TRAUMATOLOGIE
Dossier
Traumatologie
Auteur(s) : Nimet BROWNE
Fonctions : Hagyard Equine Medical Institute 4250 Iron Works Pike Lexington, Kentucky 40511-8412 (États-Unis)
L’échographie et la tomodensitométrie sont les techniques d’imagerie les plus sensibles permettant de localiser les lésions et d’en évaluer la gravité. Des complications graves, voire mortelles, sont possibles.
Les fractures de côtes chez les poulains nouveau-nés ne sont pas rares, mais elles sont plus fréquentes en cas de dystocie, d’intervention humaine et de mise bas par une jument primipare [1]. Les premiers rapports du Livestock Disease Diagnostic Center du Kentucky indiquent que les fractures costales sont les plus fréquemment observées chez les poulains autopsiés à 1 jour de vie [5]. Les premières études portant sur la prévalence des fractures costales dans les haras montrent que jusqu’à 21 % des poulains en souffrent, sans nécessiter d’hospitalisation [5]. Ces lésions seraient dues à une mauvaise extension du coude lorsque le poulain entre dans le canal de naissance, à des manipulations excessives pendant la mise bas et au bassin étroit de certaines juments primipares. Selon plusieurs études, les poulains sont trois fois plus sujets à ces fractures qui surviennent le plus souvent au niveau de la troisième côte et jusqu’à la sixième, bien que des lésions plus caudales soient également observées [2, 8]. Une étude rétrospective incluant des poulains admis dans une unité de soins néonatals au Kentucky montre qu’ils peuvent présenter des fractures de côtes seules ou accompagnées de comorbidités telles qu’une septicémie ou un syndrome de maladaptation néonatale [8]. Les complications parfois mortelles liées aux fractures costales comprennent les contusions pulmonaires et cardiaques, l’hémothorax, l’épanchement péricardique, le pneumothorax, la lacération ou hernie diaphragmatique, l’hémoabdomen et les lacérations myocardiques [6, 8].
Dans une étude menée en 2001, sur 56 poulains présentant des fractures de côtes, 27 n’ont pas survécu jusqu’à leur sortie de l’hôpital. La mort de 14 des 27 poulains n’ayant pas survécu était directement liée à des complications dues aux fractures costales [8]. En raison du risque de complications potentiellement mortelles, la détection et le traitement précoces des fractures de côtes sont essentiels.
Les signes cliniques dépendent de la gravité des lésions et vont d’une forme asymptomatique à des symptômes tels qu’une dyspnée, une tachypnée, une tachycardie, des coliques, un gonflement externe, des hématomes et même des difficultés ou une réticence à se tenir debout. Un examen physique complet permet de détecter les signes d’un traumatisme thoracique, mais des fractures peu déplacées peuvent facilement passer inaperçues. La palpation des côtes permet de repérer un gonflement, une douleur, une instabilité et/ou une asymétrie au niveau du site de la fracture, ces signes étant plus marqués lorsque les fractures sont déplacées. Une palpation soigneuse et systématique de chaque côte, lorsque le poulain est en décubitus latéral ou en position debout, permet d’identifier les moins évidentes. L’auscultation du thorax peut révéler un claquement (clicking) lorsque les fragments de la fracture glissent l’un sur l’autre, bien que ce bruit soit intermittent et parfois difficile à entendre. Dans ces cas, il est important d’exclure d’autres causes de bruits respiratoires anormaux et d’anomalies cardiaques. Les fractures de côtes au niveau de la jonction costochondrale, qui peuvent ne provoquer que des dommages tissulaires modérés, sont plus difficiles à détecter lors de l’examen physique. Les autres signes cliniques associés aux fractures de côtes peu déplacées, ainsi qu’à celles situées à proximité de la jonction costochondrale, comprennent les gémissements (grunting) ou grognements (groaning) respiratoires, les plaques d’œdème ventral autour du sternum et la douleur à la palpation. Bien que moins fréquente, la présence de multiples fractures de côtes peut entraîner l’apparition d’un volet costal pendant l’inspiration, lorsque le segment affecté s’effondre vers l’intérieur. Le volet costal désigne une partie affaiblie de la paroi thoracique qui ne peut pas contribuer correctement à une expiration suffisante (vidéo 1).
La détection et le traitement rapides des fractures de côtes sont cruciaux pour le poulain nouveau-né. L’évaluation initiale doit comprendre une numération sanguine complète, une biochimie sérique, la mesure du taux d’immunoglobulines G et de lactate. Ces analyses permettent non seulement d’identifier une septicémie et un défaut du transfert de l’immunité passive, mais aussi de détecter les animaux qui présentent un choc cardio-vasculaire ou hémorragique.
Le recours à des examens d’imagerie thoracique plus poussés peut confirmer le diagnostic de fracture costale déplacée. La radiographie thoracique manque généralement de sensibilité. Cependant, l’échographie thoracique offre une sensibilité plus élevée (95 %) et une spécificité similaire (100 %) à celle de la radiographie. Elle permet de localiser les lésions et d’estimer leur gravité, ainsi que le nombre de fractures (photos 1 et 2). De plus, elle fournit des informations concernant les comorbidités, notamment la présence de contusions pulmonaires, d’épanchements pleural ou péricardique, d’un pneumothorax. En général, les fractures de côtes du côté gauche sont plus fréquentes que celles du côté droit et se situent généralement à moins de 3 cm de la jonction costochondrale [6].
Des études récentes montrent que la tomodensitométrie peut être utile pour l’identification des fractures de côtes chez le poulain et la planification chirurgicale [4]. Les mouvements de l’animal, la localisation des lésions et la respiration rendent difficile l’examen échographique précis de ces fractures. Les trouvailles échographiques diffèrent souvent de celles de la tomodensitométrie et, dans l’étude de Garrett et ses collaborateurs, les résultats chirurgicaux sont meilleurs chez les poulains ayant subi un examen tomodensitométrique pour la planification chirurgicale [4]. L’imagerie du thorax permet d’identifier les facteurs de complication tels que le pneumothorax, l’hémothorax et/ou l’hémoabdomen. Les contusions pulmonaires représentent la complication la plus fréquente et se situent généralement à proximité du site de fracture [8]. En outre, dans certains cas, des affections concomitantes sont observées telles qu’une septicémie, un syndrome de maladaptation néonatale, un défaut du transfert de l’immunité passive et, parfois, un choc hémorragique. Une évaluation thoracique plus poussée, visant à détecter la présence bilatérale ou unilatérale d’un épanchement pleural ou péricardique et à évaluer la proximité de la fracture avec le myocarde, se révèle utile à la fois pour la stabilisation médicale et pour la prise de décision concernant la fixation chirurgicale. Les lésions des tissus mous associées peuvent être facilement visualisées via l’échographie et la tomodensitométrie. Ainsi, l’imagerie permet d’évaluer le degré et la gravité des lésions secondaires aux fractures de côtes, mais aussi de détecter des fractures caudales susceptibles de menacer l’intégrité du diaphragme. Les hernies diaphragmatiques traumatiques peuvent être détectées grâce à la présence de viscères gastro-intestinaux dans la cavité pleurale, ou suspectées lorsqu’un hémoabdomen est observé chez un poulain présentant des fractures costales, en raison d’une déchirure traumatique du diaphragme [8].
Les options de traitement lors de fractures de côtes chez un poulain sont réparties en deux catégories : la prise en charge médicale et l’intervention chirurgicale. Contrairement aux poulains nés avec des fractures de côtes mais en bon état général et restés à la ferme, ceux qui sont hospitalisés dans un centre de référés sont davantage susceptibles de présenter des fractures déplacées, souvent associées à des hématomes, un hémothorax, un pneumothorax ou un épanchement péricardique. En outre, les poulains qui nécessitent une hospitalisation pour des fractures de côtes présentent fréquemment une affection concomitante telle qu’une septicémie, un syndrome de maladaptation néonatale et/ou un défaut du transfert de l’immunité passive. La stabilisation de ces cas comprend généralement le traitement des affections sous-jacentes, mais peut aussi nécessiter des interventions ciblant directement les conséquences des fractures, et notamment une thoracocentèse avec drainage pleural, l’évacuation d’un pneumothorax, voire une transfusion sanguine.
La prise en charge médicale des fractures de côtes non compliquées, ou de celles sans facteurs aggravants et peu déplacées, implique généralement un repos strict au box et une gestion de la douleur. Les stratégies de prise en charge de la douleur comprennent l’utilisation modérée d’anti-inflammatoires non stéroïdiens sélectifs et non sélectifs, ainsi que d’opioïdes, tels que le butorphanol ou le fentanyl dans certains cas. Si le poulain souffre d’autres affections concomitantes, le traitement médical doit être axé sur les comorbidités. Lorsque les fractures de côtes sont associées à des lésions pulmonaires, encourager l’animal à se mettre en décubitus latéral, avec le côté affecté vers le bas, contribue à minimiser la charge ventilatoire du poumon non touché [8]. De manière anecdotique, les poulains plus actifs ou ceux qui présentent un déficit neurologique secondaire au syndrome de maladaptation peuvent nécessiter une légère sédation pour prévenir d’autres atteintes ou le déplacement des fractures. Une intervention médicale complémentaire se révèle parfois utile dans les cas où un hémothorax est diagnostiqué. Si le poulain ne présente pas de signes de détresse respiratoire, une thoracocentèse et un drainage ne sont pas nécessaires, mais l’administration de procoagulants peut favoriser l’hémostase. Des transfusions de sang et de plasma sont à envisager en cas d’atteinte cardio-vasculaire. Le traitement médical complémentaire comprend l’utilisation d’antibiotiques à large spectre, d’analgésiques et de fluides intraveineux [8].
La prise en charge chirurgicale des fractures costales chez le poulain permet de stabiliser les côtes déplacées afin d’éviter d’endommager davantage les organes vitaux. Les animaux souffrant de fractures déplacées dans le sens axial, qui impliquent les quatrième, cinquième et sixième côtes dans l’hémithorax gauche, sont considérés comme à risque élevé de lésions potentiellement mortelles (vidéo 2) [1]. Ainsi, une intervention chirurgicale est indiquée lorsque les fractures de côtes sont nettement déplacées, situées directement au-dessus du cœur, et en présence d’un hémothorax, d’un épanchement péricardique ou d’une hernie diaphragmatique. Parmi les techniques chirurgicales décrites pour la réparation des fractures de côtes figurent les sutures ou fils percutanés avec attelles externes, les plaques avec vis et fil de cerclage, les attaches de câble en nylon et le fil de cerclage utilisé seul (tableau). Dans une étude menée en 2004, la plupart des poulains ont subi une réduction de deux ou trois fractures, les côtes les plus souvent stabilisées étant la quatrième et la cinquième [2]. Dans certains cas, toutes les fractures ne sont pas réparées, mais seulement celles qui sont nécessaires pour assurer une stabilité suffisante, limiter les lésions thoraciques internes en cours et rétablir une fonction satisfaisante de la paroi thoracique [2]. Lorsque plus de 4 côtes sont fracturées, plusieurs stratégies peuvent être combinées pour réduire la durée de l’intervention chirurgicale [1]. Dans cette même étude, ainsi que dans d’autres plus récentes, la technique chirurgicale ne semble pas influer sur les résultats. En outre, si une hernie diaphragmatique est constatée au moment de l’opération, sa réparation s’impose. L’utilisation d’une attelle externe est peu courante, tandis que les techniques de fixation interne semblent entraîner moins de mortalité et d’infection au niveau du site opératoire (photo 3) [1]. Les complications chirurgicales possibles comprennent le développement d’un pneumothorax, d’un hémothorax, de lacérations ou d’une tamponnade cardiaques [1]. L’aspiration percutanée peut être utilisée pour rétablir une pression intrapleurale négative avant la fermeture de la peau, et peut également être nécessaire en période postopératoire immédiate. Si un pneumothorax persistant est détecté, la mise en place d’un drain thoracique à demeure permet de maintenir une pression négative. Les autres complications postopératoires incluent une défaillance de l’implant, la formation de séromes ou d’hématomes, et les infections du site opératoire (photos 4 et 5) [1]. Bien que rare, la défectuosité de l’implant peut être fatale lorsqu’elle se produit.
Il existe relativement peu d’études portant sur le pronostic à court ou à long terme lors de fractures de côtes chez le poulain. Dans une étude de 1999, la prévalence de ces fractures ou des luxations costochondrales était de 20 % chez les poulains âgés de moins de 3 jours dans un élevage de pur-sang. Au cours des 6 mois pendant lesquels ces poulains ont été suivis, aucune conséquence clinique importante n’a été associée à ces lésions [5]. En revanche, dans d’autres études nécropsiques, jusqu’à 28 % des cas de mortalité à la suite d’un traumatisme thoracique ont été attribués à des fractures de côtes [7]. Cette divergence concernant la mortalité est probablement due à des différences de gravité, de localisation et de comorbidités au sein des groupes. En 2022, selon Alvarez et son équipe, 78 % des poulains ayant subi une réparation chirurgicale de fractures de côtes ont survécu jusqu’à leur sortie de l’hôpital. Dans cette étude, les comorbidités telles que l’épanchement péricardique, la lacération diaphragmatique, l’hémothorax ou le pneumothorax n’ont pas eu d’incidence significative sur les taux de survie. En outre, les nouveau-nés dont les fractures de côtes avaient été réparées chirurgicalement ont pu participer à des courses de la même façon que leurs frères et sœurs maternels [1].
Les fractures de côtes doivent être considérées comme une entité clinique courante chez le poulain nouveau-né. Les animaux issus d’une délivrance vaginale contrôlée ou assistée en raison d’une dystocie, ainsi que les poulains nés de juments primipares, doivent toujours être considérés comme présentant un risque élevé de traumatisme thoracique. Une palpation manuelle soigneuse lors de l’examen physique est la première étape pour identifier les fractures de côtes. Si la palpation ne révèle pas la présence de fractures, mais que des suspicions subsistent, les examens échographique et tomodensitométrique sont les étapes suivantes. Le nombre, la localisation, la gravité des fractures ainsi que la présence de comorbidités doivent être pris en compte pour déterminer les cas qui se prêtent le mieux à une prise en charge médicale. Le taux de survie des poulains qui subissent une intervention chirurgicale est proche de 80 %, et environ 60 % d’entre eux participent ensuite à des courses. Aucune étude similaire n’a été réalisée chez les chevaux de sport.
Aucun