TRAITEMENT - Gastro-entérologie
DOSSIER
Auteur(s) : Samy JULLIAND*,Ludovic TANQUEREL**
Fonctions :
** Lab To Field,26 boulevard Docteur Petitjean,21000 Dijon
**** Centre hospitalier universitaire vétérinaire des équidés, École nationanale vétérinaire d’Alfort, 7 avenue du Général de Gaulle,94700 Maisons-Alfort
***Conflit d’intérêts : Aucun
Une période de jeûne avant l’administration de l’oméprazole est préconisée pour en améliorer l’efficacité. De bonnes pratiques alimentaires permettent de limiter la formation des ulcères gastriques, au niveau de la muqueuse non glandulaire notamment.
Depuis le consensus du Collège européen de médecine interne (Ecvim) de 2015, il est reconnu que les ulcères gastriques glandulaires (equine glandular gastric disease, EGGD) et non glandulaires (equine squamous gastric disease, ESGD) sont deux entités avec une physiopathologie différente et un traitement différent(1) [44]. La prise en charge des ulcères gastriques repose sur un traitement médical adapté à chaque maladie, permettant à la muqueuse gastrique de cicatriser. En parallèle, une conduite adaptée des chevaux permet de réduire les risques de récidive.
La diminution de l’acidité gastrique est la pierre angulaire du traitement médicamenteux, avec les changements environnementaux adaptés, pour accélérer la cicatrisation et améliorer l’appétit du cheval (tableau). Quelques particularités caractérisent la prise en charge des ulcères chez le poulain (encadré).
L’oméprazole est un inhibiteur irréversible des pompes à protons et c’est le traitement de choix des ulcères gastriques non glandulaires (photos 1a et 1b). L’efficacité thérapeutique après un traitement de 28 jours à la dose de 4 mg/kg est de 70 à 77 %, mais la majorité des ulcères non glandulaires sont guéris en 21 jours (qui est la durée de traitement recommandée) [44]. L’oméprazole est sensible à l’acidité gastrique et doit être formulé en conséquence pour obtenir une biodisponibilité acceptable. Pour les formes tamponnées (pâtes), la dose thérapeutique est de 4 mg/kg, et elle est de 2 mg/kg pour les formes gastro-résistantes (granulés). La réponse thérapeutique est variable selon les individus, notamment en raison des facteurs alimentaires. Ainsi, même si la posologie standard est de 4 mg/kg, il est possible d’envisager des doses plus faibles (2 mg/kg pour les formes tamponnées, 1 mg/kg pour les formes protégées) lors d’une administration à jeun [43]. Si les signes persistent après une semaine, ou si les ulcères sont toujours présents après 3 semaines, la dose peut être augmentée aux posologies classiques. Il est même possible d’administrer l’oméprazole deux fois par jour chez les chevaux n’ayant pas répondu au traitement, car la suppression d’acide peut ne pas dépasser 12 heures [30]. Même si le pic d’activité physique est une période à risque pour les ulcères gastriques et qu’il est logique d’administrer l’oméprazole en amont, l’effet bénéfique de cette pratique n’est pas démontré [24, 46]. La dose préventive d’oméprazole couramment administrée est de 1 mg/kg, ce qui est décrit dans certaines études, voire 0,5 mg/kg dans certains cas [26-29, 47].
Bien qu’il soit recommandé de donner du foin à volonté aux chevaux atteints d’ulcères gastriques, la biodisponibilité de l’oméprazole est diminuée entre 50 et 66 % chez les chevaux nourris avec du foin ad libitum [48, 49]. Pendant la période de traitement, administrer l’oméprazole après une nuit de jeûne peut être bénéfique (le foin à volonté doit ensuite être repris après l’arrêt du traitement). Le moment des repas aurait également une influence sur l’efficacité de l’oméprazole [43]. En effet, les pompes à protons doivent être “activées” par la gastrine pour être sensibles à l’oméprazole. La gastrine étant synthétisée en quantité élevée à la suite d’un repas volumineux de foin, le pic sérique d’oméprazole (45 à 90 minutes après l’administration) peut être synchronisé avec le pic d’activité des pompes à protons en administrant l’oméprazole à jeun suivi du repas de foin 60 à 90 minutes plus tard [43, 50].
Une interaction est suspectée avec le sucralfate [44]. Ce dernier peut potentiellement diminuer l’absorption d’oméprazole et il est recommandé de l’administrer 60 à 90 minutes après l’oméprazole pour maximiser son efficacité [43].
Enfin, de nouvelles possibilités semblent prometteuses en permettant d’augmenter le temps de suppression de l’acidité gastrique, comme l’oméprazole injectable longue action (non disponible en France) ou l’ésoméprazole (non disponible en forme vétérinaire) [11, 42].
La ranitidine est un antagoniste des récepteurs H2 sur les cellules gastriques pariétales. La réponse thérapeutique est plus variable qu’avec l’oméprazole. Comparativement à ce dernier, son efficacité thérapeutique est inférieure [23].
Contrairement aux ulcères non glandulaires, il existe moins de preuves solides sur l’efficacité des différents traitements des ulcères glandulaires. Ceci s’explique d’une part par la difficulté d’évaluation de la sévérité des lésions, et d’autre part par une physiopathologie moins bien comprise. Même s’il paraît clair que ces ulcères ne sont pas causés uniquement par l’acidité gastrique, l’usage des inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole) reste le traitement principal.
L’oméprazole a moins d’effet sur le pH du pylore et de l’antre que sur le reste de l’estomac. Le taux de guérison de l’oméprazole utilisé seul (4 mg/kg per os une fois par jour) est de 9 à 32 % [45, 46]. Une augmentation de la dose à 8 mg/kg ou de la fréquence d’administration à deux fois par jour ne semble pas améliorer l’efficacité du traitement [37]. Par ailleurs, l’effet préventif de l’oméprazole est incertain sur les ulcères glandulaires [37].
Le sucralfate est un sel d’hydroxide d’aluminium complexe, avec une base de disaccharide. Il adhère à la muqueuse en créant une barrière physique qui limite la diffusion d’acide, stimule la sécrétion de mucus, inhibe la sécrétion de pepsine et d’acides biliaires, stimule la réépithélisation des ulcères et accroît la perfusion sanguine de la muqueuse en augmentant la synthèse de prostaglandines E. Utilisé en monothérapie, le sucralfate n’a pas montré d’efficacité [37].
La combinaison d’oméprazole (4 mg/kg per os une fois par jour) et de sucralfate (12 mg/kg per os deux fois par jour) a démontré une efficacité variable : de 22 à 64 % de guérisons après 28 jours de traitement [14, 52].
Le misoprostol, un analogue de la prostaglandine E, agirait via une diminution de la production d’acide et une inhibition de l’inflammation neutrophilique. L’efficacité rapportée est de 73 % de guérisons à 5 µg/kg per os deux fois par jour (versus 22 % dans la même étude avec la combinaison oméprazole et sucralfate) [52].
Des effets indésirables sont possibles chez le cheval : diarrhée en général autolimitante aux doses usuelles, avortements entre 100 et 130 jours de gestation chez la jument, et de l’urticaire [16]. Le misoprostol peut induire un avortement chez la femme enceinte également (molécule à manipuler avec des gants). En France, il relève de la liste I et est réservé à l’usage hospitalier.
Aucune donnée n’est disponible sur la combinaison d’oméprazole et de misoprostol. De plus, le misoprostol peut potentiellement interférer avec la suppression d’acide induite par les inhibiteurs de la pompe à protons et ne devrait donc pas être utilisé conjointement [37].
Une antibiothérapie peut être indiquée uniquement en deuxième intention, pour les cas qui ne répondent pas bien aux traitements usuels et si une composante bactérienne a été identifiée, via la mise en évidence d’une infiltration neutrophilique sur les biopsies et une culture positive significative (Escherichia fergusonii, Streptococcus bovis, Enterococcus faecium) [37]. Le choix de l’antibiotique doit reposer sur les résultats d’un antibiogramme. Néanmoins, une étude comparant l’oméprazole seul et la combinaison d’oméprazole et de triméthoprime-sulfamides ne montre pas d’efficacité supérieure de cette dernière et aucune publication ne prouve un effet des antibiotiques sur les ulcères gastriques [51].
Les corticostéroïdes (dexaméthasone, prednisolone) peuvent être indiqués dans les cas qui ne répondent pas aux traitements usuels. En effet, la composante inflammatoire mise en évidence régulièrement sur les biopsies peut être due à une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (Mici) s’étendant également sur les autres parties du tube digestif [37].
Pour les chevaux sujets aux ulcères gastriques ou sous anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pendant une longue période, des traitements préventifs peuvent être indiqués. Dans une étude comparant l’oméprazole au sucralfate, l’oméprazole à 1 mg/kg s’est révélé plus efficace sur la prévention des ulcères glandulaires et non glandulaires [2]. Dans une autre étude, l’oméprazole améliorait les scores des ulcères induits par l’administration de phénylbutazone, mais était associé à des complications intestinales (impaction de côlon et coliques, diarrhée, typhlocolites nécrotiques, entérocolite, etc.) [39].
Pour les ulcères non glandulaires, le pronostic est plutôt favorable et les signes cliniques s’améliorent en 7 jours après le traitement à base d’oméprazole. Une gastroscopie de contrôle est recommandée après 3 semaines avant l’arrêt du traitement.
Les chances de succès thérapeutique sont plus variables lors d’ulcères glandulaires qu’avec les ulcères non glandulaires. Les lésions hémorragiques, en relief ou nodulaires et fibrinosuppuratives, semblent être de moins bon pronostic et leur guérison complète peut prendre plusieurs mois. Dans le cas d’une atteinte des muqueuses glandulaire et non glandulaire, le traitement doit cibler la partie glandulaire dans un premier temps (la partie non glandulaire répondant bien au traitement initial avec de l’oméprazole). Les réévaluations gastroscopiques mensuelles sont donc d’autant plus nécessaires (figure 1). Si une amélioration est constatée, le traitement devrait être poursuivi un mois de plus et ne devrait être arrêté que lorsque la muqueuse a repris un aspect normal (les récidives sont plus probables dans le cas contraire). En l’absence d’amélioration après un mois, un autre traitement doit être essayé. Le suivi des signes cliniques est également essentiel à la prise de décision.
Sans amélioration après 3 mois de traitement, une biopsie peut être réalisée pour identifier une possible implication bactérienne et exclure des causes moins fréquentes (Habronema, tumeur). Le reste du tube digestif est à investiguer également pour déceler une maladie à médiation immunitaire (Mici).
En l’état actuel des connaissances, les traitements peuvent être arrêtés sans dose dégressive. Il est possible qu’une production d’acide “rebond” se produise à l’arrêt de l’administration, mais les doses dégressives d’antiacide seraient probablement inefficaces dans ce cadre.
Sans adaptation de la conduite des chevaux, notamment alimentaire, après l’arrêt du traitement, la récurrence des ulcères est élevée [25]. Du fait des connaissances limitées sur l’étiologie des ulcères glandulaires et du peu de facteurs de risque connus, il est difficile de proposer aujourd’hui des recommandations dans la conduite à tenir pour limiter les risques de développement de l’EGGD. Toutefois, favoriser l’expansion de microorganismes commensaux au niveau des zones glandulaires ulcérées, et notamment de lactobacilles, a montré des résultats prometteurs chez les rongeurs et pourrait constituer une piste d’avenir pour les équidés [57]. Les connaissances étant plus étendues concernant les ulcères non glandulaires, des recommandations étayées peuvent être proposées.
Adapter la conduite a pour objectif de réduire les facteurs de risque et d’encourager les facteurs de protection des ESGD. L’adaptation des pratiques doit ainsi permettre de maintenir un pH physiologique au contact de la muqueuse non glandulaire, et d’éviter que les concentrations en produits terminaux de la fermentation soient élevées.
La salive, riche en bicarbonate, constitue le principal tampon dans l’écosystème gastrique. Elle est très majoritairement produite pendant les périodes de mastication. Augmenter la durée d’ingestion quotidienne, pour se rapprocher des 12 à 15 heures passées en moyenne à ingérer de l’herbe au pré, permet de limiter la baisse du pH gastrique due aux sécrétions continues d’acide chlorhydrique et aux fermentations gastriques. Cette stratégie simple peut passer soit par la mise au pré des chevaux, soit par l’apport ad libitum de foin. En revanche, laisser un accès continu à de la paille n’est pas associé à un effet protecteur.
Concernant les concentrés, la forme de présentation influence la vitesse d’ingestion [7]. Plus la masse volumique des aliments distribués est faible, plus la vitesse d’ingestion est lente [7, 12]. En moyenne, un cheval est occupé pendant 32 à 40 minutes pour ingérer un kilo de matière sèche de fibres déshydratées, tandis que l’ingestion d’un kilo de matière sèche de granulés prend en moyenne 6 à 9 minutes, et 15 à 17 minutes pour un kilo de matière sèche de céréales brutes [7]. En conséquence, il est estimé que l’ingestion d’un kilo d’aliment sous la forme de granulés entraîne une production de salive inférieure à 2 litres, alors que l’ingestion d’un kilo de fibres longues génère plus de 6 litres de sécrétions salivaires [32]. Tremper les granulés pour augmenter leur volume est une solution envisageable pour augmenter leur durée d’ingestion. Il a notamment été mesuré que des granulés de pulpe de betterave trempés étaient ingérés à une vitesse proche de celle du fourrage [12].
Enfin, le pouvoir tampon intrinsèque des aliments ingérés peut contribuer au maintien d’un pH élevé dans l’estomac. La majorité des travaux portant sur ce sujet se sont intéressés à l’effet de la luzerne déshydratée car, de tous les végétaux classiquement distribués aux chevaux, c’est celui qui présente le plus fort pouvoir tampon (photos 2a et 2b) [10]. In vitro, il a été mesuré que la quantité d’acide chlorhydrique nécessaire pour faire chuter le pH du contenu en-dessous de 4 était décuplée avec de la luzerne par rapport à des céréales (figure 2) [19]. L’effet tampon plus important de la luzerne par rapport à l’orge ou au son de blé a été confirmé dans un écosystème gastrique in vitro au cours du processus fermentaire [12]. Cela pourrait expliquer la baisse du nombre de cas d’ESGD observés lorsque le régime des chevaux comporte de la luzerne [17, 41]. Dans le même objectif, des additifs alimentaires antiacides sont parfois ajoutés à l’alimentation afin de contrôler l’acidité gastrique, comme les hydroxydes de magnésium et d’aluminium, le carbonate de calcium ou le bicarbonate. Aucun de ces antiacides alimentaires n’a fait l’objet de travaux publiés, et leur durée d’action de quelques heures rend nécessaire des administrations fréquentes (toutes les 2 à 4 heures) pour obtenir un bénéfice significatif [35].
En association ou non avec des antiacides, l’efficacité de la pectine et de la lécithine a fait l’objet de quelques travaux. En milieu acide, la pectine forme un gel qui pourrait participer à la protection de la muqueuse gastrique, et la lécithine contribuerait à la formation de la barrière hydrophobe de la couche de mucus. Si l’ajout d’un complexe de pectine et de lécithine semble augmenter le temps passé avec un pH supérieur à 4 dans l’estomac, les publications sur l’incidence ou la guérison des ulcères gastriques ne mettent pas en avant de résultat probant [5, 33, 40, 54]. Epidémiologiquement, il a été relevé que la consommation de pulpe de betterave par des chevaux de sport est un facteur de protection contre les ESGD [36]. En plus de représenter un substitut à une fraction des céréales de la ration, la forte teneur en pectine de la pulpe pourrait être à l’origine des bénéfices observés. Des travaux complémentaires devront confirmer ces premières observations.
Au contraire des sécrétions salivaires, la sécrétion d’acide chlorhydrique est continue chez le cheval, qu’il soit en train de s’alimenter ou non. La mise à jeun entraîne une chute rapide du pH gastrique dès la première heure de privation de nourriture lorsque les chevaux sont alimentés avec du foin (figure 3). Quand la vidange gastrique est plus longue, notamment avec l’ajout de céréales dans la ration, la chute du pH gastrique intervient un peu plus tard [34]. Quoi qu’il en soit, il reste recommandé d’éviter les périodes de jeûne au cours de la journée. Sur la base de travaux épidémiologiques, un intervalle maximal de 6 heures entre les repas de fourrages pourrait être conseillé et une augmentation de la fréquence des repas au cours de la journée est bénéfique pour la santé gastrique [1, 25].
L’ajout d’huiles végétales dans la ration est parfois proposé comme solution permettant de réduire l’acidité gastrique. Une seule étude a relevé une moindre sécrétion d’acide dans l’estomac de poneys recevant 45 ml d’huile de maïs dans leur ration [3]. S’il n’est pas reporté d’effet protecteur direct des huiles contre les ESGD, substituer une fraction des céréales riches en amidon par des matières grasses peut en revanche permettre de réduire les fermentations intragastriques, source d’acidité et d’acides organiques dangereux pour les muqueuses gastriques [8]. De plus amples données sont nécessaires pour évaluer l’intérêt des huiles végétales, et préciser quel type d’huile serait le plus adapté pour la santé gastrique.
L’estomac du cheval abrite un microbiote abondant, capable de rapidement fermenter les sucres simples et l’amidon(1). Limiter les fortes concentrations d’acides gras volatils produits par la fermentation est essentiel pour la santé gastrique. Cela peut passer par une réduction du temps de rétention du bol alimentaire dans l’estomac, par une sélection d’aliments faiblement fermentescibles par le microbiote gastrique, ou par une réduction de l’activité du microbiote gastrique.
La vidange gastrique est principalement conditionnée par le volume du repas et par sa composition biochimique. Augmenter la teneur en amidon d’un concentré allonge la rétention gastrique, alors qu’incorporer plus de fibres insolubles comme de la cellulose et des hémicelluloses accélère la vidange [31]. Il a également été montré que l’incorporation d’huile de soja dans un repas avait pour effet de ralentir la vidange gastrique [55]. Pour limiter le temps de rétention gastrique, et réduire ainsi la durée pendant laquelle les substrats seront fermentés, l’administration de matières premières de faible teneur en amidon et matières grasses, comme les graminées ou les légumineuses déshydratées, est donc recommandée.
Lorsque des digesta sont retenus dans l’estomac, une intense fermentation de l’amidon et des sucres solubles a lieu : leur taux de disparition dans ce compartiment a été estimé autour de 60 à 70 % trois à quatre heures après l’ingestion d’un repas de concentrés contenant 21 ou 42 % d’amidon et de sucres solubles [53]. Plus le traitement technologique de l’amidon est important, plus le taux de disparition dans l’estomac est grand. Ainsi, à la suite des procédés d’expansion ou de granulation, l’amidon est plus fermenté qu’après un simple broyage de la graine, et plus encore que lorsque la graine est intacte [22]. L’origine botanique de l’amidon a également une influence, car tous les amidons n’ont pas la même structure. L’amidon du son de blé est ainsi plus rapidement fermenté que l’amidon d’avoine ou d’orge [19]. Pour limiter les fortes concentrations en produits de la fermentation, il est donc conseillé de limiter les apports d’amidon à 1 g/kg de poids vif par repas et de privilégier des amidons peu fermentescibles dans l’estomac (amidon plutôt de maïs ou d’orge, ayant peu subi de traitements technologiques) [22, 25].
Si les substrats dont se nourrit le microbiote sont réduits, les produits de la fermentation sont logiquement moins importants : une ration plus pauvre en amidon est associée à une concentration plus basse en lactobacilles et en bactéries utilisatrices de lactate deux heures après le repas, ainsi qu’à des concentrations plus basses en acides gras volatils [6]. Il a également été mesuré dans des régimes iso-amidon que l’ajout de luzerne à la ration réduit les concentrations de bactéries amylolytiques par rapport au tourteau de tournesol, ce qui pourrait être dû aux modifications des conditions environnementales dans l’estomac [20]. Enfin, chez des chevaux recevant un régime riche en amidon, l’ajout dans la ration de 10.109 ou 10.1010 unités formant colonie (UFC) de levures vivantes par jour ne semble pas impacter la structure des populations bactériennes mais, avec une dose de 10.1010 UFC par jour, les concentrations en bactéries anaérobies totales, amylolytiques et utilisatrices de lactate sont réduites [18, 21]. Si une moindre fermentation peut être bénéfique à la santé gastrique, cela signifie aussi qu’une proportion plus importante quittera l’estomac, ce qui peut avoir des effets délétères sur les segments postérieurs en raison des acidoses cæco-coliques engendrées. Il reste donc préférable avant tout d’éviter les pratiques alimentaires qui reposent sur des apports importants d’amidon, a fortiori s’il est rapidement fermentescible.
Chez les chevaux qui ont des besoins énergétiques élevés, comme les chevaux à l’exercice, de plus en plus de solutions fondées sur l’apport de fibres hautement digestibles sont développées pour limiter la part des céréales [38]. Toutefois, même avec des apports de fourrages importants dans la ration, cela ne garantit pas que le pH intragastrique baissera temporairement en dessous de 4 [5].
Pendant les phases de trot et de galop, l’augmentation des pressions intra-abdominales entraîne une compression importante de l’estomac [24]. La muqueuse squameuse se retrouve alors au contact immédiat du contenu et des fluides gastriques, ce qui pourrait en partie expliquer les prévalences élevées d’ulcères observées dans les populations de chevaux athlètes. Afin de réduire les risques de développement de l’ESGD, il est possible soit de diminuer l’activité physique, soit de faire en sorte que le contenu présent dans l’estomac pendant l’exercice soit peu agressif pour la muqueuse squameuse, c’est-à-dire avec un pH supérieur à 4, et contenant peu d’acides gras volatils. Ainsi, il est recommandé de nourrir le cheval avant l’exercice, idéalement avec une ration à fort pouvoir tampon, du fait de la salive produite ou des matières premières utilisées, et avec peu d’amidon et de sucres facilement fermentescibles. De même, les granulés ayant tendance à créer une “boule” dans l’estomac environnée de fluides gastriques, il est préférable de distribuer avant l’exercice une ration permettant d’avoir un contenu plus homogène, par exemple avec un aliment à haute teneur en fibres longues.
Les ulcères non glandulaires sont associés à un bon pronostic avec un traitement à l’oméprazole et une bonne gestion environnementale. Les ulcères glandulaires sont de moins bon pronostic et plus longs à guérir avec les options thérapeutiques actuelles. La gestion environnementale est d’autant plus importante. Une gestion adaptée des pratiques alimentaires permet de limiter l’incidence des ulcères non glandulaires, ou leur récurrence post-traitement. Ceci passe par un accès important au fourrage, une réduction des intervalles entre les repas et un contrôle strict des aliments dont la fermentation est intense dans l’estomac. L’utilisation de matières premières à fort pouvoir tampon, ou de fibres hautement digestibles de haute valeur énergétique, est une solution d’intérêt pour les chevaux athlètes.
La prise en charge des ulcères gastriques chez le nouveau-né dépend des signes cliniques présents, puisque la majorité des ulcères asymptomatiques guérissent sans traitement.
Les molécules les plus utilisées sont le sucralfate et l’oméprazole. Le misoprostol serait aussi d’intérêt pour la prise en charge des ulcères glandulaires, mais peu d’études ont analysé son effet chez le poulain [13]. Les antagonistes des récepteurs H2 à l’histamine (ranitidine et cimétidine) sont parfois utilisés, mais leur efficacité ne fait pas l’unanimité. Ils présentent néanmoins l’avantage d’être disponibles sous la forme injectable si la voie orale n’est pas utilisable.
Les molécules anti-ulcéreuses ne devraient pas être administrées en prévention, puisque leur emploi a été associé à une augmentation du risque de diarrhée [9]. Le recours préventif à l’oméprazole reste toutefois justifié chez les poulains atteints notamment d’affections locomotrices et recevant des anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Le traitement des nouveau-nés qui présentent une sténose du pylore est chirurgical, le plus souvent par une gastro-duodénostomie ou une gastro-jéjunostomie, avec un pronostic de survie à long terme estimé entre 50 et 69 %, même si cette intervention reste lourde [4, 56].
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Les ulcères gastriques glandulaires et non glandulaires doivent être traités différemment. Les ulcères non glandulaires répondent souvent bien à un traitement relativement court d’oméprazole, alors que les glandulaires répondent moins bien et nécessitent une combinaison de molécules (oméprazole et sucralfate), une administration plus longue et de nombreuses réévaluations. Une période de jeûne est maintenant préconisée avant l’administration de l’oméprazole pour en améliorer l’efficacité. Il n’existe des recommandations alimentaires que pour limiter la gravité des ulcères non glandulaires : accès ad libitum au fourrage, de préférence au pré, réduction des intervalles entre les repas, contrôle strict des apports d’amidon et de sucres solubles, qui peuvent être substitués par des fibres hautement digestibles. L’apport de matières premières tampon avant l’effort peut être intéressant.
Different treatment is used for glandular and non-glandular ulcers. Non-glandular ulcers often respond well to a relatively short course of omeprazole. The treatment for glandular ulcers includes a combination of omeprazole and sucralfate, longer drug administration and frequent reassessment. The effectiveness of omeprazole is improved by a period of fasting before administration, which is now recommended. The severity of non-glandular ulcers may be reduced using dietary measures including ad libitum access to forage, preferably pasture; reduced feed intervals; strict control of starch and soluble sugar intake, which can be substituted by highly digestible fibre. The provision of buffered raw materials before exercise may be useful.