Le cheval se réveille mal : quand s’inquiéter, que rechercher, que faire ? - Pratique Vétérinaire Equine n° 168 du 01/10/2010
Pratique Vétérinaire Equine n° 168 du 01/10/2010

Article de synthèse

Auteur(s) : Karine Portier*, Olivier L. Levionnois**

Fonctions :
*DMV, MSc, PhD, DScV, CertVA, MRCVS
Anesthésiologie, pôle équin, VetAgro Sup
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile
**DMV, IPSAVEq, Dipl. ECVAA
Section d’anesthésiologie, Département des sciences cliniques vétérinaires
Faculté Vetsuisse de l’université de Berne
BP 8466, 3001 Bern, Suisse

Le réveil constitue une phase délicate de l’anesthésie chez le cheval. Un animal qui se réveille mal peut avoir besoin d’assistance, voire d’un traitement adéquat.

Le réveil représente une phase risquée de l’anesthésie équine car il s’agit du moment le plus difficile à contrôler. Des essais non coordonnés et infructueux peuvent aboutir à des traumatismes irréversibles. Trente-deux pour cent de la mortalité imputable à l’anesthésie se produit pendant le réveil [10]. Plusieurs études ont proposé des grilles d’évaluation de cette étape [18]. L’anesthésiste cherche à obtenir du cheval qu’il se lève calmement et rapidement, en toute sécurité. La durée du réveil est généralement considérée comme un facteur important de sa qualité. Cependant, une durée prolongée ne débouche pas forcément sur un pronostic de mauvais réveil, d’autres paramètres entrant en ligne de compte parallèlement.

La phase de réveil débute au moment où le cheval est déconnecté de la machine d’anesthésie et prend fin lorsqu’il se relève et prend appui sur ses quatre pieds. Elle est prolongée si l’animal reste en décubitus latéral anormalement longtemps, mais aussi s’il fait des efforts répétés infructueux. Une étude sur la prévalence de la morbidité postanesthésique observée dans quatre cliniques équines britanniques a montré que 4,3 % des chevaux ont présenté un réveil prolongé (défini comme dépassant 30 minutes par heure d’anesthésie) [24]. La qualité du réveil se prépare dès l’induction de l’anesthésie par le choix des molécules, mais également pendant toute la phase de maintenance. Le confort du cheval sur la table, l’oxygénation du sang, la perfusion musculaire, les agents anesthésiques utilisés, la profondeur d’anesthésie, le type et la durée de la chirurgie influencent la durée et la qualité du réveil.

Selon l’état du cheval, si le réveil est délicat ou anormalement long, une assistance (cordes, harnais, treuils, etc.) peut être apportée afin de l’aider à se mettre en position debout. En cas de tentative infructueuse ou de maladie déclarée (myopathie, neuropathie, etc.), des soins (nursing) ainsi qu’un traitement médical adapté s’imposent.

Quand s’inquiéter ?

À la suite d’une anesthésie par des agents volatils inhalés (dite “gazeuse”), le réveil dure généralement moins de 1 heure [28]. Après une anesthésie sous isoflurane ou sévoflurane, des agents anesthésiques dont l’élimination s’effectue plus rapidement que pour l’halothane, il est de moins de 20 minutes en cas de procédure non invasive [1, 8].

L’administration d’anesthésiques par voie intraveineuse en association à des agents volatils pendant la maintenance, telles la lidocaïne ou la médétomidine, allonge le temps de réveil de manière dose-dépendante [20, 26]. En revanche, il a été démontré que l’emploi de morphine en perfusion pendant une anesthésie sous halothane raccourcit la phase de lever entre le premier mouvement et la position debout [3].

Lorsque l’anesthésie est maintenue par voie intraveineuse uniquement, les réveils sont plus longs que lors d’inhalations [28]. Cependant, ils sont généralement meilleurs et souvent excellents [14, 17]. En effet, les anesthésiques intraveineux sont moins dépresseurs du système cardiovasculaire que les agents inhalés. Le risque d’accumulation dans l’organisme demeure cependant plus important et limite la durée de l’administration en général à 1 heure d’anesthésie. La durée maximale d’administration d’une anesthésie par voie intraveineuse n’a cependant pas été réellement étudiée. La durée du réveil à la suite d’une anesthésie par voie intraveineuse équivaut à celle de cette anesthésie [28]. Elle dépend également des produits et des doses utilisés.

En résumé, si l’animal est resté calme, sans trouble apparent, mais qu’il ne se lève toujours pas au bout d’une heure après une anesthésie volatile, ou que le réveil dépasse la durée de l’anesthésie intraveineuse, son état doit être évalué. Si le cheval présente des signes précoces de souffrance (douleur, sudation générale ou localisée, modification des rythmes cardiaques et/ou respiratoires, anomalies des paramètres sanguins, par exemple), son état clinique est évalué sans attendre. En revanche, certains individus se réveillent plus lentement sans pour autant présenter de pathologie. Après une anesthésie intraveineuse, les réveils sont généralement plus calmes, avec une phase de décubitus sternal souvent plus longue. Si celle-ci persiste, une stimulation vocale suffit parfois à encourager le cheval à se lever.

Que rechercher ?

Si les produits anesthésiques, et la durée et la profondeur de l’anesthésie influencent la durée du réveil, en revanche, d’autres facteurs indépendants des décisions de l’anesthésiste (état du cheval, type de chirurgie, espèce, comportement, âge) affectent également (pour plus de 87 % des cas) cette phase délicate de l’anesthésie équine [27].

Afin de comprendre la cause du décubitus prolongé, un examen clinique ainsi que des prises de sang veineux et artériel peuvent être réalisés. De même, une recherche portant sur le niveau de conscience (position de l’œil, réponse aux stimuli, capacité à déglutir, à bouger la langue, à mâcher, etc.) et sur la présence de lésions musculo-squelettiques (fracture, myopathie, neuropathie, plaie, etc.), de douleur (plainte vocale, sudation, etc.), d’anomalies métaboliques (hyperlactatémie, hypoglycémie, hypocalcémie) et/ou enzymatiques (SGOT [ou Asat], aspartate aminotransférase, CPK [créatine phosphokinase] élevées) s’impose (tableau). En cas de suspicion de traumatisme (fracture, luxation), des examens complémentaires (radiographie, échographie) sont nécessaires dans certains cas [16]. La possibilité de les réaliser rapidement dans le box de réveil se révèle d’autant plus pratique.

État du cheval

Épuisement

Les chevaux anesthésiés immédiatement après un exercice ou une autre activité physique épuisante (poulinage, colique) ont parfois un réveil prolongé [9]. Les animaux avec des antécédents d’hypotension, d’hypoxémie sur de longues périodes (à la suite d’une hémorragie importante ou d’une endotoxémie par exemple) peuvent également prendre plus de temps pour se lever. Établir un diagnostic de certitude, ainsi qu’un pronostic pour le réveil reste cependant difficile. Aucun paramètre (pH, PaO2, lactates, etc.) ne permet de prédire avec certitude la façon dont le réveil va se dérouler. La glycémie peut également être contrôlée, notamment chez les poulains dont les réserves s’épuisent parfois rapidement.

Myosite

En général, le praticien peut suspecter une myosite lorsque le cheval se montre incapable de porter son poids sur un ou plusieurs membres, lors de ses efforts pour se lever. Les animaux présentant une myopathie peuvent cependant manifester des signes d’inflammation musculaire très précocement dans la phase de réveil. Celle-ci peut alors être prolongée sans que le cheval n’essaie de se lever. L’incidence des myosites a été corrélée à une hypotension ou à une mauvaise perfusion musculaire pendant l’anesthésie. Une étude a noté que des chevaux dont la pression artérielle moyenne a été maintenue entre 55 et 65 mmHg pendant 3,5 heures d’anesthésie sous halothane ont tous développé des myosites, tandis que ces animaux précédemment anesthésiés dans des conditions similaires avec une pression artérielle maintenue entre 85 et 95 mmHg se sont réveillés indemnes [7]. Un risque de myopathie au réveil doit être anticipé dans le cas où les valeurs de la pression sanguine n’ont pu être maintenues dans les normes sur de longues périodes de l’anesthésie. Dans ce cas de figure, il est conseillé de rechercher la présence d’une zone de sudation localisée, de masses musculaires indurées, d’urines foncées ou de douleur. Une prise de sang suivie d’un dosage des CPK et SGOT doit être effectuée.

Paralysie périodique hyperkaliémique

Cette maladie génétique se manifeste par une faiblesse musculaire qui résulte d’une augmentation du taux de potassium sérique. Les chevaux de types quater horse, appaloosa et paint américains sont les plus touchés. Une bradycardie et un arrêt cardiaque peuvent également survenir. Les crises sont générées par un stress et se produisent à tout moment, y compris pendant la phase de réveil [21].

Neuropathie

Lors de l’application d’une forte pression sur un trajet nerveux pendant un certain laps de temps, l’inflammation et l’œdème qui en résultent produisent une paralysie nerveuse parfois peu évidente à distinguer d’une myopathie tant que le cheval n’est pas debout. L’animal ne peut pas porter de poids sur le membre affecté et les tentatives pour se relever peuvent être infructueuses. Les muscles atteints, contrairement à ce qui se passe lors de myosite, restent souples. Une fois le cheval debout, la position des membres en cas de parésie du nerf radial ou fémoral est caractéristique et facilite le diagnostic (photo 1).

Myélomalacie

Une nécrose (à la suite d’une hypoxie) de la moelle épinière a été observée chez des chevaux (race shire ou animaux à croissance rapide) après un décubitus dorsal prolongé [9]. Le cheval adopte une position en chien assis au réveil et ne peut se mettre debout à cause d’une paraplégie des membres postérieurs. L’absence de sensibilité profonde des membres atteints et de tonus anal et de la queue appuie le diagnostic. Seul l’examen anatomopathologique le confirme.

Œdème des VRS, spasme du larynx

L’œdème des naseaux, du larynx, le déplacement dorsal du voile du palais, l’hémiplégie laryngée peuvent provoquer l’obstruction des voies respiratoires supérieures, et se traduisent par des bruits inspiratoires et des mouvements du thorax caractéristiques. Les efforts inspiratoires conduisent parfois rapidement à un œdème pulmonaire [22].

Œdème pulmonaire

L’expectoration de fluide blanc rosacé spumeux par la sonde trachéale ou les naseaux est un signe d’œdème pulmonaire [2]. Celui-ci peut résulter, dans la phase de réveil, d’une obstruction transitoire totale ou partielle des voies respiratoires [22].

Coliques

Un déplacement du tube digestif est possible pendant l’induction ou le transport (box de couchage/salle de chirurgie/box de réveil). Il induit des douleurs digestives pendant le réveil. Le cheval se regarde les flancs, exprime parfois sa souffrance également par des plaintes vocales. Un iléus peut également résulter d’un surdosage d’atropine ou d’opioïdes [6].

Fractures

L’incidence des fractures est de 0,2 % des chevaux anesthésiés [10]. Il s’agit d’un risque important chez les animaux âgés ou ayant subi une chirurgie de réparation de fracture. Le réveil est cependant rarement prolongé dans ce cas, en raison de ses conséquences généralement létales et aboutissant à l’euthanasie de l’animal.

Lésions des tissus mous

Les plaies d’abrasion, écorchures liées aux fers, les plaies aux lèvres, à la langue ne prolongent généralement pas le réveil, mais demandent des soins a posteriori.

Cécité

Des cas de cécité transitoire ont été rapportés après une anesthésie générale [11].

Type de chirurgie

Le type de chirurgie que subit le cheval a une influence sur la durée du réveil car il conditionne la durée de l’anesthésie, la douleur, et sensibilise la zone opérée. Plus la procédure est invasive, plus le réveil risque d’être compliqué. Le type de chirurgie influence donc également l’organisation du réveil et le type d’assistance apportée au cheval. Par exemple, parmi les chirurgies de coliques, un meilleur réveil est attendu chez un animal opéré d’un entrappement néphrosplénique, par rapport à un individu opéré d’un volvulus ayant nécessité une entérectomie.

L’espèce, le comportement, l’âge

Les ânes sont réputés pour présenter des réveils calmes et prolongés [15].

Il a été montré récemment que le caractère du cheval influence la qualité du réveil [12]. Certains anesthésistes rapportent également que les animaux qui ont déjà subi plusieurs anesthésies générales maîtrisent mieux la phase de réveil.

Les poulains présentent souvent des décubitus prolongés (position plus naturelle chez le poulain que chez l’adulte).

Que faire ?

Les chevaux dont le réveil risque de dépasser une heure (chirurgie longue) doivent recevoir des soins de confort et de support. Dans certaines situations (chirurgie de fracture, cas neurologique, cheval épuisé), il est indiqué d’assister le réveil (cordes, harnais, etc.). Une longue durée de réveil est alors attendue et la préparation des supports envisageable. Lorsque le réveil se prolonge de façon imprévisible, ces mêmes moyens doivent être proposés, en association d’un traitement adapté. En général, plus l’anesthésie se poursuit longtemps, plus le réveil risque de prendre du temps et d’être difficile, ce qui doit être anticipé. Il convient de déferrer les chevaux, pour prévenir les blessures liées aux fers, et de protéger le sol du box de réveil.

Méthodes d’assistance du réveil

Les chevaux particulièrement débilités, vieux, qui ont subi une chirurgie orthopédique majeure devraient être assistés dans leur réveil. Toutes les techniques décrites ci-dessous impliquent un matériel spécialisé, ainsi que la présence d’un personnel plus ou moins nombreux mais toujours entraîné. Si l’équipe maîtrise mal la méthode, il est préférable de l’éviter car cela augmente le risque de blessure du cheval, mais surtout des personnes. À noter également que certains chevaux ne supportent pas cette contrainte supplémentaire et ne constituent pas de bons candidats au réveil assisté. Il est difficile d’anticiper ce genre de réactions. Cependant, si elles se produisent et persistent sous sédation, il est préférable de ne pas insister car le cheval peut devenir dangereux pour lui-même et son entourage.

Assistance manuelle

Pour les poulains, ânes et poneys, le lever peut être assisté manuellement en soutenant la tête et l’arrière-main par la base de la queue. Cette technique demeure potentiellement dangereuse pour les manipulateurs, surtout avec les poulains de plus de 70 kg qui supportent mal la contrainte.

Cordes tête et queue

Des cordes (idéalement des cordes d’escalade d’au moins 2 cm de diamètre) attachées au licol et à la queue et passées dans des anneaux muraux en hauteur permettent d’assister le cheval dans son lever, de ralentir les chutes et de le stabiliser une fois debout tout en restant à distance (photo 2 et 3a à 3f). Des systèmes de poulies, de poignées d’escalade et de “grigri” renforcent l’action, mais en aucun cas ne peuvent lever le cheval !

Cet outil doit être adapté à la forme du box et permettre le contrôle des cordes par l’extérieur, sans risque que celles-ci ne s’emmêlent si le cheval se retourne.

Systèmes de suspension

Ce type d’assistance au réveil est indiqué d’emblée lorsqu’il existe un risque de blessure au moment où le cheval va porter beaucoup de poids et de contrainte sur un membre opéré et fragilisé pour se lever (après une chirurgie de fracture, une instabilité articulaire, etc.). L’encadrement peut l’installer tardivement dans la phase de réveil après des essais infructueux ou bien lors de suspicion de neuropathie ou de myosite. Tous ces systèmes impliquent un treuil pour la suspension. Certains harnais sont suffisamment confortables pour servir de support à long terme pour le cheval. Il existe plusieurs types de harnais, des simples sangles jusqu’aux harnais couvrant la quasi-totalité de l’animal. Parmi ceux-ci, l’Anderson Sling semble le plus confortable, avec deux tailles disponibles (photo 4) [24]. Un modèle suisse, l’Helicopter Net, paraît également efficace, plus pratique, plus léger et moins coûteux que la solution américaine de l’Anderson Sling (photo 5). Cependant, ces systèmes compriment le thorax et parfois même la trachée au niveau du plastron de poitrail, rendant la respiration difficile. Si le cheval est mal positionné, il peut présenter une hypoxémie majeure (muqueuses cyanosées). Plus le harnais est élaboré, plus sa mise en place est longue et réclame un entraînement de la part du personnel.

Piscines

Quelques rares hôpitaux équins possèdent une piscine de réveil. Il existe deux types de systèmes : Hydro-Pool, où le cheval est installé dans un couloir d’eau qui s’évacue et dont le sol remonte, et Pool-Raft, dans lequel il est treuillé dans un bateau pneumatique en flottaison dans une piscine circulaire [5, 25]. L’amortissement des chocs par l’eau apporte une grande sécurité pour le réveil. Néanmoins, les poumons du cheval sont sous la ligne de flottaison et les pressions négatives générées pour respirer peuvent conduire à un œdème pulmonaire. Il existe de plus un risque accru d’infection des plaies chirurgicales si celles-ci ne sont pas maintenues dans un environnement sec et stérile.

Matelas gonflable

Le cheval est placé en décubitus latéral sur un large matelas épais mais maintenu légèrement dégonflé. L’air rend le décubitus confortable. Il limite les pressions et protège l’animal lors de mouvement violent tout en l’empêchant de se mettre en décubitus sternal ou d’essayer de se lever prématurément. Lorsque le cheval est suffisamment réveillé, le matelas est dégonflé et l’animal peut alors prendre appui sur le sol pour se lever [19].

Soins de support et de confort

Sonde trachéale

La mise en place d’une sonde trachéale pendant le réveil est controversée. Le cheval peut, en effet, l’inhaler si elle est mal fixée. De plus, elle peut se couder et provoquer une obstruction des voies respiratoires. Néanmoins, en cas de suspicion d’obstruction des voies respiratoires supérieures (animal lourd, hémiplégie laryngée, intubation difficile avec trauma du larynx, œdème de la tête à la suite d’une mauvaise position sur table), la différence de pression hydrostatique entre le cœur et la tête chez le cheval est importante et peut engendrer un œdème en toute circonstance. La sonde doit donc être surélevée pour limiter l’extravasation des fluides. La sonde orotrachéale peut être laissée en place pour le réveil si elle est bien fixée, ou être remplacée par une sonde nasotrachéale. Si le praticien choisit de ne pas laisser de sonde en place pour le réveil, l’extubation doit être tardive, après réapparition du réflexe laryngé et après déglutition. L’essentiel est de maintenir une surveillance étroite de l’animal tout au long du réveil.

Phényléphrine

Le spray de 10 ml de solution de phényléphrine (Néosynéphrine®, à la dose de 10 mg dilué dans 20 ml) dans chaque naseau limite leur obstruction par un œdème [13].

Trachéotomie

L’obstruction sévère des voies respiratoires supérieures impose dans certains cas une trachéotomie d’urgence. Un kit de trachéotomie doit être à disposition à proximité du box de réveil. Un cathéter intraveineux (avec prolongateur) est laissé en place pendant le réveil afin de pouvoir réinduire le cheval. Le cathéter est fixé (médialement sous l’encolure par exemple) de façon que les injections soient réalisables quel que soit le côté du décubitus.

Soins de confort

En cas de décubitus prolongé, plusieurs soins sont conseillés, comme la lubrification de la cornée, de la langue, le positionnement des zones saillantes du corps sur des matelas. De même, en décubitus latéral, le dégagement de l’antérieur inférieur vers l’avant afin de le soulager du poids du cheval (“extension basse”), si possible la mise en position sternale, le sondage urinaire, le séchage, le massage et le réchauffement du cheval favorisent la bonne évolution du réveil.

Traitements

Perfusion

Lors de myopathie, l’administration de grandes quantités de fluides maintient la perfusion des muscles et favorise la diurèse. L’alcalinisation des urines protège aussi les reins des lésions qui peuvent être causées par la précipitation de la myoglobine dans les tubules. Lors d’hyperkaliémie, une perfusion de glucose, de bicarbonates et de calcium contribue au retour du potassium dans les cellules.

Oxygénation

Une oxygénation peut être mise en œuvre, dans le box de réveil, par une valve à la demande (200 l/min) ou une administration passive nasale (15 l/min) (photo 6). La valve à la demande permet une administration sous pression, ce qui favorise la ventilation pulmonaire. Cependant, cet appareil ne peut pas rester en place lorsque le cheval se lève car cela pourrait détériorer la valve. L’administration passive (par un tuyau PVC d’environ 1 cm de diamètre relié à la source d’oxygène, de préférence en dehors du box, et placé dans les naseaux ou dans la sonde trachéale) ne permet pas de ventiler les poumons, mais seulement d’enrichir en oxygène l’air respiré. Ce tuyau présente l’avantage de pouvoir être laissé en place même si le cheval se réveille seul car il tombe lors du relever et peut être tiré à l’extérieur du box. L’administration d’oxygène, si possible avec une valve à la demande, est indiquée en cas d’hypoxémie et d’œdème pulmonaire.

Analgésie

La prise en charge de la douleur est essentielle pour améliorer la qualité du réveil et en diminuer la durée. Un cheval douloureux s’avère plus réticent à se lever [3]. L’utilisation d’opioïdes (morphine(1), butorphanol), d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (flunixine de méglumine, phénylbutazone), d’anesthésiques locaux (bupivacaïne(1), lidocaïne), d’α2-agonistes (romifidine, xylazine, détomidine, médétomidine(2), dexmédétomidine(2)) constituent des moyens de lutte synergiques contre la douleur. Ils peuvent être employés pendant toutes les phases de l’anesthésie et du réveil. En cas de faiblesse musculaire prévisible (fatigue, trouble musculaire, déficit énergétique), l’administration de ces analgésiques est déconseillée tant que le cheval n’est pas debout, pour éviter d’induire une relaxation musculaire trop marquée empêchant le lever du cheval par lui-même.

Antagonistes

Les α2-agonistes peuvent être antagonisés, mais le sont rarement chez le cheval car ils sont analgésiques. Un cas de surdosage de détomidine chez un poney (20 fois la dose), traité par de l’atipamézole afin de raccourcir le réveil a cependant été décrit [4]. Le flumazénil permet d’antagoniser les benzodiazépines (diazépam, midazolam), mais est rarement adopté.

Énergisants et analeptiques

L’administration de solutés à base de glucose 5 % apporte de l’énergie aux poulains et aux chevaux épuisés. Cependant, l’efficacité de ces produits reste empirique et manque d’investigation clinique prouvée.

Sédatifs

L’emploi d’acépromazine en cas de myosite maintient l’animal calme et induit une vasodilatation qui favorise la perfusion musculaire. Les benzodiazépines soulagent les crampes, mais la myorelaxation ne favorise pas le relever. L’administration d’α2-agonistes permet de sédater le cheval et aide à le maintenir en décubitus jusqu’à ce qu’il soit apte à se lever calmement.

Anti-inflammatoires

Lors de myosite, les anti-inflammatoires non stéroïdiens participent au traitement de la douleur et diminuent l’inflammation. En cas de neuropathie, l’administration de corticostéroïdes favorise la résolution de l’œdème.

Autres

Le dantrolène ralentit la libération du calcium des stocks intracellulaires, et est utilisé dans le traitement et la prévention des myosites. Cependant, il peut provoquer une incoordination et une faiblesse musculaire. Le diméthylsulfoxide (DMSO) permet de réduire l’œdème et l’inflammation. L’efficacité de ces thérapeutiques reste néanmoins controversée. Les diurétiques (furosémide) sont conseillés dans le traitement de l’œdème pulmonaire.

La qualité du réveil est très difficile à évaluer. Un réveil prolongé par rapport aux durées moyennes publiées doit avertir l’anesthésiste de potentielles complications. Néanmoins, un réveil précoce (alors que l’animal n’est pas encore totalement conscient) majore également le risque de trauma. Ces remarques soulignent l’importance d’une surveillance constante pendant cette phase à haut risque de l’anesthésie équine.

L’anesthésie a souvent été comparée au pilotage d’un avion, avec deux phases délicates : le décollage (l’induction) et l’atterrissage (le réveil), tandis que le vol (la maintenance) peut se faire en pilotage automatique. Or, bien au contraire, l’anesthésiste doit rester très actif et vigilant pendant la maintenance car cette phase conditionne le réveil.

  • (1) Médicament humain.

  • (2) Médicament sans autorisation de mise sur le marché chez le cheval.

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Éléments à retenir

→ Le réveil correspond à la phase comprise entre le débranchement de la machine d’anesthésie et la posture debout.

→ La qualité du réveil se détermine dès la phase de maintenance de l’anesthésie.

→ De nombreux facteurs influent sur la qualité et la durée du réveil.

→ Une assistance peut être nécessaire pour permettre au cheval de se lever en toute sécurité.

→ Lors d’affections se déclarant au réveil, un traitement adéquat doit être mis en place.

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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