FICHE NUTRITION
CAHIER PRATIQUE
Fiche nutrition
Auteur(s) : Cyrille David*,Caroline Desmaizières**
Fonctions :
** Sartilly IndustriesZA des Mesnils50520 Juvigny-le-Tertre
**** Centre hospitalier La Clinique du cheval3910, route de Launac31330 Grenade-sur-Garonne
***Conflit d’intérêts : Cyrille David est vétérinaire, responsable technique et en recherche et développement chez Sartilly Industries qui commercialise des aliments et compléments alimentaires pour chevaux sous la marque Reverdy.
****Cette rubrique est réalisée en partenariat avec l'Association vétérinaire équine française
Si le floconné est plus digeste en raison de son procédé de fabrication, ce qui n’est pas toujours souhaitable, le granulé n’est qu’une présentation. Quoi qu’il en soit, les caractéristiques nutritionnelles d’un aliment dépendent avant tout des ingrédients qui le composent.
Un vaste débat anime la communauté équestre concernant le choix entre les différentes présentations de concentrés (photo 1). Le floconnage, c’est le principe de la cuisson des céréales du petit déjeuner appliqué au cheval. Certes, cela rassure le propriétaire qui pense voir exactement ce qu’il donne à son cheval. Néanmoins, un aliment floconné contient le plus souvent des granulés dissimulés au milieu des flocons dont le rôle premier est justement d’être plus attrayants. Cet anthropomorphisme est-il un critère suffisant pour les recommander ? Les granulés ont mauvaise presse, car ils sont considérés comme “bas de gamme” et réputés favoriser les engouements (bouchons œsophagiens). Alors, que conseiller ? Au-delà de l’aspect visuel, quelles sont réellement les différences nutritionnelles ?
Le floconnage est un procédé thermomécanique (aplatissage et cuisson) réalisé sous atmosphère humide. Ce traitement technologique modifie la matière première, permet l’hydratation et la gélatinisation de l’amidon, ce qui augmente sa digestibilité, donc son index glycémique. Un aliment floconné contient ainsi une partie plus ou moins importante de céréales transformées dont l’amidon est plus digeste. D’autres graines peuvent être floconnées, comme le pois (qui contient une part importante d’amidon), le soja ou le lin (sources de protéines et de matières grasses).
La granulation est un procédé de compaction de matières premières sous l’action de la chaleur et de l’humidité. Les matières premières sont broyées, mélangées puis réchauffées avec de la vapeur. Ce traitement technologique permet d’obtenir des granulés denses et de forme cylindrique le plus souvent. Il n’affecte que peu la digestibilité de l’amidon (de l’ordre de 5 à 10 % selon les études), donc n’augmente pas l’index glycémique de manière significative.
La compaction assure une bonne conservation et, associée au broyage, un mélange de qualité et une très bonne homogénéité. Le granulé prévient tout risque de “démélange” entre les ingrédients durant les phases de manutention et de transport des aliments jusque dans la mangeoire des chevaux. Ainsi, il empêche également le tri de certains ingrédients par les animaux lors des repas.
Dans son mode de vie naturel, le cheval ingère de petites quantités de fourrages tout au long de la journée et ne connaît donc pas de réponse glycémique importante. Une réponse glycémique plus faible est supposée entraîner une demande en insuline plus faible, d’où une meilleure régulation de la glycémie à long terme. Ainsi, les risques d’avoir des perturbations de la glycémie et de l’insulinémie sont limités. Lorsqu’un aliment avec un index glycémique élevé (floconné ou granulé contenant des glucides digestes tels que mélasse, céréales transformées) est distribué en quantité non négligeable (notion de charge glycémique), cela va augmenter la glycémie et, par conséquent, la production d’insuline (encadré) [1].
“Floconné” est donc synonyme de “digestibilité”, ce qui n’est pas toujours souhaitable. Les flocons de céréales doivent alors être utilisés avec modération et présentent des intérêts bien spécifiques. Le recours à ces aliments se justifie pour, par exemple :
• les animaux seniors chez lesquels la sécrétion enzymatique d’amylase peut être insuffisante ;
• les chevaux travaillant de manière intensive et pour lesquels la ration concentrée quotidienne peut être importante (jusqu’à 1 ou 1,2 kg pour 100 kg de poids vif par jour) ;
• les chevaux amaigris afin d’améliorer leur état corporel (si aucune maladie n’a été mise en évidence).
Il est possible d’assurer des apports énergétiques équivalents avec un aliment granulé contenant une fraction de céréales naturellement très digestes (l’avoine par exemple) et/ou transformées (comme les céréales extrudées).
Les aliments floconnés présentent l’avantage d’avoir une densité énergétique plus faible (d = 0,4 à 0,5) que celle des granulés (0,6 à 0,7). Ainsi, pour des apports énergétiques identiques, la ration sera plus volumineuse avec l’aliment floconné, donc ingérée relativement plus lentement qu’avec un aliment granulé. Au contraire, un cheval ayant des besoins énergétiques faibles nourri avec des granulés peut recevoir des rations de faible volume. Dans ce cas, l’association de fibres de graminées coupées (foin, paille) aux granulés permettra de diminuer la densité énergétique de la ration, donc d’en ralentir l’ingestion.
Qu’il soit floconné ou granulé, il convient de toujours évaluer la composition de l’aliment en consacrant cinq minutes à la lecture de son étiquette. L’étude des ingrédients est riche d’enseignement et informe mieux sur la qualité nutritionnelle d’un aliment. L’ajout de facteurs d’appétence est fréquent (arômes, mélasse) et généralement plus influant que la présentation de l’aliment. La mélasse, riche en sucres simples (donc index glycémique très élevé), est aussi susceptible de masquer l’odeur et le goût repoussant de certaines matières premières qui pourraient ne pas être de première qualité, voire contaminées. L’aliment impropre à la consommation pourrait alors être ingéré par les chevaux et entraîner des troubles de santé, sans que cela soit perceptible, ni par eux ni par les propriétaires.
Les granulés sont réputés favoriser les engouements. Cette idée reçue est plus ou moins fondée car cela dépend, encore une fois, de leur composition [2]. Tainturier et ses collaborateurs suggèrent de limiter les ingrédients ayant des propriétés hygroscopiques importantes, tels que les pulpes de betterave et de pommes de terre. La réalisation d’une épreuve d’hydratation (immersion d’un échantillon d’aliment dans une éprouvette contenant de l’eau) permet de déterminer la vitesse du délitement complet des granulés (N inférieur à 30 minutes) (photo 2). Ce paramètre est intéressant, car il semble étroitement corrélé au risque de provoquer des obstructions.
En pratique, les aliments floconnés peuvent également occasionner des engouements. Il existe en effet d’autres paramètres favorisant ces derniers, en particulier la méthode de rationnement, ainsi que le comportement alimentaire du cheval. La distribution du foin avant le concentré et une attention particulière à la taille du repas aident à en réduire l’incidence.
Non. Selon l’ampleur des pics de glycémie, de la fréquence d’apparition et de la sensibilité des individus, ces perturbations sont susceptibles de favoriser à plus ou moins long terme une surcharge graisseuse, des troubles du comportement (nervosité), des myopathies, une ostéochondrose ou une amplification des troubles chez les chevaux atteints de maladies métaboliques (syndrome métabolique équin, SME, ou dysfonctionnement de la pars intermedia de l’hypophyse, DPIH). De plus, dans l’estomac, plus l’amidon est “digeste”, plus il serait susceptible d’être fermenté par la microflore ambiante. Les produits de la fermentation pourraient alors favoriser l’apparition d’ulcères gastriques.
Oui. Un apport excessif d’amidon peu digeste (orge, maïs), sans traitement technologique, peut être à l’origine d’une acidose digestive et peut ainsi modifier la flore microbienne, occasionnant de nombreux désordres au niveau du gros intestin.
1. Hoekstra KE, Newman K, Kennedy MAP et coll. Effect of corn processing on glycemic response in horses. Proc. 16th Equine Nutr. Physiol. Soc. Raleigh, NC, USA. 1999:144-148.
2. Tainturier B, Ribot X, Martinet J. Obstruction œsophagienne chez le cheval par impaction d’aliment complet sous forme de granulés : observation de 20 cas sur une période de trois mois. Bull. Soc. Vét. Prat. de France. 2009;93(1):10-24.