SÉMIOLOGIE
Cahier pratique
Fiche technique
Auteur(s) : Roland Perrin
Fonctions : 18, rue des Champs, La Brosse
78470 Saint-Lambert-des-Bois
Les plaies sont fréquentes chez le cheval. Elles peuvent guérir rapidement ou au contraire mettre plusieurs mois à cicatriser. Les complications sont courantes, telles que des chéloïdes, des espaces morts et de la suppuration. Avant tout traitement d’une plaie, le vétérinaire réalise un examen clinique de celle-ci. Cet article décrit une approche sémiologique originale des plaies par la couleur. Cette approche permet d’évaluer le stade de cicatrisation et d’envisager des traitements adaptés.
Une plaie est une solution de continuité de la peau ou de la muqueuse. Elle peut être simple si elle intéresse uniquement la peau ou la muqueuse, composée si d’autres tissus sont atteints (os, tendons, muscles, etc.), pénétrante si elle communique avec une cavité comme une articulation, l’abdomen ou le thorax, ou compliquée si elle est surinfectée ou souillée par un toxique.
Il est possible de différencier deux types de cicatrisation :
- la cicatrisation de première intention, qui concerne les plaies dont les berges sont proches ou peuvent être rapprochées à l’aide d’une suture. La cicatrisation est alors rapide et de bonne qualité ;
- la cicatrisation par seconde intention, qui concerne les plaies dont les bords sont éloignés. Elle est souvent associée à une perte de substance. Elle est plus lente et est favorisée par la mise en place de pansements adaptés. Dans des cas extrêmes, une greffe de peau est parfois nécessaire.
La guérison d’une plaie évolue en quatre phases successives : une phase inflammatoire et une phase de débridement (phénomènes cataboliques), une phase de réparation et une phase de remodelage ou maturation (phénomènes anaboliques). Chaque phase est distincte des autres en théorie, alors qu’elles peuvent se chevaucher dans la pratique.
→ La phase inflammatoire est plus ou moins longue selon l’importance du traumatisme. Elle est caractérisée par une réponse vasculaire et cellulaire à l’agression de la peau, son objectif étant de limiter les hémorragies et l’envahissement de la plaie par des éléments étrangers. Cette phase peut durer un temps variable en fonction de la présence plus ou moins importante d’éléments étrangers, ou selon la nature de la plaie.
→ Durant la phase de débridement, les neutrophiles et les monocytes migrent dans la plaie et entreprennent un processus de nettoyage, en particulier les premiers des éléments étrangers, et les seconds des tissus dévitalisés. La durée de cette phase dépend du degré de contamination et de la quantité des tissus morts. Elle est accélérée par l’acte chirurgical de parage et par le drainage.
→ La phase de réparation consiste en un processus d’épithélialisation à la surface de la plaie, une migration de fibroblastes, qui vont produire du collagène, la formation d’un tissu de granulation et la contraction de la plaie. Elle évolue correctement si l’inflammation est modérée et que le débridement est terminé.
→ La phase de maturation est caractérisée par une réduction du nombre de fibroblastes et l’atteinte d’un équilibre entre la production de collagène et sa lyse. Les fibres de collagène orientées dans le sens fonctionnel sont conservées et les autres détruites. La solidité de la cicatrice augmente.
Lors de l’examen clinique d’une plaie, plusieurs caractéristiques sont évaluées, telles que sa nature, sa localisation anatomique, sa surface (largeur et longueur), sa profondeur, son odeur, la quantité d’exsudat, la douleur à la palpation et la présence de signes d’infection. De plus, il est possible d’analyser le lit de la plaie à l’aide d’une échelle “colorielle”.
La classification noir, jaune, rouge, conçue en 1983 par la Wound Care Consultant Society, est considérée au niveau international comme la classification la plus simple à utiliser [2]. D’autres auteurs ont proposé une classification en quatre couleurs, en y ajoutant le rose pour l’épithélialisation, ou en cinq couleurs, le vert étant utilisé pour les plaies infectées. Le langage des couleurs a l’avantage d’être clinique, universel et facilement intégrable au dossier médical sous forme de schémas. Il permet de suivre l’évolution d’une plaie, et de prendre des décisions thérapeutiques adaptées. En effet, il n’existe aucun traitement qui accélère la cicatrisation d’une plaie, en revanche l’application d’un traitement non adapté ralentit l’évolution normale de la cicatrisation. L’objectif du traitement est d’utiliser au mieux possible les capacités naturelles de l’organisme sans les entraver. La sémiologie est une étape fondamentale qui permet de prendre les bonnes décisions au bon moment. Dans ce cadre-là, l’évaluation de la plaie par la couleur est facile à mettre en œuvre, efficace, compréhensible par tous les soignants et peut aussi être appliquée sur la photographie d’une plaie, donc à distance.
Un rectangle de taille invariable qui schématise la surface de la plaie est utilisé. Après le nettoyage de la plaie, le pourcentage de tissus correspondant à chaque couleur est estimé et noté sur le rectangle avec des crayons de couleur.
→ Le noir représente la nécrose, qui peut être brune, noire, sèche ou humide (photo 1). Ce type de tissu favorise l’infection et retarde la cicatrisation. La solution thérapeutique repose sur le débridement ou la détersion de la plaie, afin de faire disparaître ce tissu et de favoriser la cicatrisation.
→ Le jaune signifie la présence de fibrine, qui peut être jaune ou verdâtre (photo 2). C’est un tissu adhérent, en général humide, qui doit être éliminé au même titre que la nécrose. La fibrine est parfois colonisée par des bactéries sans pour autant être une surinfection de la plaie. Si ce tissu est éliminé, les bactéries disparaissent également.
→ Le rouge représente la granulation (photo 3).
→ Le rose correspond à l’épithélialisation (photo 4). C’est donc un signe de bonne évolution de la plaie.
→ Le vert représente l’infection (photo 5). Ce caractère n’est pas toujours aisé à apprécier, donc cette couleur est utilisée rarement.
À chaque couleur de la plaie doit correspondre une attitude thérapeutique précise (tableau).
Le suivi des couleurs permet d’apprécier l’évolution clinique de la plaie, il suffit de regarder le pourcentage des couleurs les unes par rapport aux autres (figure 1).
L’appréciation d’une plaie utilisant l’échelle “colorielle” n’est qu’une partie de l’examen complet d’une telle affection, néanmoins elle représente un élément sémiologique très utile. Le langage des couleurs étant universel, ce système est simple à mettre en œuvre, permet de suivre l’évolution de la plaie et ses tendances (figure 2). Il s’agit d’un acte rapide, qui peut aussi être réalisé par le propriétaire du cheval pour un suivi plus rapproché. La représentation en pourcentage des différentes couleurs est plus juste, même si elle est subjective, que la représentation par dominante de couleurs. Ce type d’évaluation a l’avantage d’indiquer rapidement une démarche thérapeutique reposant sur une intervention chirurgicale ou l’application de pansements. Il permet également de faire prendre conscience au propriétaire du fait que la cicatrisation d’une plaie est évolutive et que les traitements sont à adapter continuellement. Cette évaluation peut être réalisée sur une photographie envoyée par un smartphone et des algorithmes pourraient être envisagés sur ce principe pour l’évaluation des plaies du cheval comme cela est fait en médecine humaine [1, 3].
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN