Les fractures épiphysaires chez le poulain : diagnostic, traitements et pronostic - Pratique Vétérinaire Equine n° 223 du 01/10/2024
Pratique Vétérinaire Equine n° 223 du 01/10/2024

TRAUMATOLOGIE

Dossier

Traumatologie

Auteur(s) : Hervé BRÜNISHOLZ

Fonctions : Institut suisse de médecine équine (Isme) Département de médecine vétérinaire clinique Faculté Vetsuisse Université de Berne Länggasstrasse 124 Postfach 8466 CH-3001 Berne (Suisse)

Une intervention précoce est essentielle pour minimiser les lésions au niveau de la physe. Grâce à la capacité de régénération osseuse du poulain, une fracture stabilisée mécaniquement guérit dans la majorité des cas.

De nombreuses fractures des os longs rencontrées chez le poulain sont localisées dans la région épiphysaire, plus précisément au travers de la zone de croissance appelée également cartilage de conjugaison (encadré). Afin de caractériser ces fractures épiphysaires, la classification dite de Salter-Harris, du nom de deux chirurgiens orthopédistes en médecine humaine, est également utilisée communément en médecine vétérinaire (figure) [20]. Chaque cartilage de conjugaison permet la croissance rapide de l’os pendant un laps de temps assez bien déterminé. C’est durant cette période de croissance rapide que l’os est le plus fragile. Après ce stade, la zone épiphysaire reste fragile pendant plusieurs mois et susceptible de se fracturer. Sur les images radiographiques, le cartilage de conjugaison est encore apparent de nombreux mois après la fin de la croissance de l’os. Entre 20 et 30 % des fractures observées chez les poulains sont des fractures épiphysaires [23]. Les os les plus communément atteints sont le fémur, l’ulna, l’humérus et le tibia. Les os plus petits, tels que ceux des phalanges, sont moins concernés. Les traitements possibles ainsi que le pronostic dépendent fortement de la localisation de la fracture, mais aussi de sa configuration ainsi que du laps de temps écoulé entre le traumatisme ayant causé la fracture et sa prise en charge. En effet, les micromouvements entre les fragments au niveau de la zone de croissance ne peuvent être annihilés, même avec un bandage stabilisant efficace, ce qui peut engendrer des blessures irréversibles au niveau du cartilage de conjugaison. Une prise en main rapide et définitive est impérative pour augmenter les chances de guérison. Pour certains types de fractures épiphysaires et selon l’os touché, un traitement conservateur peut être suffisant [1, 16]. Une intervention chirurgicale est à envisager lorsqu’une réduction suffisante et une bonne stabilisation ne peuvent être garanties par un traitement conservateur, ou lorsque la ligne de fracture traverse l’articulation [3]. En raison de leur localisation à l’extrémité des os, ces fractures n’autorisent le chirurgien qu’à placer un nombre limité de vis dans le fragment épiphysaire, ce qui complique l’acte chirurgical [17]. En revanche, la taille et le poids des animaux ainsi que l’excellente capacité de guérison de l’os en croissance sont des avantages dont il pourra tirer parti. Les lésions des couches cartilagineuses de l’épiphyse sont fréquentes et entraînent souvent une fermeture prématurée de la zone de croissance. Les conséquences dépendent de l’âge du poulain, de la plaque de croissance concernée et du fait que l’épiphyse se ferme entièrement ou partiellement [8, 9]. Concernant les fractures épiphysaires, la seule étude assez étendue effectuée jusqu’à maintenant date de 1986 [8, 9]. Elle démontre que seulement 54 % des fractures de ce type guérissent et que seuls 25 % des poulains affectés sont considérés comme guéris à long terme. Bien que les techniques de traitement aient évolué depuis sa publication, ces chiffres reflètent la gravité de ces lésions ainsi que les pertes économiques qu’elles peuvent engendrer.

PRISE EN CHARGE DU POULAIN

De manière générale et à l’instar des autres affections, une anamnèse précise ainsi qu’un examen général sont de la plus grande importance. Les poulains étant particulièrement vulnérables, leur état général peut se dégrader très rapidement. Il est important de mesurer le degré d’hydratation ainsi que le taux de glycémie chez un poulain qui n’arrive plus à téter à cause de sa fracture. Une fluidothérapie appropriée doit être mise en place pour stabiliser l’état de l’animal avant de traiter la fracture. Des radiographies sont effectuées au moment du diagnostic, avant l’immobilisation du membre. De nouvelles images sont souvent réalisées à l’admission dans un centre chirurgical de référence après le transport. Dans les cas de fracture ouverte, les plaies sont nettoyées et évaluées avant le transport, car ces fractures sont en général associées à un pronostic moins favorable. Une antibiothérapie à large spectre ainsi qu’une prophylaxie antitétanique sont mises en œuvre rapidement. De manière générale, il est primordial de minimiser les mouvements du poulain de façon à ne pas aggraver la lésion dans la zone épiphysaire. Une stabilisation du membre fracturé avant le transport est primordiale [11]. Elle doit être la plus légère possible pour permettre au jeune de se déplacer sans risquer d’aggraver la blessure. Si possible, un bandage est appliqué, avec une attelle rigide mais légère. Bien que l’utilisation de bandes de résine synthétique en fibre de verre soit de plus en plus répandue, l’usage de demi-tubes de polyvinyl chloride (PVC) convient également, sauf pour les fractures touchant la partie proximale des membres pour lesquelles il est souvent plus pertinent de ne pas appliquer de bandage. Par rapport aux adultes, les poulains peuvent plus facilement se déplacer en soulageant complètement un membre fracturé en raison de leur poids léger.

LES FRACTURES ET LEUR TRAITEMENT SELON LEUR LOCALISATION

Phalanges

Les fractures de Salter-Harris sont assez rares dans la partie distale du membre. Les seules fractures décrites dans les publications spécialisées sont celles de la plaque épiphysaire proximale de la phalange proximale [3, 8, 9, 22]. Les types les plus courants sont les fractures de types 2 et 3. Celles avec un déplacement fragmentaire nul ou minimal peuvent être traitées de manière conservatrice à l’aide d’un plâtre montant jusqu’en haut du canon, appliqué sous anesthésie générale ou sous une forte sédation, avec l’animal en décubitus latéral. Le plâtre est changé toutes les 2 à 3 semaines pour limiter les escarres de croissance et l’hyperlaxité. En raison de leur fort potentiel cicatriciel, les poulains de moins de 1 mois sont plâtrés pendant environ 3 semaines. Pour les plus âgés, le plâtre est conservé pendant 4 à 6 semaines, avec toutefois un changement après 2 à 3 semaines. Une fois le plâtre enlevé, le poulain est maintenu au box jusqu’à la cicatrisation radiographique de la fracture et la récupération du tonus musculaire et tendineux [15]. Le pronostic à la suite d’un traitement conservateur est bon, bien que la complication principale soit le développement précoce d’arthrose au niveau de l’articulation du boulet dû à la présence d’une marche articulaire [3, 4, 8, 9, 16, 22]. Quand la fracture est déplacée ou lorsqu’elle est de type 3 avec une implication articulaire, une prise en charge chirurgicale est recommandée. La pose de vis, de vis et de cerclages, ou de vis et de plaques vise à réduire et à stabiliser le cartilage de croissance fracturé. Le poulain est positionné avec la pointe métaphysaire placée en haut, afin que la force de gravité joue en faveur du chirurgien au moment de la réduction [19]. Toutes les précautions sont prises pour ne pas blesser le cartilage de croissance avec les implants choisis, de manière à ne pas nuire à la croissance de l’os [4]. Toutefois, certaines publications montrent que si la pose d’une vis transphysaire peut perturber la croissance de la phalange proximale, comparée à celle des autres membres, cela n’a pas d’influence notable sur la taille totale du membre au final [12, 14]. La croissance longitudinale du membre serait ainsi compensée au niveau des autres zones de croissance du même membre [10, 12, 23]. Cependant, si cette compensation est possible pour un petit os tel que la phalange proximale, cela n’est probablement pas le cas pour les os longs. Dans toutes les situations, une réduction avec une stabilisation optimale minimise les risques de développement d’arthrose postopératoire et améliore ainsi le pronostic sportif pour l’animal.

Troisièmes métacarpes et métatarses

Les fractures de Salter-Harris de la zone de croissance distale du canon sont assez fréquentes et représentent environ 10 % de toutes les fractures du cartilage de conjugaison chez les poulains [8, 9]. Dans la grande majorité des cas, il s’agit de fractures de type 2 qui surviennent de façon traumatique lorsque le poulain couché est piétiné par sa mère. Pour ceux de moins de 2 mois d’âge, un plâtre rigide incluant le pied et remontant jusqu’en haut du canon est mis en place pendant 2 à 3 semaines, suivi d’un bandage avec attelle ou de type Robert-Jones pour 2 à 3 semaines supplémentaires. Pour les poulains plus âgés ou en cas de fort déplacement, un traitement chirurgical est conseillé. Il peut se limiter à l’implantation de vis corticales en compression appliquées dans la partie métaphysaire, ainsi qu’à un plâtre rigide pour une durée de 2 semaines environ (photos 1a et 1b). Cette technique, décrite par Klopfenstein et ses collaborateurs, permet la fixation de la fracture sans interférer avec le cartilage de conjugaison et ne ralentit pas la croissance de l’animal, ce qui est particulièrement important chez les poulains de moins de 4 mois [14]. Certains chirurgiens préfèrent la mise en place d’un implant plus consistant qui joue le rôle de pont sur le cartilage de conjugaison. Un pontage épiphysaire est effectué en plus de la pose des vis corticales, comme décrit précédemment (photos 2a et 2b). D’autres préfèrent l’utilisation d’une plaque et une fixation à l’aide de vis corticales. Ces deux variantes ont l’avantage de réduire le temps de coaptation. Toutefois, une fois la fracture guérie, les implants doivent être retirés pour ne pas entraver la croissance du membre. Le pronostic, considéré comme bon, est fortement dépendant de la réduction adéquate de la fracture ainsi que de l’alignement antomique du canon.

Radius

Les fractures épiphysaires du radius sont plus souvent observées au niveau de la physe proximale que de la physe distale, même si les deux sont possibles [21, 24]. Bien qu’une prise en charge conservatrice soit envisageable chez de très jeunes animaux, la plupart de ces fractures nécessitent une intervention chirurgicale. Les fractures de la physe proximale impliquent également l’ulna dans la grande majorité des cas (photo 3). Les fractures de types 1 et 2 sont prédominantes, celles de type 3 sont plus rares. Pour les fractures touchant cette zone de croissance proximale, la méthode chirurgicale recommandée consiste à fixer l’ulna avec une plaque de compression verrouillée (LCP) incluant le radius. La plaque doit impérativement être enlevée une fois la fracture cicatrisée, pour limiter les anomalies d’aplomb. Le pronostic pour une utilisation sportive est assez bon lorsque le cartilage de conjugaison n’est pas endommagé et que la réduction osseuse et l’axe de l’os sont respectés. Les fractures de la physe distale sont généralement de types 1 ou 2. Pour les plus jeunes animaux, un plâtre peut se révéler suffisant, du moment que l’axe anatomique est respecté. À partir de 2 mois d’âge, une fixation avec des vis et un cerclage, à la manière de ce qui est effectué dans le cas des déviations angulaires, est à envisager. Il convient alors de retirer les implants lors d’une deuxième opération afin de ne pas nuire à la croissance de l’os.

Ulna

La plupart des fractures épiphysaires de l’ulna touchent l’apophyse proximale de l’os. Assez communes, elles correspondent à 15 % environ de l’ensemble des fractures épiphysaires observées chez le poulain [8, 9]. Le pronostic est plutôt bon.

Type 1

Les fractures les plus courantes sont de type 1, ce qui correspond au type 1a de la classification des fractures propre à l’ulna. Leur origine est en général traumatique, secondaire à de trop fortes tensions exercées sur l’apophyse lors d’une chute ou d’une ruade, voire lors d’un simple galop au pré. Un fort déplacement est souvent noté. Les poulains présentent alors une position dite de dropped elbow (coude descendu) similaire à celle observée chez les adultes souffrant de fractures du coude, incapables de tenir leur carpe en position tendue. Un traitement conservateur peut être envisagé en cas de déplacement minime, lorsque le poulain est capable de charger son membre sans le support d’une attelle ou d’un plâtre, ce qui est plutôt rare. Quelques semaines de confinement (3 à 4) sont alors suffisantes. Toutefois, chez la plupart des animaux, un traitement chirurgical est nécessaire. La prise en charge recommandée consiste à utiliser une plaque LCP fortement recourbée en face proximale, de façon à envelopper l’apophyse fracturée. Au préalable, il est important de séparer l’insertion tendineuse du triceps sur l’apophyse de l’ulna, afin de pouvoir insérer les vis proximales. L’utilisation de vis spongieuses est conseillée pour la partie proximale de l’os chez les plus jeunes poulains. En raison de la conformation du montage, la zone de croissance est fixée en phase postopératoire [18]. Après 8 à 10 semaines de repos au box, la guérison de la fracture doit être effective et les implants peuvent alors être retirés, permettant ainsi une transmission naturelle des forces biomécaniques sur l’olécrane qui peut se développer normalement.

Type 2

Les fractures de type 2 (type 1b propre à l’ulna) avec implication articulaire sont plus rares, mais également décrites. Les signes cliniques sont identiques, avec le plus souvent une fracture d’origine traumatique, consécutive à un coup, et qui concerne des animaux en général plus âgés (1 an). Le surplus d’os à disposition pour le chirurgien permet une stabilisation plus efficace que pour les fractures de type 1. Toutefois, il est toujours primordial d’envelopper la partie proximale de l’os avec la plaque. Dans la mesure du possible, il convient d’engager quelques vis corticales au travers de la plaque dans le corps de l’olécrane au niveau de la métaphyse afin de réduire au minimum l’espace interfragmentaire intra-articulaire, selon le principe de compression interfragmentaire inhérent au trou combiné de la plaque LCP, à condition de bénéficier d’un système de contrôle radiologique performant. Chez les animaux plus âgés, l’os plus dense permet une meilleure fixation des implants et une meilleure stabilisation. De manière générale, pour les poulains de moins de 12 mois, il est recommandé de ne pas engager les vis distales dans le cortex caudal du radius, sous peine de créer un pontage entre le radius et l’ulna [7]. Si, pour des raisons de stabilité, les vis doivent engager une partie du radius, il est essentiel de procéder à des contrôles radiographiques postopératoires réguliers, afin de déterminer si la guérison de la fracture est suffisamment avancée pour permettre le retrait de la plaque et des vis et prévenir ainsi une subluxation huméro-ulnaire [18]. Si la facture met plus de temps à cicatriser et qu’une subluxation est en train de se développer, les vis distales doivent être remplacées par des vis plus courtes n’engageant que l’ulna. En cas de subluxation malgré le retrait des implants, une ostéotomie de l’ulna peut être envisagée pour corriger l’anomalie [13].

Humérus

Les fractures épiphysaires de l’humérus sont assez fréquentes (jusqu’à 15 % de cas rapportés) [8, 9]. La plupart se situent sur la partie distale de l’os. Lorsqu’un traitement est envisagé, ces fractures doivent impérativement être traitées de manière chirurgicale avec une fixation interne. Les forces appliquées sur la partie distale de l’humérus, notamment sur l’épiphyse, sont très importantes, ce qui complique l’intervention. Bien que plusieurs techniques aient été tentées (pins et cerclage, vis de compression, plaques LCP), les cas dont l’issue est favorable restent anecdotiques. Un rapport publié par Ahern et Richardson décrit la fixation d’une fracture de Salter-Harris humérale de type 2 en recourant à une ostéotomie de l’ulna [2]. La fracture humérale est d’abord stabilisée à l’aide d’une large plaque LCP de 7 trous et 3 vis corticales libres afin de fixer le fragment médial, puis l’ostéotomie de l’ulna est réalisée de manière standard avec également une plaque LCP. D’après les auteurs, le résultat final est satisfaisant d’un point de vue cosmétique et fonctionnel à 6 mois postopératoires. Il s’agit ici d’un cas isolé. De manière générale, le pronostic associé aux fractures épiphysaires de l’humérus reste sombre.

Tibia

Les fractures épiphysaires du tibia sont assez courantes (environ 10 % des cas) [8, 9]. Les fractures de la physe proximale sont nettement plus fréquentes et comptent parmi les fractures de Salter-Harris les plus répandues chez le poulain. Dans la plupart des cas, il s’agit de fractures de type 2 résultant d’une force de tension latéro-médiale. La fracture survient typiquement lorsqu’un poulain couché essaie de se lever alors que son membre postérieur supérieur est entravé sous une barrière, ou lorsque la mère peu regardante piétine la partie supérieure de sa jambe. Un coup porté par un congénère sur la partie latérale de la jambe en charge peut également provoquer ce genre de fracture. En raison des forces de flexion sur la partie latérale du membre et du bras de levier exercé, la ligne de fracture se propage alors vers la métaphyse latérale, formant typiquement un fragment métaphysaire de forme triangulaire et laissant la partie latérale de l’épiphyse intacte. La prise en charge immédiate consiste à limiter les mouvements du poulain pour ne pas aggraver les dommages du cartilage de croissance. Il n’est pas nécessaire et il est même contre-indiqué d’essayer de stabiliser le membre à l’aide d’une attelle ou d’un plâtre, car cela augmente l’effet de levier sur la ligne de fracture. La prise en charge chirurgicale de ces fractures s’effectue par la pose d’une plaque LCP sur la partie médiale du tibia, associée ou non à une bande de tension proximale sur le plateau tibial. Une plaque LCP en T ou en L est indiquée, car elle permet d’insérer davantage de vis dans l’épiphyse et d’améliorer la stabilité du montage (photos 4a à 4c). La partie distale de la plaque est disponible dans différentes longueurs qui s’adaptent ainsi à tout type de taille. Le manque de tissus mous sur la face médiale augmente le risque d’infection en période postopératoire. Chez les jeunes animaux, la guérison est assez rapide et généralement la plaque peut être enlevée 6 à 8 semaines après l’intervention car elle gêne peu la croissance de l’os. Le pronostic est assez bon. Les fractures ouvertes ont tendance à entraîner plus de complications (infection, déhiscence). Plus le poulain est jeune et léger, meilleures seront les chances de rétablissement.

Fémur

Le fémur est l’os le plus souvent affecté par une fracture de type Salter-Harris [8, 9]. Celle-ci peut survenir, de manière plus ou moins égale, aussi bien sur la partie proximale que sur la partie distale de l’os. La mise en évidence de ces fractures n’est pas aisée et nécessite des images radiographiques de qualité qui ne sont souvent réalisables que sur un animal couché, sous anesthésie générale ou forte sédation.

En partie proximale

Sur la partie proximale, c’est-à-dire au niveau de la tête du fémur, il s’agit le plus souvent de fractures de types 1 ou 2. Les traitements conservateurs ont dans la plupart des cas une issue défavorable. La technique chirurgicale la plus pratiquée est la mise en place de plusieurs vis de compression pour stabiliser la tête du fémur et ainsi réduire le risque de récidive. Toutefois, la réduction de la fracture et l’alignement correct de l’os sont des éléments clés dans la réussite de l’opération et nécessitent une certaine habilité de la part du chirurgien. Le pronostic pour ce genre de fractures est assez réservé. Les plus jeunes animaux, plus légers, ont de meilleures chances de guérison.

En partie distale

Les fractures sur la partie distale de l’os sont le plus souvent de type 4 et occasionnellement de types 2 ou 3. Les fractures de Salter-Harris de type 4 sont en général dans un plan sagittal et atteignent l’articulation du grasset au niveau de l’entaille intercondylaire du fémur. Les fractures de type 3 sont dans le même plan et subissent généralement un déplacement minimal [6]. En revanche, les fractures de Salter-Harris de type 2 sont nettement plus instables car l’axe de support du fémur se retrouve interrompu. Parfois, ces fractures peuvent être comminutives avec de forts épanchements œdémateux dans les tissus mous. L’approche chirurgicale et la mise en place d’implants suffisamment stabilisants sont alors complexes et rendent le pronostic réservé. Pour les fractures de types 2 et 3, l’animal est placé en décubitus dorsal, ce qui permet tant l’accès médial que latéral et facilite également l’utilisation du système d’imagerie (radiographie ou fluoroscopie) durant l’opération. La fixation de la fracture s’effectue au moyen de vis corticales de compression, insérées soit depuis l’aspect médial, soit depuis l’aspect latéral au travers de petites incisions de la peau. Elles sont dirigées perpendiculairement à l’axe de l’os, proximalement à l’entaille intercondylaire, de façon à engager le côté opposé de l’épiphyse. Il est conseillé d’utiliser des rondelles pour empêcher les vis de s’enfoncer dans le cortex encore tendre. Les vis n’engagent pas l’épiphyse pour maintenir la croissance normale de l’os. Il est indispensable de soutenir et d’aider les poulains durant la phase de réveil pour éviter une surcharge sur les implants lors de cette étape critique. Les implants disponibles les plus stabilisants sont les plaques à vis condylaires dynamiques (dynamic condylar screw plates, DCS). Selon la taille et le poids du poulain, des plaques de compression verrouillées peuvent également être utilisées. Toutefois, les complications postopératoires, telles que les infections des implants ainsi que l’instabilité qui en découle, sont assez fréquentes. L’application d’implants dans cette zone provoque aussi la fermeture précoce du cartilage de conjugaison, induisant une asymétrie des membres postérieurs qui, dans la plupart des cas, limite les performances sportives futures du poulain.

CONCLUSION

Chez le poulain, les fractures épiphysaires des os longs bénéficient d’un pronostic variable selon l’os concerné, le type de fracture, et les dommages subis par les structures environnantes. En général, un diagnostic et un traitement rapides permettent d’obtenir des résultats plus favorables. Les difficultés de prise en charge de ces cas sont liées au degré de croissance du membre affecté, à l’instabilité de la fracture, aux dommages des tissus mous environnants et à l’accessibilité chirurgicale du site de fracture. Cependant, bien qu’il existe des exceptions à cette règle, étant donné la croissance osseuse rapide du poulain, lorsqu’une fracture épiphysaire est correctement stabilisée, la guérison devrait suivre.

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Conflit d’intérêts

Aucun

ENCADRÉ
LA ZONE DE CROISSANCE DE L’OS LONG

La zone de croissance est une plaque de cartilage hyalin qui unit la métaphyse et l’épiphyse des os longs avant la fin de leur croissance. C’est dans cette région que la majeure partie de la croissance rapide de l’os s’effectue. Il s’agit d’une ossification enchondrale où les chondrocytes se divisent, se développent puis se transforment en cellules osseuses, les ostéocytes. Chez le poulain, la plaque de croissance est dite ouverte car elle se ferme progressivement avec l’âge. En raison de la structure cartilagineuse fragile de cette zone, comparée à l’os adjacent plus résistant, la plaque de croissance constitue le maillon faible de l’os chez le poulain [15]. Les forces mécaniques extérieures, qui chez l’adulte provoqueraient des blessures ligamentaires ou articulaires, induisent chez le jeune des fractures épiphysaires [5]. Les jeunes chevaux sont donc prédisposés à développer des fractures à cet endroit.