaire est un long processus. La mise en évidence de formes complexes de collapsus dynamiques à l’effort souligne la nécessité d’établir un diagnostic précis avant une intervention chirurgicale et de réfléchir à l’adaptation des techniques existantes pour la stabilisation de la région.
→ Le nasopharynx est un tube musculo-membraneux qui n’est soutenu ni par des os ni par du cartilage, mais maintenu rigide uniquement par l’action de muscles intrinsèques.
→ La position de l’appareil hyoïde et l’action de muscles extrinsèques comme ceux de la langue jouent un rôle déterminant dans la dilatation et la stabilisation des voies respiratoires supérieures.
→ La plupart des nerfs innervant les muscles du pharynx et du larynx sont des rameaux des nerfs crâniens dont la trajectoire passe par les poches gutturales et les parois du pharynx.
→ Les obstructions des voies respiratoires supérieures à l’effort peuvent avoir pour origine des collapsus dynamiques complexes, liés à l’instabilité de multiples structures.
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