Première description d’une triple résistance aux anthelminthiques dans un élevage de pur-sang en France - Pratique Vétérinaire Equine n° 223 du 01/10/2024
Pratique Vétérinaire Equine n° 223 du 01/10/2024

PARASITOLOGIE

Cahier scientifique

Revue de presse

Auteur(s) : Pierre TRITZ

Fonctions : Clinique de Faulquemont 19 rue de Créhange 57380 Faulquemont

Les cyathostomes (petits strongles) sont les parasites les plus fréquents chez les chevaux au pré. Ils représentent plus de 99 % des œufs retrouvés dans les fèces. La pathogénicité des cyathostomes est considérée comme faible et la plupart des animaux infectés ne présentent pas de signes cliniques. Cependant, une charge parasitaire importante dans le gros intestin peut entraîner une perte de poids, une diarrhée et des coliques. Par ailleurs, l’émergence des stades larvaires à partir des kystes dans la lumière intestinale peut être mortelle, notamment chez les jeunes animaux.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

L’étude, menée dans un élevage de galopeurs en Normandie entre mars et décembre 2023, inclut 25 yearlings naturellement infectés par des strongles. Les animaux nés en Irlande et en Angleterre sont importés vers l’âge de 4 mois et traités avec un anthelminthique tous les un à deux mois à partir de 1 à 2 mois d’âge. Ceux nés en France sont traités avec la même fréquence à partir de l’âge de 4 mois. L’efficacité des traitements anthelminthiques planifiés par le vétérinaire est étudiée en utilisant une méthode standardisée, le test de réduction de l’excrétion fécale d’œufs (Trefo), en respectant certaines conditions (groupes de 5 animaux non modifiés lors des tests, aucune vermifugation depuis 2 mois et même pâture pendant 3 mois pour être infestés par la même communauté de parasites). Les anthelminthiques testés (fenbendazole, ivermectine et pyrantel) sont administrés par voie orale par le vétérinaire selon la dose appropriée après l’estimation du poids des chevaux à l’aide d’un ruban barymétrique. Les crottins, prélevés directement dans le rectum de chaque animal le jour du traitement avant l’administration de l’anthelminthique et 14 jours après, sont conservés au froid et expédiés en express au laboratoire (Anses). Le comptage des œufs est effectué selon la technique de Mac Master modifiée. Le Trefo est effectué dans les groupes dont la taille minimale permet d’avoir un pouvoir statistique de 80 % pour le test de résistance. Les auteurs concluent à une résistance anthelminthique au fenbendazole si l’intervalle de confiance supérieur est inférieur à l’efficacité attendue de 99 % (seuil d’efficacité inférieur à 95 %). Les résistances au pyrantel et à l’ivermectine sont évaluées en suivant le même principe.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Pendant la période de surveillance, les yearlings reçoivent 4 traitements différents (fenbendazole début mars, ivermectine fin mars, pyrantel fin mai et ivermectine fin novembre), suivis par une nouvelle administration d’ivermectine en janvier. L’efficacité du fenbendazole est testée chez 18 animaux. Deux semaines après le traitement, tous les chevaux excrètent encore des œufs et le nombre d’œufs excrétés augmente chez plusieurs d’entre eux. Il est donc décidé de traiter 21 jours plus tard avec l’ivermectine. Avant le traitement à l’ivermectine, la quasi-totalité des animaux sont fortement excréteurs et 14 jours plus tard, tous continuent d’excréter des œufs, le Trefo concluant à une résistance. Plus tard, l’efficacité du pyrantel est testée dans le groupe de 6 mâles et la résistance est confirmée. Enfin, l’ivermectine est testée à nouveau chez 11 chevaux et, 14 jours après, 10 d’entre eux continuent d’excréter, ce qui démontre la résistance à une autre période de l’année. Chez les pur-sang, la reproduction intensive, les traitements anthelminthiques fréquents et les déplacements internationaux courants pour l’élevage, l’entraînement des jeunes chevaux, mais aussi les courses, les ventes et les saillies exposent cette population au risque d’émergence de résistances aux anthelminthiques et à la diffusion de strongles résistants. Cette étude démontre pour la première fois une triple résistance à 3 des 4 molécules disponibles.

PERTINENCE CLINIQUE

Cette étude démontre l’intérêt de réaliser des coproscopies avant tout traitement anthelminthique. Le test de réduction d’excrétion fécale d’œufs doit être mis en œuvre dès qu’une résistance est suspectée dans un effectif. Il convient de toujours mettre en place de bonnes pratiques de vermifugation et d’intégrer la surveillance parasitaire lors de l’introduction de nouveaux animaux.

Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Maladies infectieuses et parasitaires de l’Association vétérinaire équine française.