OPHTALMOLOGIE
Cahier pratique
Fiche pratique
Auteur(s) : Xavier D’ABLON
Fonctions : Clinique de la Côte Fleurie Route de Paris 14800 Bonneville-sur-Touques
Le prélèvement de cellules de la cornée ne nécessite pas de moyens compliqués et la lecture des lames obtenues est relativement simple. Il s’agit donc d’un examen envisageable sur le terrain, permettant une orientation thérapeutique immédiate et rationnelle.
Le prélèvement et l’examen cytologique de l’œil chez le cheval sont des procédures simples, rapides, peu coûteuses et peu risquées.
L’analyse cytologique d’un prélèvement de la cornée est un examen dont le résultat est immédiat, donc plus rapide que la microbiologie et l’histologie. Ses indications sont nombreuses et concernent des cas aigus comme des cas chroniques ou récurrents. Il oriente le diagnostic et il est parfois essentiel pour l’établir, comme dans le cas de la kératite éosinophilique. Néanmoins, il ne doit pas remplacer les autres examens, en particulier la microbiologie, dont il est complémentaire. La cytologie étudie les cellules individuellement et ne fournit pas d’information sur l’architecture des tissus. L’histologie sera préférable pour l’évaluation des néoplasies. L’examen cytologique permet aussi de guider la stratégie thérapeutique, particulièrement concernant la nécessité d’une antibiothérapie ou d’un traitement antifongique. Le choix des antibiotiques peut être orienté selon la présence de coques, de bacilles ou d’un mélange. Il permet de décider de la mise en place de traitements anticollagénases, ce qui parfois n’est pas évident cliniquement.
Le matériel nécessaire inclut les instruments pour la contention du cheval, la mise en place de l’anesthésie locale, la réalisation du prélèvement et son exploitation (encadré et photo 1).
Une sédation est pratiquée à l’aide de détomidine à la dose de 0,02 à 0,04 mg/kg par voie intraveineuse. Une anesthésie auriculo-palpébrale (bloc moteur) et supraorbitaire (bloc sensitif) est mise en place via l’injection de 2 ml d’anesthésique local par voie sous-cutanée avec une aiguille de 25 G 5/8” (photos 2 et 3). L’instillation de 2 ou 3 gouttes de collyre, à répéter toutes les minutes pendant 5 minutes, permet d’obtenir une anesthésie topique (photo 4). Les prélèvements pour la microbiologie doivent être effectués préalablement à cette instillation. L’œil est nettoyé pour éviter de récolter trop de mucus, de débris, de cellules inflammatoires, ou une flore polymorphe, ces éléments n’étant pas spécifiques et pouvant fausser le diagnostic.
Le prélèvement est effectué plutôt au bord des lésions cornéennes (tissus nécrotiques au centre) et le plus profondément possible. En cas de suspicion de néoplasie, un prélèvement à la surface de la lésion est en revanche privilégié. Il existe toujours un risque de rupture cornéenne. La survenue de cette complication peut être limitée par l’utilisation de lunettes grossissantes.
En présence d’une masse, les cellules sont recueillies par aspiration à l’aiguille. Néanmoins, le plus souvent, le prélèvement est pratiqué via un raclage à 45° à l’aide d’une spatule Kimura ou d’une lame de bistouri à l’envers, ou par brossage avec une cytobrosse ou une brossette interdentaire stérilisée (photos 5 à 7). Une cytobrosse peut se révéler d’une longueur trop importante par rapport à la taille d’une lésion ou à la courbure de la cornée. Une brossette interdentaire, préalablement stérilisée, peut constituer une solution alternative pratique. D’après une étude, la qualité des prélèvements est comparable avec la cytobrosse, la lame de bistouri et la spatule Kimura [4]. La lame de bistouri à l’envers permet d’obtenir le plus grand nombre de cellules. La cytobrosse fournit une moins bonne répartition cellulaire. Dans des cas de kératite ulcéreuse, la lame de bistouri a contribué à une meilleure qualité diagnostique, mais les trois techniques se sont montrées utiles à l’évaluation. Une technique par impression est aussi décrite, mais nécessite du matériel spécifique [2]. Une membrane de type Biopore, sur son support cylindrique, est appliquée directement sur la cornée. Cette membrane, qui devient transparente une fois humidifiée, est colorée directement et placée sur une lame pour la lecture au microscope [1]. Une autre étude compare la cytologie par impression à la technique de la cytobrosse [1]. La qualité des cellules est comparable, mais leur quantité est plus élevée par impression. Le prélèvement par impression, moins invasif et irritant pour la cornée, permet de préserver la disposition des cellules, en particulier sur une cornée fragile [2]. Il est recommandé de faire de multiples lames. Les prélèvements effectués par raclage sont étalés de la même façon que pour un frottis sanguin, en faisant attention à ne pas écraser le matériel sur la lame. Pour les prélèvements à la brosse, cette dernière est roulée sur toute la longueur de la lame (vidéo).
Les lames sont fixées par séchage à l’air. Il convient d’en garder certaines non colorées à envoyer à un spécialiste si nécessaire. Une coloration rapide de type Diff-Quick est suffisante pour l’interprétation dans la plupart des cas. Si des coques ou des bacilles sont observés, une coloration de Gram peut être effectuée en complément.
Les éléments à reconnaître sont habituels et la lecture des lames demande un niveau d’entraînement basique (photos 8 à 10).
Plusieurs types cellulaires sont distingués :
- les cellules épithéliales cornéennes (30 à 50 µ) : grosses cellules au noyau central, rondes ou ovales, voire polyédriques lorsqu’elles sont regroupées. Le cytoplasme contient parfois des granules de mélanine caractéristiques (prélèvement au niveau du limbe ou lésion pigmentée) ;
- les lymphocytes (6 à 9 µ) : cellules au cytoplasme peu abondant et au noyau rond ;
- les polynucléaires neutrophiles (10 à 15 µ) : petites cellules au noyau plurilobulé ;
- les polynucléaires éosinophiles (12 à 17 µ) : cellules plus grosses que les neutrophiles, au noyau un peu lobulé, au cytoplasme abondant contenant des granules acidophiles ;
- les mastocytes : cellules de taille équivalente aux éosinophiles, au noyau non segmenté et au cytoplasme abondant contenant de nombreux granules.
D’autres éléments peuvent aussi être observés, tels que des bactéries (intracellulaires ou extracellulaires) et des éléments fongiques (photos 11 et 12). Ces derniers ne retiennent généralement pas les colorants. Ce sont surtout des hyphes, longs et fins filaments septés qui se dédoublent ou forment des branches.
Aucun
• Médicaments pour la sédation (détomidine).
• Lidocaïne à 2 % ou mépivacaïne à 2 %.
• Aiguille de 25 G 5/8” et seringue de 2 ml pour les blocs anesthésiques.
• Collyre à la proxymétacaïne ou tétracaïne pour l’anesthésie topique.
• Gants non stériles.
• Lame de bistouri, spatule Kimura, cytobrosse ou brossette interdentaire.
• Lames pour microscope propres.
• Système de rangement pour les lames.
• Microscope standard et coloration rapide de type Diff-Quick (bains changés régulièrement).