Toxicologie
Dossier
Les affections hépatiques : actualités
Auteur(s) : Clémence Loublier*, Peggy Moreau**, Carla Cesarini Latorre***
Fonctions :
*Équipe du
Dr Bertrand Franquet,
5, route de Berchères,
28260 Rouvres
**Clinique équine
de la Boisrie,
61500 Chailloué
***Clinique vétérinaire
universitaire,
université de Liège,
avenue de Cureghem 5D,
B41 quartier vallée 2,
4000 Liège, Belgique
Plusieurs types de toxiques peuvent affecter le foie. Un guide pour les prélèvements utiles à réaliser et les autres démarches à suivre vous sont fournis.
Les affections hépatiques sont communément rencontrées dans la pratique équine [7].
Le métabolisme et la détoxification de substances absorbées par le système gastro-intestinal et arrivant par la circulation portale sont parmi les fonctions principales du foie. Cet organe est donc susceptible d’être affecté assez rapidement après l’ingestion de toxiques, soit directement par l’agent hépatotoxique, soit après biotransformation en de potentiels métabolites hépatotoxiques [3].
Les toxiques affectant le foie peuvent être de nature biologique, comme les plantes (spp. Panicum, Xanthium, Lantana, Senecio, Crotalaria, Amsinckia, Echium vulgare, Heliotropium europaeum, Cynoglossum officinale, Festuca rubra et algues telles que cyanobactéries) et les champignons (Amanita spp., mycotoxines d’Aspergillus spp.), ou de nature chimique, tels des produits organiques (tétrachlorure de carbone, phosphore blanc ou jaune), des métaux (fer, plus rarement cuivre) et des médicaments (encadré 1) [1].
La nourriture et l’eau sont les sources les plus fréquentes de toxines et de toxiques, souvent par contamination accidentelle. En médecine humaine, l’utilisation de certains médicaments (kétoconazole, sulfamides-triméthoprime) a été associée au développement de maladies hépatiques. Chez les chevaux, le surdosage involontaire de certains médicaments (par exemple, les suppléments hématiniques) peut aussi se révéler toxique pour les hépatocytes.
Les hépatopathies toxiques peuvent être aiguës ou chroniques, réversibles ou irréversibles. Le foie a une grande capacité autorégénérative et rares sont les toxiques qui induisent une insuffisance hépatique [3]. Le type de lésion hépatique (inflammation, fibrose, nécrose) dépend de la dose, de la durée d’exposition et de la nature des toxiques [1]. Il est intéressant pour le vétérinaire d’avoir une connaissance globale des toxiques et de la commercialisation de nouveaux agents potentiellement toxiques afin d’en prévenir les risques.
L’objectif de cet article est de proposer une démarche pratique lors d’une suspicion d’hépatopathie toxique.
Certains éléments de l’anamnèse ou du tableau clinique permettent d’inclure une affection toxique dans la liste des diagnostics différentiels les plus probables (encadré 2).
L’anamnèse, lors de suspicion d’intoxication, doit être détaillée et complète afin d’envisager la cause éventuelle de celle-ci, mais également de prévoir les possibles conséquences légales et judiciaires [20]. Il existe parfois un décalage dans le temps entre l’apparition des signes cliniques et l’origine de l’intoxication, notamment pour les toxiques cumulatifs (repas ingéré et qui n’est plus disponible, stade de développement végétal passé, etc.).
Il convient de savoir s’il existe déjà un historique d’intoxication et si des mesures ont été mises en place pour prévenir le même type d’intoxication. Lors de suspicion d’intoxication, l’anamnèse doit également comporter des questions sur d’éventuels changements. La modification de l’environnement est un élément important, par exemple une nouvelle pâture, une utilisation récente de produits phytosanitaires, une construction ou une rénovation (peinture, taille de haies, etc.) avoisinant l’habitat des chevaux. Les changements de nourriture, d’eau, de traitements ou de conditions climatiques sont également à prendre en compte [18]. En effet, des toxiques se développent sous certaines conditions, comme les mycotoxines, qui nécessitent une température et une humidité données [20].
Ensuite, le questionnement sur la gestion et le stockage de l’alimentation et des divers produits est essentiel. Le vétérinaire doit se renseigner sur la gestion des nuisibles et le stockage des produits d’entretien afin de déterminer si un contact avec les chevaux est possible [20].
Parallèlement à l’anamnèse, le vétérinaire doit avoir une vision objective de la situation afin de compléter les réponses du propriétaire. Par exemple, l’observation directe de l’alimentation, des litières, des pâtures ou de l’eau permet une analyse qualitative macroscopique et de détecter d’éventuelles anomalies qui risqueraient, sinon, de passer inaperçues [20]. La qualité et la quantité de nourriture offerte au cheval sont à noter, ainsi que la densité de chevaux au pâturage et leurs relations de dominance. Des plantes toxiques peuvent être présentes dans les pâturages, mais le cheval n’y touche pas, à moins qu’il n’ait rien d’autre à manger [23].
Les signes cliniques lors d’hépatopathie toxique sont variés, dépendant du type d’agent toxique, de son mécanisme d’action, de sa dose et de la durée d’ingestion. Bien que certaines intoxications soient chroniques (par exemple, alcaloïdes pyrrolizidiniques), les chevaux affectés peuvent présenter des symptômes d’apparition aiguë [18]. La souffrance hépatique engendrée par les toxiques évolue rarement en une insuffisance hépatique, ce qui rend plus difficile d’identifier le foie comme la cause de l’affection clinique. Certains chevaux peuvent présenter uniquement une maladie subclinique ou des signes cliniques non spécifiques, comme une léthargie, une anorexie ou une perte de poids.
Des signes cliniques plus caractéristiques d’une insuffisance hépatique peuvent apparaître soudainement, avec des chevaux ictériques, présentant parfois des signes neurologiques associés à une encéphalopathie hépatique et/ou à une hypoglycémie. Des photosensibilisations cutanées, des diarrhées, des anomalies de la coagulation et des signes d’endotoxémie sont également parfois présents [9]. En raison de la grande capacité de réserve et de régénération du foie, les signes cliniques d’insuffisance surviennent seulement lorsque l’organe est atteint à 70 à 80 % [3]. Les plantes contenant des alcaloïdes pyrrolizidiniques, comme Senecio, sont considérées comme les toxiques les plus communément responsables d’insuffisance hépatique [4]. La photosensibilité est plus souvent observée lors de maladies hépatiques chroniques [4].
Les signes cliniques sont parfois très variés dans les cas d’intoxication, car de nombreuses hépatotoxines exercent aussi des effets toxiques sur d’autres organes, comme les reins, les poumons et l’intestin, ce qui rend le tableau clinique plus large [10]. L’intoxication au fer, par exemple, peut engendrer des signes d’affection hépatique avec un ictère et des manifestations neurologiques, mais également des symptômes digestifs, tels qu’une diarrhée et un méléna [18].
Dans tous les cas, un examen physique exhaustif est essentiel pour identifier l’ensemble des signes cliniques du cheval, incluant ceux qui ne sont pas dus directement aux toxines (affection cardiovasculaire, fourbure, etc.), afin de procurer des traitements symptomatiques et de support adéquats.
Les trois examens complémentaires principaux permettant de confirmer une lésion hépatique sont l’analyse biochimique du sérum, l’échographie transabdominale et la biopsie hépatique (1) [4]. Le dommage hépatique ne s’accompagne pas toujours d’une insuffisance hépatique, moins habituelle lors de troubles toxiques.
L’analyse biochimique du sérum renseigne sur de possibles souffrance et/ou insuffisance hépatique, mais est d’une moindre utilité pour déterminer la cause de la maladie [16].
→ Lors de dommage hépatique, il est possible de remarquer une élévation de l’activité des enzymes hépatobiliaires (glutamate déshydrogénase [GLDH], aspartate transaminase [AST](2), γ-glutamyl-transférase [γGT], phosphatase alcaline [PAL](2)). Ces paramètres sont spécialement utiles pour confirmer des dommages subcliniques, ou comme test de dépistage chez des individus apparemment sains mais présents sur le même pâturage que celui d’un cheval cliniquement malade.
→ Lors d’insuffisance hépatique, plusieurs paramètres peuvent être altérés : bilirubines (conjuguée, non conjuguée), acides biliaires, glucose, triglycérides, urée, ammoniac, albumine, facteurs et temps de coagulation.
L’échographie transabdominale permet d’évaluer la taille et l’architecture du foie, les vaisseaux sanguins et l’arbre biliaire, et de rechercher la présence éventuelle de masses ou de cholélithes. Le foie peut être visualisé des deux côtés de l’abdomen, très cranialement à gauche et à miabdomen, en regard de l’arc costal, du côté droit. Les lésions hépatiques de nature toxique sont le plus souvent diffuses, affectant assez uniformément le parenchyme, donc plus facilement détectables à l’échographie, par rapport à des lésions localisées. Néanmois, les anomalies échographiques sont rarement pathognomoniques d’une maladie hépatique spécifique. Afin d’approfondir le diagnostic, un site approprié pour la biopsie peut être choisi après un examen échographique complet.
Dans plusieurs études, la biopsie est considérée comme le gold standard pour le diagnostic de souffrance hépatique et se révèle également utile pour définir le pronostic [7, 8, 22].
La détermination des temps de coagulation (temps de prothrombine et de thromboplastine partielle activée) doit être effectuée avant la biopsie percutanée, car les défauts de coagulation sont fréquents chez les chevaux en insuffisance hépatique.
La lésion primaire lors d’une hépatopathie toxique peut être de nature cholestatique, nécrotique ou mixte [6]. Plus communément, les dommages hépatiques dus aux toxines sont subaigus ou chroniques [10]. Dans les cas d’intoxication, une dégénérescence hépatique caractérisée par une vacuolisation et un gonflement des hépatocytes est observée [3]. Certains toxiques entraînent des lésions non spécifiques, alors que, pour d’autres, elles sont caractéristiques. Par exemple, la mégalocytose, la fibrose périportale et l’hyperplasie biliaire sont très évocatrices d’une intoxication par les alcaloïdes pyrrolizidiniques [20].
La localisation des lésions hépatiques lors d’une intoxication est le plus souvent centro-lobulaire. Les lésions périportales sont rares, mais typiquement observées lors de certaines intoxications, notamment aux alcaloïdes pyrrolizidiniques [3].
Il n’est pas toujours évident de confirmer l’agent responsable d’une hépatopathie toxique, car les signes cliniques sont souvent non spécifiques et ne permettent pas d’en déduire l’origine. Le vétérinaire doit donc procéder à une investigation systématique du cheval et de son environnement à la recherche de substances hépatotoxiques potentielles, et réaliser les prélèvements adéquats afin d’identifier éventuellement l’agent toxique en cause (tableau 1).
Il n’existe pas de test complet et unique pour toutes les molécules toxiques possibles. Cependant, certaines analyses permettent un dépistage large sur des prélèvements appropriés dans les cas où l’exposition à un agent spécifique n’a pas été identifiée [18].
L’environnement entier du cheval doit être évalué pour déterminer les sources toxiques et le risque d’exposition, incluant la nourriture (pâture, fourrage, granulés, suppléments) et son stockage, l’eau (source, abreuvoir), la localisation des produits chimiques agricoles et les zones d’application récente de pesticides ou d’herbicides, les sites ou les bâtiments avec travaux de rénovation et application éventuelle de peintures ou de solvants [18].
Les prélèvements peuvent être réalisés in vivo et/ou post-mortem chez le cheval et sur des éléments environnementaux [20].
Les matières fécales, le sang total, le sérum ou le plasma, l’urine et les crins sont des prélèvements importants pour les tests toxicologiques. Les biopsies hépatiques peuvent également être utiles. Une fois obtenus, tous les prélèvements doivent être congelés, sauf le sang total, qui peut être réfrigéré. Le sérum et le plasma sont séparés du caillot dès que possible avant la congélation [20].
L’identification et le signalement du cheval sont essentiels pour faire suivre les résultats. Si l’animal est assuré, la compagnie d’assurances doit être contactée avant l’examen. Certaines assurances exigent des procédures spécifiques, des tests ou des collectes de prélèvements.
Si des morts inexpliquées surviennent, un examen post-mortem est effectué dans tous les cas suspects, incluant notamment une inspection complète de l’ensemble du contenu gastro-intestinal [20]. L’utilisation de photographies est très utile pour l’évaluation des lésions.
Une nécropsie complète est effectuée de façon systématique pour s’assurer que tout l’organisme est examiné [20]. Des prélèvements des principaux organes et les lésions macroscopiques sont gardés dans du formol (à 10 %) pour examen histopathologique. Concomitamment sont prélevés des échantillons pour des analyses toxicologiques, y compris chez des chevaux vivants malades ou suspects et dans l’environnement des animaux affectés (tableaux 2 et 3) [18].
Le praticien s’assure d’inclure également les commémoratifs et l’anamnèse, ainsi qu’une description des signes et des lésions avec les prélèvements pour aider le personnel du laboratoire à fournir les meilleurs conseils concernant la sélection des tests et l’interprétation des résultats [20].
Les aliments, l’eau, les végétaux environnants et d’autres matériaux suspects peuvent être prélevés. Les matériaux prélevés sont étiquetés en notant l’emplacement exact de la collecte, la date et l’anamnèse [20].
L’exploration de la pâture inclut la recherche et l’identification des zones et des végétaux (arbres, plantes) broutés par les chevaux et celles et ceux qui ne le sont pas. Il convient aussi de tenir compte des arbres qui surplombent le pâturage, des plantes qui poussent dans l’eau et de la matière végétale qui a été jetée ou empilée près des clôtures par des voisins [23]. Si des plantes semblent être responsables de l’intoxication, le vétérinaire doit les prélever dans leur intégralité. Les plantes peuvent être soumises fraîches ou séchées à un laboratoire de diagnostic ou à un expert (par exemple, un conseiller agricole). Les mauvaises herbes doivent être échantillonnées en indiquant leur prévalence relative [20].
Les aliments sont récoltés au niveau des cuves de mélanges ou des contenants de stockage, et, si possible, les étiquettes des sacs d’aliments sont récupérées. Lors de suspicion d’une contamination des aliments, les vendeurs du produit doivent être avertis et les aliments suspects écartés jusqu’à obtention des résultats des analyses [20]. Il est conseillé de prélever les aliments de manière systématique et de prendre plusieurs échantillons (une dizaine), même en profondeur, car certains contaminants (par exemple, mycotoxines) peuvent ne pas être uniformément distribués dans la nourriture [10, 20]. Les multiples échantillons d’aliments récoltés sont mis en commun s’ils sont de même nature et conservés séparément dans le cas contraire [20].
Les analyses toxicologiques d’un seul type de prélèvement ne sont pas suffisantes pour conclure sur l’origine de l’intoxication. Souvent, plusieurs types de prélèvement (prélèvement environnemental, tissu hépatique, sérum, etc.) sont nécessaires. En cas de doute, la meilleure option passe par le contact avec un laboratoire de diagnostic toxicologique pour obtenir des conseils sur la collecte des prélèvements les plus appropriés selon le cas [18].
Le plan thérapeutique est élaboré en fonction des circonstances et de la progression du cas individuel. Le plus souvent, aucun antidote n’est disponible. Le praticien doit donc adapter ses interventions aux besoins du cheval, qui nécessite souvent une attention immédiate ou urgente [6].
Comme dans tout cas d’urgence, l’évaluation initiale et la stabilisation de l’animal doivent porter sur les ABC de base (voies aériennes, respiration, saignement, système cardiovasculaire, circulation et niveau de conscience) [22]. En fonction des anomalies identifiées, des mesures thérapeutiques spécifiques sont mises en place en urgence (par exemple, assurer une voie aérienne, l’apport d’oxygène ou une fluidothérapie intraveineuse). Si la lésion initiale est aiguë et grave, une insuffisance hépatique fatale peut survenir [10]. Bien que le dommage hépatique dû aux toxines soit souvent subaigu ou chronique, les signes cliniques d’insuffisance hépatique peuvent apparaître soudainement [9]. Si des signes compatibles avec une dysfonction hépatique sont observés (léthargie, anorexie, ictère, troubles neurologiques centraux, photosensibilisation cutanée, diarrhée, coagulopathies), un traitement symptomatique et de support approprié doit être instauré. Il comprend la correction des déséquilibres électrolytiques, du métabolisme et du taux de glucose à l’aide d’une fluidothérapie et de l’adaptation du régime alimentaire.
Les antidotes spécifiques sont limités [10]. Si un antidote approprié est disponible et qu’il n’a pas encore été administré pour aider à la stabilisation du cheval, il doit l’être par la suite [6].
Le traitement de la toxicose ferrique est une thérapie de chélation spécifique à l’aide de déféroxamine (3). La production d’une urine brun rougeâtre avec une excrétion de quantités significatives de fer est attendue [5].
Dans les cas d’aflatoxicose, il est recommandé d’administrer de la L-méthionine (25 mg/kg de poids vif [PV] par voie orale [PO]) et de la vitamine E naturelle (6 000 à 10 000 UI/j/500 kg) [18]. La première servirait à lier les aflatoxines et à minimiser leurs effets, et la seconde à protéger les membranes cellulaires du dommage causé par les toxines. L’addition d’aluminosilicate hydraté de calcium et de sodium à la ration réduit les effets des aflatoxines dans d’autres espèces (porcs, bovins, volaille) et pourrait avoir une activité similaire chez le cheval [15]. Les bactéries productrices d’acide lactique (Lactobacillus plantarum G7) ont été utilisées avec succès pour réduire la quantité d’aflatoxines et la toxicité hépatique d’un aliment contaminé expérimentalement chez des poulets d’élevage [12].
La mise en place d’un traitement éliminatoire après l’ingestion d’un agent toxique inclut toute une série de procédures pour annuler et minimiser les effets du toxique dans l’organisme. Dans les cas où l’antidote n’est pas disponible pour le toxique impliqué, une stabilisation adéquate du cheval et un traitement éliminatoire précoce et approprié aboutissent souvent à la récupération [18]. Ce dernier est essentiel en particulier dans les cas d’intoxication aiguë, où il doit être instauré sans tarder [20]. En revanche, lors d’intoxications chroniques (par exemple, toxicité de l’alcaloïde de pyrrolizidine), dans lesquelles l’agent toxique a été ingéré pendant des semaines ou des mois avant que des signes de toxicose soient évidents, cette mesure est moins urgente [10]. Des précautions sont nécessaires lors de la mise en place des traitements éliminatoires pour prévenir l’auto-exposition ou l’exposition d’autres personnes ou d’autres animaux au toxique :
– évacuation du matériel de l’estomac à l’aide d’un lavage gastrique intensif et précoce ;
– adsorption du toxique présent dans le tube digestif par l’administration de charbon actif (1 à 2 g/kg PV/5 ml eau, soit, par exemple, pour 500 kg, 500 g de charbon actif dans 2,5 l d’eau) via le tube nasogastrique dès que possible après l’ingestion ;
– accélération de l’élimination du contenu du tube digestif par l’administration de cathartiques (par exemple, sulfate de sodium ou de magnésium, 250 à 500 mg/kg PV ; sorbitol 70 %, 3 ml/kg PV) ou de laxatifs (par exemple, huile de paraffine, de 2 à 4 l/500 kg PV). Les cathartiques accélèrent la défécation, alors que les laxatifs la facilitent, généralement en adoucissant les excréments [2]. Les cathartiques peuvent être administrés mélangés à la suspension de charbon actif, mais doivent être évités en présence de diarrhée profuse, car ils sont susceptibles de contribuer au déséquilibre électrolytique et à la déshydratation [2, 18]. L’huile minérale ne devrait pas être administrée en même temps que le charbon actif car elle pourrait diminuer sa capacité d’adsorption de toxines [18].
L’évolution clinique du cheval en réponse au traitement doit être surveillée et le traitement ajusté si nécessaire.
Retirer les animaux de la source de toxines est essentiel pour diminuer l’exposition supplémentaire, bien que, dans les cas d’intoxication chronique, l’impact immédiat de cette mesure sur la reprise du cheval soit moindre [18]. La lumière du soleil est à éviter si une photosensibilisation est présente. La source susceptible de contenir un agent toxique doit être éliminée de façon adéquate.
Si des plantes toxiques ont été identifiées dans la pâture, le propriétaire doit apprendre à les reconnaître et en prévenir l’ingestion par le cheval à l’aide de différentes mesures : clôturer la zone à risque, désherber et retirer les déchets avant de laisser accéder les chevaux, assurer une source alternative de fourrage en quantité suffisante, diminuer la densité d’animaux dans la pâture, etc. [6].
Le pronostic est réservé et dépend du toxique en cause [10]. Dans certains cas, les signes cliniques régressent en supprimant l’exposition au toxique, dans d’autres, l’évolution de la maladie est trop avancée au moment de l’apparition des symptômes pour être réversible (par exemple, toxicité aux alcaloïdes pyrroliziniques).
Certains paramètres biochimiques ont montré une utilité pronostique dans les cas d’insuffisance hépatique (par exemple, sels biliaires et GLDH). Les résultats de l’examen histologique d’une biopsie du foie peuvent aussi orienter le pronostic. Un degré important de fibrose (tissu cicatriciel fibreux) a été associé à un mauvais pronostic [8]. Un suivi histopathologique peut être utile pour surveiller l’évolution du dommage toxique.
Les suspicions d’intoxication peuvent se révéler des cas très complexes, spécialement si l’affaire est source de litige. Le praticien, le propriétaire, le toxicologue et le pathologiste contribuent à établir l’origine de l’affection, avec des informations complémentaires parfois importantes. Les sources toxiques pour l’espèce équine sont diverses, mais induisent rarement une insuffisance hépatique. Le type de lésion hépatique dépend de la dose, de la durée d’exposition et de la nature du toxique. Un examen clinique complet du cheval et de son environnement, ainsi que la réalisation de prélèvements adéquats sont très importants pour établir un diagnostic et administrer un traitement optimal aux chevaux affectés. L’examen histologique du foie est essentiel pour confirmer l’origine toxique de la maladie et très utile pour poser un pronostic fondé sur la présence ou l’absence de fibrose.
(1) Voir l’article “Approche clinique lors d’affections hépatiques chez le cheval” de P. Moreau, dans ce numéro.
(2) Enzymes non spécifiques du foie.
(3) Médicament à usage humain, efficacité non validée chez le cheval, dose extrapolée de 15 mg/kg de poids vif/h par perfusion intraveineuse continue.
(1) Cette molécule n’a pas encore été nommée.
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN
Récemment ont été constatés des cas de maladies hépatiques subcliniques avec une augmentation des enzymes hépatiques (glutamate déshydrogénase [GLDH], γ-glutamyltransférase [γGT]). Après de nombreuses investigations infectieuses et alimentaires, la présence de fétuque rouge a été identifiée en quantité diffuse dans les pâtures et les parcelles servant à faire le foin (photo 1). Les fétuques sont connues pour héberger des champignons endophytes. Les fétuques comme les endophytes peuvent produire des toxines. L’analyse de foin et d’herbe fraîche a permis d’identifier une molécule pouvant correspondre à une formule d’alcaloïde (1) : celle-ci est systématiquement retrouvée dans le sérum des chevaux dont les enzymes hépatiques sont augmentées, et dans l’herbe et le foin contaminés par la fétuque rouge. Des essais ont montré une élévation rapide des GLDH et une apparition de cette molécule dans le sang lors de l’ingestion d’un aliment contaminé, et, inversement, une baisse rapide des GLDH et une disparition de cette molécule dans le sang lors du retrait de l’aliment contaminé. Des biopsies hépatiques ont mis en évidence la présence de lésions minimes réversibles (dégénérescence mineure des hépatocytes et inflammation péribiliaire minime). Plusieurs essais de traitement des pâtures ont été mis en oeuvre sans succès (pâtures de bovins et de moutons, épandage de bouillie bordelaise). Seul un traitement mécanique (disque et enfouissement) suivi d’un réensemencement avec des graines sélectionnées a permis le contrôle [17 et données personnelles].
→ La souffrance hépatique engendrée par les toxiques évolue rarement en une insuffisance hépatique, ce qui rend plus difficile la détection précoce du trouble.
→ Une investigation systématique du cheval et de son environnement est nécessaire pour confirmer l’agent responsable d’une hépatopathie toxique, les signes cliniques étant souvent non spécifiques.
→ Dans les cas où l’antidote n’est pas disponible pour le toxique impliqué, une stabilisation adéquate du cheval et un traitement éliminatoire précoce et approprié aboutissent souvent à la récupération.
→ L’examen histologique du foie est essentiel pour confirmer l’étiologie toxique et très utile pour donner un pronostic fondé sur la présence ou l’absence de fibrose.
→ Chez le cheval :
- plusieurs chevaux affectés sur une courte période de temps sans évidence de maladie infectieuse ;
-→ tableau clinique inhabituel, mort inexpliquée ;
-→ événement à la suite d’une administration de médicaments.
→ Sur l’environnement :
- nouveautés ou changements : alimentation (nourriture, eau), travaux en cours (construction, activités agricoles) ;
- alimentation et/ou pâturage déficitaires ou inadéquats ;
- conditions météorologiques inhabituelles.
→ Autres : menace potentielle d’un empoisonnement malveillant.