IMAGERIE MÉDICALE
Cahier scientifique
Article de synthèse
Auteur(s) : Aurélie Thomas-Cancian*, Emilie Ségard-Weisse**, Michael Schramme***
Fonctions :
*Service d’imagerie
**Service d’imagerie
***Département hippique
Université de Lyon, VetAgro Sup,
Campus vétérinaire,
1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile
L’intérêt diagnostique de l’IRM, permettant de caractériser précisément les lésions tendineuses et les éventuelles atteintes associées, est avéré. De plus, elle fournit des éléments déterminants pour le pronostic.
Le tendon fléchisseur profond du doigt (TFPD) est la structure tissulaire la plus fréquemment lésée dans le pied, avec une incidence variant de 30 à 64 % selon les publications [2, 6, 8, 15]. Les lésions du TFPD peuvent être observées comme unique entité pathologique, ou être associées à des lésions de l’appareil podotrochléaire ou à d’autres atteintes des tissus mous du pied [2, 5, 15]. Les chevaux de saut d’obstacles sont plus à risque [6, 13, 15]. Le diagnostic des tendinopathies du TFPD peut être établi par examen échographique, bien que ce dernier soit fortement limité par la boîte cornée et la conformation du pied. Les techniques d’imagerie en coupe, et en particulier l’imagerie par résonance magnétique (IRM) présentant la meilleure résolution en contraste tissulaire, ont augmenté sensiblement la détection des tendinopathies du TFPD dans cette région. Il est également possible de mieux caractériser les différents types de lésion et leur extension, ces aspects ayant une influence déterminante sur le pronostic associé à cette affection.
Dans de rares cas, l’examen échographique peut permettre de diagnostiquer avec certitude des lésions du TFPD dans le pied, mais elle peut se révéler insuffisante en raison de la conformation du pied et de la fourchette (encadré 1 et figure) [14].
L’IRM est par conséquent particulièrement indiquée pour l’examen du TFPD dans le pied. En effet, cette technique d’imagerie sectionnelle permet de réaliser des coupes du tendon dans les trois plans de l’espace, et dans les différentes régions du pied, et de s’affranchir des superpositions avec la boîte cornée.
De plus, l’IRM permet de déterminer le caractère “actif” et la sévérité d’une lésion selon le type de pondération sur lequel elle est observée, ce qui influence le pronostic [15]. En effet, le TFPD peut être le siège de petites lésions dégénératives ou cicatricielles, dont certaines n’ont pas forcément d’expression clinique [5].
L’IRM permet également de déterminer précisément la morphologie et l’étendue de la lésion, et d’identifier les lésions associées à des structures de l’appareil podotrochléaire, des éléments qui ont également un impact déterminant dans le pronostic.
Les lésions sont classées selon leur localisation, leur morphologie et leur activité, avec une influence sur la sévérité et le pronostic. Généralement, elles affectent principalement un lobe tendineux et leur extension proximo-distale est variable depuis la partie distale de la phalange proximale jusqu’à l’insertion du tendon sur la phalange distale [4, 5]. La morphologie et l’extension proximo-distale de la lésion tendineuse sont étudiées sur les séquences pondérées en T1 ou en densité de proton qui présentent la meilleure résolution spatiale. L’activité de la lésion nécessite la corrélation des séquences pondérées en T1 avec les séquences sensibles au liquide (T2 FSE et STIR).
→ La fréquence et les types morphologiques des lésions du TFPD varient en fonction des régions (encadré 2 et photos 1a à 1d). Les régions sésamoïdienne et suprasésamoïdienne sont les plus fréquemment atteintes [3, 5, 16]. Les tendinopathies infrasésamoïdiennes sont plus rares [15].
Il est parfois possible d’observer une extension proximale à la région du paturon, même si la lésion semble s’interrompre dans la partie proximale de la région suprasésamoïdienne. L’examen du paturon doit donc être effectué systématiquement en cas de détection de lésions tendineuses dans le pied à l’IRM.
Trois types de morphologie lésionnelle peuvent être observés, bien que souvent une combinaison de ceux-ci soit présente :
- les lésions du bord dorsal ;
- les lésions centrales (core lesions) ;
- les fissures parasagittales (photos 2a à 2c).
Les lésions du bord dorsal sont des érosions ou des fibrillations. Elles provoquent une irrégularité focale du bord dorsal du tendon. Parfois, un tissu cicatriciel formant un granulome s’étend depuis la lésion dorsale dans la bourse naviculaire, en région infra- ou suprasésamoïdienne [17]. Ces granulomes se matérialisent par la présence d’un tissu d’intensité intermédiaire en pondération T1, et hypo-intense dans les séquences sensibles au liquide (STIR et T2 FSE), faisant protrusion depuis le bord dorsal du tendon. Les tendinopathies dorsales sont plus fréquemment retrouvées en régions sésamoïdienne et suprasésamoïdienne.
Les lésions centrales sont des lésions fusiformes qui affectent le cœur d’un lobe tendineux, avec une extension proximo-distale variable. Elles prédominent en région suprasésamoïdienne et à hauteur de la phalange proximale [5]. Elles s’ouvrent parfois focalement dans le bord dorsal du tendon, et s’accompagnent généralement d’un épaississement du lobe tendineux affecté [4, 5].
Les fissures parasagittales sont des lésions linéaires traversant un lobe tendineux depuis son bord dorsal jusqu’à son bord palmaire, et peuvent présenter un certain degré d’obliquité [15]. Elles sont plus fréquemment observées en région suprasésamoïdienne et sésamoïdienne [4, 15].
En région infrasésamoïdienne, les lésions sont plus souvent des petites lésions centrales ou des fissures parasagittales [15].
→ Enfin une lésion tendineuse est caractérisée selon le type de pondération sur laquelle il est possible de l’observer (photos 3a et 3b). Le tendon normal doit apparaître nettement et de façon uniforme hypo-intense. Les lésions tendineuses provoquent une augmentation d’intensité au sein du tendon, dont la sévérité est corrélée à la gravité de la lésion et à son caractère aigu ou chronique [15]. De façon générale, une lésion active et/ou nécrotique est visible en pondération T1, et sur les séquences T2 FSE et STIR, et apparaît nettement hyperintense, tandis qu’une lésion dégénérative et/ou inactive n’est visible qu’en pondération T1 uniquement, avec un signal plus intermédiaire [5, 15]. Le raccourci est souvent fait qu’une lésion visible en T2 FSE et STIR est aiguë et qu’une lésion visible en T1 uniquement est chronique. Néanmoins une lésion chronique peut être nécrotique et est alors hyperintense en T2 FSE et STIR. Cette distinction ne peut donc pas se fonder uniquement sur le signal de la lésion.
D’autres lésions peuvent accompagner les tendinopathies du TFPD, touchant principalement l’appareil podotrochléaire.
Une bursite naviculaire est fréquemment observée, en particulier lors de tendinopathie dorsale (photos 4a et 4b) [5]. Elle se matérialise par une augmentation de la quantité de liquide dans les récessus proximaux de cette structure et par une hyperplasie de la membrane synoviale et un épaississement des ligaments sésamoïdiens collatéraux. Des minéralisations dystrophiques peuvent également être présentes dans les cas chroniques.
Des adhérences impliquant le bord dorsal du TFPD sont parfois mises en évidence dans la bourse naviculaire en région supra- ou infrasésamoïdienne, lors de tendinopathie impliquant le bord dorsal du tendon [5, 15]. Elles sont détectées sur les séquences sensibles au liquide, et se caractérisent par la présence d’un tissu hypo-intense mal défini, observé entre le bord dorsal du TFPD et les ligaments sésamoïdiens collatéraux (région suprasésamoïdienne) ou le ligament sésamoïdien distal impair (région infrasésamoïdienne), interrompant focalement ou sur une largeur importante, le signal liquidien de la bourse naviculaire [10]. Ces adhérences peuvent s’accompagner d’un épaississement des ligaments sésamoïdiens collatéraux ou du ligament sésamoïdien distal impair [15].
Des lésions de maladie naviculaire dégénérative peuvent être observées sur l’os sésamoïde distal, incluant les remaniements et les fragmentations du bord distal, les résorptions ou pseudo-kystes du cortex palmaire, et les lésions de type “œdème médullaire” du tissu spongieux, se caractérisant par un signal hyperintense en STIR, et hypo-intense en pondération T1.
En particulier les lésions pseudo-kystiques et les résorptions du cortex palmaire de l’os naviculaire sont associées aux tendinopathies dorsales, par contact direct puis adhérence du bord dorsal du tendon avec les zones de résorption osseuses corticales palmaires (photos 5a à 5c) [5].
Les fragments du bord distal volumineux et/ou déplacés distalement sont parfois observés en association avec une tendinopathie infrasésamoïdienne du lobe ipsilatéral en regard.
Parfois une lésion de type “œdème médullaire” de l’os naviculaire peut être observée transitoirement au sein du tissu spongieux de cet os lors de tendinopathie du TFPD, sans aucune autre anomalie osseuse évoquant une maladie naviculaire dégénérative [5, 10].
Des lésions d’enthésopathie distale du TPFD peuvent être observées sur la facies flexoria de la phalange distale (photo 6a et 6b). Elles sont généralement associées à des tendinopathies infrasésamoïdiennes. Il peut s’agir d’irrégularités osseuses liées à des zones de résorption osseuse et à la présence d’enthésophytes [15]. Il est également possible d’observer une anomalie du signal osseux plus ou moins extensive au sein de la phalange distale en regard de la zone d’enthèse, avec de la sclérose et/ou des lésions de type “œdème médullaire”.
Lors de tendinopathie du TPFD dans le pied, le pronostic est souvent réservé à mauvais pour un retour au même niveau athlétique, et varie selon les publications [2, 16]. Une étude rapporte un pourcentage globalement faible, de 25 %, pour un retour à l’activité antérieure, et variant de 40 à 70 % pour un retour à un certain degré d’activité [3]. Dans une autre étude, le pronostic pour un retour à l’activité et au niveau antérieur est plus élevé, atteignant 51 %, avec une moyenne de 18 mois pour la durée de reprise de l’activité [11]. Dans cette même étude, 61 % des chevaux sont retournés à l’activité antérieure (indépendamment du niveau) [11].
→ La localisation de la lésion influe sur le pronostic. D’une façon générale, le pronostic est moins bon pour des lésions dans les régions infra- et suprasésamoïdienne, et péjoré par une atteinte multisite [18]. D’autres auteurs pensent que les lésions infra-sésamoïdiennes ont une meilleure chance pour une résolution complète que les lésions suprasésamoïdiennes [7, 16].
→ Le type de lésion influence également le pronostic [3, 16]. Les fissures parasagittales et les lésions centrales ont un moins bon pronostic pour un retour à un certain degré d’activité, respectivement de 50 % et de 41 % dans une étude [3]. Les tendinopathies dorsales sont de meilleur pronostic, avec un retour à un certain degré d’activité de 73 % dans la même publication [3]. En complément de cette observation, une étude a confirmé que les lésions du bord dorsal montrent une meilleure résolution lors des examens de suivi à 3 et 6 mois que les autres types de lésions [18]. Les irrégularités mineures du bord dorsal et les fissures parasagittales isolées et peu étendues sont de signification clinique incertaine et peuvent être observées en l’absence d’une expression clinique [4, 5].
→ L’extension de la lésion est également déterminante. Dans une publication, aucun cheval avec une lésion de plus de 30 mm de long et une aire de section de plus de 10 % du tendon n’est retourné à l’activité antérieure [18]. Une longueur de lésion de plus de 35 mm et une aire de section de plus de 20 % étaient corrélées à un mauvais pronostic dans cette étude.
→ Enfin le type de séquence sur lequel la lésion est visible peut donner une indication sur le devenir du cheval. D’une façon générale, la disparition de la lésion sur les séquences STIR lors des examens de suivi est associée à une diminution de la boiterie [8]. Les chevaux ayant une résolution de leur lésion sur les séquences STIR et T2 FSE ont un pronostic plus favorable [18]. Les chevaux revenus à leur niveau antérieur ont généralement une résolution complète de la lésion sur les séquences STIR [18]. Les lésions persistent fréquemment en pondération T1 malgré la résolution de la boiterie. Une lésion visible uniquement en pondération T1 n’est pas forcément significative cliniquement et peut représenter un stade cicatriciel de lésion tendineuse.
→ Toute affection concurrente de l’os naviculaire péjore nettement le pronostic, en particulier les lésions pseudo-kystiques du cortex palmaire [2, 3, 5, 8, 18]. Dans une étude, 95 % des chevaux avec une tendinopathie du TFPD associée à des lésions de l’os naviculaire sont restés boiteux après 6 mois de repos/réhabilitation [8].
L’IRM est de plus en plus accessible, avec une augmentation du nombre de centres proposant cet examen, mais son coût élevé reste encore un facteur limitant fortement son utilisation.
L’acquisition des images est assez longue, et présente une grande sensibilité au mouvement, en particulier l’IRM bas champ chez l’animal debout. Cet examen possède l’avantage de s’effectuer sans anesthésie générale, avec une simple sédation, mais l’obtention d’images de qualité diagnostique peut être difficile, et dépend notamment du caractère du cheval et de la qualité de la sédation. L’IRM haut champ permet d’obtenir des images de plus haute résolution, avec des coupes plus fines, et le temps d’acquisition est moins long. Néanmoins, cette technique, non disponible en France, ne peut s’effectuer que sous anesthésie générale, plus risquée et plus invasive pour le cheval qu’une simple sédation.
Enfin l’IRM est un examen dont l’interprétation peut être complexe, avec un grand nombre d’images à analyser dans différents plans de coupe et de multiples pondérations. De plus, de nombreux artéfacts peuvent créer une image hyperintense dans le TFPD sans qu’une lésion soit réellement présente. En particulier, dans la région du pied, le TFPD est une structure particulièrement touchée par l’artéfact d’angle magique, lié à l’orientation des fibres de collagène par rapport au champ magnétique principal (photo 7). Cet artéfact peut rendre le tendon non lésé hyperintense. Il est fréquemment observé sur le lobe latéral du TFPD en région suprasésamoïdienne en IRM bas champ, et affecte toute la région infrasésamoïdienne en IRM haut champ.
L’IRM est la technique d’imagerie de choix dans le diagnostic des tendinopathies du TFPD dans le pied. Outre une nette augmentation de la capacité de détection de ces lésions, l’IRM permet de caractériser plus précisément l’atteinte tendineuse et les lésions potentiellement associées, ayant une influence déterminante sur le choix du traitement et le pronostic du cheval.
Dans le pied, le tendon fléchisseur profond du doigt (TFPD) est composé de deux lobes symétriques moulés contre le cortex palmaire de l’os naviculaire et son fibrocartilage, coulissant sur la bourse naviculaire, avant de s’affiner et de former un large éventail s’insérant sur le bord palmaire (facies flexoria) et les processus palmaires de la phalange distale [2, 15]. Le récessus proximal de la bourse naviculaire sépare le TFPD des ligaments sésamoïdiens collatéraux. Le récessus distal de la bourse naviculaire sépare le TFPD du ligament sésamoïdien distal impair.
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN
→ L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est la technique d’imagerie de choix dans le diagnostic des tendinopathies du tendon fléchisseur profond du doigt.
→ L’IRM permet d’évaluer le degré d’activité d’une lésion tendineuse, en fonction de son signal.
→ L’IRM donne des informations déterminantes pour le pronostic du cheval et le choix du traitement.
Il est possible de distinguer trois régions du tendon fléchisseur profond du doigt (TFPD) dans le pied :
- la partie suprasésamoïdienne, qui débute à hauteur de la partie distale de la phalange proximale (partie distale de la gaine digitale) et s’étend distalement jusqu’au bord proximal de l’os naviculaire ;
- la partie sésamoïdienne, définie comme la portion se situant entre les bords proximal et distal de l’os naviculaire ;
- la partie infrasésamoïdienne, qui débute proximalement à hauteur du bord distal de l’os naviculaire et s’étend jusqu’à l’insertion distale du TFPD sur le cortex palmaire de la phalange distale.