FICHE THÉRAPEUTIQUE
CAHIER PRATIQUE
Fiche thérapeutique
Auteur(s) : Aude FERRAN , Élodie LALLEMAND
Fonctions :
*InTheRes UMR1436Inrae, ENV de Toulouse,23 chemin des Capelles,31300 Toulouse
**Conflit d’intérêts : Aucun
***Cette rubrique est réalisée en partenariat avec l'.
L’inhalation peut dans certains cas permettre un traitement local avec peu d’effets systémiques, mais le dépôt de molécules actives est probablement plus important dans les zones intactes que dans les zones lésées.
L’inhalation consiste à administrer des aérosols dans les voies respiratoires. L’objectif est d’obtenir localement des concentrations élevées, donc un effet thérapeutique sans engendrer d’effets indésirables systémiques. Cependant, le seul fait d’utiliser des inhalations ne garantit pas d’atteindre cet objectif de traitement local. L’efficacité dépend principalement du dépôt des molécules actives au sein de la zone lésée, ce qui n’est pas systématique après une inhalation. L’absence d’effets indésirables dépend de la dose délivrée et de la capacité des molécules à rester dans les voies respiratoires ou à être rapidement éliminées après leur passage dans la circulation systémique. Le succès de l’inhalation repose donc sur le choix et la bonne utilisation du matériel, ainsi que sur la sélection des molécules sur la base de leurs propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques.
L’aérosol dispensé pour l’inhalation est une suspension de particules liquides ou solides dispersées dans un gaz. Les caractéristiques physiques de ces particules, et notamment leur taille, influent sur leur capacité à progresser plus profondément dans les voies respiratoires. Seules les particules dont le diamètre est compris entre 1 et 5 µm atteignent les voies plus profondes et se déposent dans les bronchioles de plus petits diamètres et les acini alvéolaires [1]. Il est donc important de vérifier les caractéristiques des particules produites par le dispositif sélectionné avant son achat.
Les nébuliseurs à ultrasons (Flexineb®, SaHoMa®-II à titre d'exemples) et utilisent les vibrations des cristaux piézoélectriques pour nébuliser un liquide en un nuage de brume. La fréquence des vibrations est le principal facteur déterminant la taille des particules, donc tous les nébuliseurs ne sont pas équivalents. Des fréquences plus élevées créent des gouttelettes plus petites, mais le dépôt dans les poumons dépend également des caractéristiques de la solution utilisée et des tubulures [1, 2].
Les aérosols-doseurs pressurisés libèrent tous des particules de taille adéquate pour atteindre les voies respiratoires profondes. La quantité de médicament libérée à chaque pression est très précise, à condition de bien secouer l’inhalateur avant chaque utilisation. La coordination du moment de la pression avec l’inhalation est importante pour la réussite de l’administration. Pour le dispositif Aservo® contenant du ciclésonide, seule molécule ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) vétérinaire pour l’inhalation chez le cheval, un indicateur de respiration situé sur l’adaptateur nasal permet à l’utilisateur de synchroniser la libération de l’aérosol avec le début de l’inspiration [3]. Pour utiliser des aérosols-doseurs disponibles en médecine humaine, une chambre d’inhalation ou spacer (Equine Haler®, AeroHippus®, Top-Spacer®, par exemple) est nécessaire. Ces chambres permettent de maintenir les particules en suspension le temps que le cheval inspire, mais génèrent un risque de perte de molécule via le dépôt sur leurs parois. Selon les données disponibles, le dépôt dans les poumons ne représente que 5 à 20 % de la dose libérée par les différents dispositifs [1].
Malgré une taille optimale des particules, la zone de dépôt du médicament inhalé reste imprévisible dans un poumon lésé. Compte tenu de la bronchosconstriction et des sécrétions de mucus abondantes qui peuvent se trouver en amont des lésions (en cas d’asthme équin ou d’infection respiratoire profonde), la molécule se déposera bien plus facilement dans les zones intactes que dans les zones lésées [2]. Ainsi, le contrôle du bronchospasme (éventuellement par l’administration préalable de bêta2-agonistes par voie systémique) et de la toux est essentiel pour obtenir une distribution efficace de tout médicament inhalé. L’inhalation ne peut donc pas se substituer à une administration de glucocorticoïdes par voie systémique lors de dyspnée sévère au cours d’une crise d’asthme équin.
L’inhalation est supposée délivrer le médicament directement aux voies respiratoires, mais la quantité de médicament qui arrive réellement jusqu’à la zone lésée est toujours relativement faible, y compris avec les dispositifs performants. Des molécules extrêmement puissantes (c’est-à-dire actives à très faibles concentrations) ont donc été spécifiquement développées pour l’inhalation. Par exemple, le propionate de fluticasone et le desisobutyryl-ciclésonide (métabolite actif du ciclésonide) ont une affinité pour les récepteurs aux glucocorticoïdes cent à deux cents fois plus importante que la prednisolone [4].
Une autre limite à l’activité thérapeutique est la durée d’effet qui est généralement très courte. Le temps de rétention pulmonaire, pendant lequel la molécule va être active dans les poumons, dépend de ses caractéristiques physico-chimiques. Par exemple, pour les glucocorticoïdes, plus la molécule est lipophile, plus le temps de rétention est long. Le propionate de fluticasone a un temps de rétention plus long que le desisobutyryl-ciclésonide et le dipropionate de béclométhasone [4].
L’inhalation permet de prévenir les effets systémiques pour les molécules qui diffusent très peu du poumon vers la circulation sanguine et/ou qui sont très rapidement éliminées une fois qu’elles passent dans la circulation sanguine. Les effets systémiques peuvent aussi être limités grâce à l’utilisation de doses plus faibles par inhalation que par voie systémique.
Les glucocorticoïdes qui ont une AMM en médecine vétérinaire ou humaine avec une indication “inhalation” sont spécifiquement sélectionnés pour ces propriétés. À l’inverse, pour la dexaméthasone qui n’a pas cette indication, les bénéfices thérapeutiques sont moins bons après l’inhalation, alors que les effets systémiques sont similaires après une inhalation ou par voie orale en raison d’un passage aisé des voies respiratoires à la circulation sanguine [5].
Pour de nombreuses molécules, leur devenir après l’inhalation n’est pas connu et il est impossible d’exclure a priori des effets systémiques.
• Utilisateur : la personne qui surveille le cheval peut inhaler de très grandes quantités de médicament (ou d’une autre molécule). La toxicité pour l’utilisateur peut être de type allergique ou directement liée aux effets pharmacologiques de la molécule (rhinite, saignements ou infections avec les glucocorticoïdes par exemple). Pour les antibiotiques, s’ajoute également une complication de santé publique avec la possibilité de sélection de résistances dans la flore pharyngée de l’utilisateur et dans l’environnement. D’après l’Association vétérinaire équine française (Avef), leur administration par inhalation est à proscrire(1).
• Consommateur : les inhalations peuvent conduire à la présence de résidus dans les tissus et dans le lait.
Les molécules administrées par inhalation peuvent passer dans la circulation sanguine. Le cheval traité peut donc être positif aux analyses de dépistage. Le nuage de particules créé lors de la nébulisation et qui s’échappe du dispositif, notamment lors de l’expiration du cheval traité, peut facilement être inhalé par les chevaux à proximité qui peuvent, eux aussi, être positifs lors d’un contrôle antidopage.
Cha ML, Costa LRR. Inhalation therapy in horses. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2017;33:29-46.
Pirie RS, McGorum BC. Inhalation therapy for equine lower respiratory tract disease. In Pract. 2017;39:317-327.
Résumé des caractéristiques du produit Aservo®. https://www.ema.europa.eu/documents/product-information/aservo-equihaler-epar-product-information_fr.pdf
Daley‐Yates P, Brealey N, Thomas S et coll. Therapeutic index of inhaled corticosteroids in asthma: a dose-response comparison on airway hyperresponsiveness and adrenal axis suppression. Br. J. Clin. Pharmacol. 2021;87:483-493.
Wasseige S, Picotte K, Lavoie J. Nebulized dexamethasone sodium phosphate in the treatment of horses with severe asthma. J. Vet. Intern. Med. 2021;35:1604-1611.