La luzerne dans l’alimentation du cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 219 du 01/10/2023
Pratique Vétérinaire Equine n° 219 du 01/10/2023

Cahier pratique

Fiche nutrition

Auteur(s) : Sarah PRADEAUD

Fonctions : Vétérinaire et membre de la commission Alimentation de l’Avef Meurthe-et-Moselle

Lors du séchage au sein d’une même ligne de production, la luzerne peut être contaminée par des alcaloïdes morphiniques provenant du pavot. Il convient par conséquent de vérifier son origine.

La luzerne est une plante légumineuse vivace riche en nutriments qui constitue une excellente source d’énergie, de protéines et de minéraux dans l’alimentation des chevaux. Disponible sous la forme de fourrage ou déshydratée (bouchons, granulés, pellets), elle est également régulièrement incorporée à des aliments concentrés complémentaires du fourrage en tant que matière première. Toutefois, il convient de prendre certaines précautions lors de l’ajout de luzerne à la ration du cheval.

QUALITÉ ET RÉCOLTE

Les principaux facteurs qui influencent la composition nutritionnelle de la luzerne sont le stade de croissance, le nombre de coupes, le ratio tiges/feuilles, les conditions d’humidité et les méthodes de traitement (photo) [4]. En effet, à mesure que la plante mûrit, la teneur en protéines diminue et celle en fibres augmente. C’est dans les feuilles que la teneur en protéines est la plus élevée, tandis que les tiges sont riches en fibres et moins digestibles. Les feuilles sont cependant très fragiles lorsqu’elles sèchent, et la technique de récolte nécessite donc une certaine maîtrise au risque de ne recueillir que des tiges. Dans l’idéal, la récolte doit avoir lieu lorsque des boutons floraux verts sont visibles, c’est-à-dire au stade du bourgeonnement.

COMPOSITION NUTRITIVE ET INTÉRÊTS

Comparé au foin de prairie naturelle, le foin de luzerne est trois à quatre fois plus concentré en protéines et quatre à cinq fois plus concentré en calcium, alors qu’il n’apporte pas particulièrement plus d’énergie (tableau). Il n’est donc pas adapté à un objectif de prise de poids, mais son intérêt réside surtout dans l’administration aux chevaux qui ont un besoin protéique accru (croissance, activité intense, lactation) ou pour équilibrer le ratio phosphocalcique de la ration, par exemple lorsqu’elle est riche en céréales donc naturellement pauvre en calcium. Chez les chevaux en croissance, la luzerne peut être distribuée pour maintenir le ratio phosphocalcique de la ration aux alentours de 1,8 afin de prévenir les anomalies du développement osseux. Elle est particulièrement adaptée aux juments en lactation dont les besoins en énergie et en protéines sont parmi les plus élevés de toutes les catégories de chevaux. En raison de sa teneur élevée en protéines et en calcium, la luzerne constitue aussi un tampon efficace pour l’acidité gastrique [2, 3]. Une étude récente a mis en évidence qu’une alimentation à base de luzerne déshydratée en granulés pourrait contribuer à réduire l’incidence et la sévérité des ulcères gastriques glandulaires [2]. D’après une autre publication portant sur l’effet de la luzerne sur l’écosystème gastrique du cheval, à consommation d’amidon équivalente, les bactéries amylolytiques du contenu gastrique se développent moins rapidement lorsque la luzerne est incorporée à la ration [3].

Une administration aux chevaux de sport est aussi particulièrement indiquée. Néanmoins, il convient de garder à l’esprit plusieurs considérations lorsque du foin de luzerne est ajouté à l’alimentation d’un cheval qui fait de l’exercice :

• comme les protéines produisent davantage de chaleur pendant la digestion que les graisses, la teneur élevée en protéines de la luzerne peut avoir un impact sur les performances en augmentant la température corporelle ;

• la consommation excessive de protéines augmente l’excrétion urinaire de l’azote et par conséquent de l’eau, ce qui a ainsi un impact sur l’hydratation pendant l’exercice ;

• la teneur élevée en calcium peut perturber l’équilibre électrolytique pendant et après l’effort.

Pour ces raisons, il n’est généralement pas recommandé de donner une grande quantité de luzerne (plus de 30 % du fourrage) aux chevaux d’endurance [4].

PRÉCAUTIONS D’EMPLOI

La luzerne doit être ajoutée avec précaution au régime alimentaire afin de prévenir les déséquilibres. Certains chevaux n’ont pas besoin d’un fourrage aussi riche en nutriments et peuvent mal tolérer la luzerne. Par exemple, elle ne convient pas à ceux qui sont atteints de troubles rénaux ou hépatiques en raison de sa richesse en protéines. Un foin de prairie ou de graminées de bonne qualité (éventuellement enrichi avec un complément minéral vitaminé adéquat) peut suffire pour les chevaux en surpoids, ou qui ne pratiquent pas d’activité. Selon des rapports anecdotiques, certains chevaux sujets à la fourbure seraient sensibles à l’inclusion de luzerne dans leur alimentation, probablement en lien avec la teneur en protéines de cette dernière [4]. Dans une étude, les animaux atteints d’un syndrome métabolique équin ont présenté une réponse insulinémique neuf fois supérieure après la consommation d’un repas riche en protéines par rapport aux témoins [5]. Sachant que certains acides aminés sont des sécrétagogues de l’insuline, ces résultats suggèrent que la teneur en protéines alimentaires est à considérer lors de la prise en charge des chevaux présentant une dysrégulation de l’insuline [5].

Le foin de luzerne est généralement plus riche en potassium que le foin de graminées. Il est donc à éviter chez les chevaux atteints de paralysie périodique hyperkaliémique [4].

Des proportions élevées de luzerne dans l’alimentation (plus de 50 à 70 % de la matière sèche) ont été associées à un risque accru de formation d’entérolithes. Néanmoins, il est probable que plusieurs facteurs entrent en jeu, tels que le manque d’accès au pâturage ou d’autres déséquilibres de la ration [4].

Dans certaines régions, le séchage de la luzerne et du pavot se font sur les mêmes lignes de production, ce qui peut conduire à une contamination de la luzerne par des alcaloïdes notamment morphiniques, et entraîner ainsi des accidents lors d’un éventuel contrôle antidopage. Il convient donc d’être particulièrement vigilant sur l’origine de la plante, et de choisir une luzerne pour cheval dont la production et la transformation sont contrôlées. Aux États-Unis, la luzerne est presque utilisée comme un complément minéral vitaminé pour rééquilibrer les rations, étant donné que la majorité des fourrages proviennent d’une monoculture. Leur composition est assez constante et ils sont souvent issus de céréales, donc pauvres en calcium. Ce n’est pas le cas en France. Ainsi, sans connaître précisément la valeur nutritionnelle et la composition du foin de prairie, il est difficile de garantir l’équilibre de la ration en ajoutant de la luzerne à l’aveugle. De plus, lorsque celle-ci est distribuée sous la forme de fourrage (en veillant toujours à ne pas remplacer complètement le foin), la quantité consommée par le cheval ne peut être estimée avec précision et il est préférable de donner des bouchons de luzerne.

Références

  • 1. Doligez P, Haeffner L. La luzerne : de sa production à son utilisation en alimentation équine. Équipédia, IFCE. 2023.
  • 2. Julliand S, Buttet M, Hermange T et coll. Effect of diet composition on glandular gastric disease in horses. J. Vet. Intern. Med. 2023;37(4):1528-1536.
  • 3. Julliand S, Martin A, Julliand V. Effect of deshydrated alfalfa on equine gastric and faecal ecosystems. Livest. Sci. 2018;215:16-20.
  • 4. Latham C. Feeding alfalfa to horses: pros & cons of this forage in the diet. Mad Barn. 2023. https://madbarn.com/alfalfa-for-horses/
  • 5. Loos CMM, Dorsch SC, Elzinga SE et coll. A high protein meal affects plasma insulin concentrations and amino acid metabolism in horses with equine metabolic syndrome. Vet. J. 2019;251:105341.

Conflit d’intérêts

Aucun

Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Alimentation de l’Association vétérinaire équine française.