TRAUMATOLOGIE
Dossier
Traumatologie
Auteur(s) : Hervé BRÜNISHOLZ
Fonctions : Institut suisse de médecine équine (Isme) Département de médecine vétérinaire clinique Faculté Vetsuisse Université de Berne Länggasstrasse 124, Postfach 8466 CH-3001 Berne (Suisse)
La stabilisation des fractures des os longs chez le poulain est souvent complexe, influencée par divers paramètres et considérations. Grâce aux avancées techniques, les chances de guérison se sont améliorées, mais les risques d’infection demeurent un défi majeur.
Les fractures diaphysaires des os longs sont fréquentes chez le cheval, et plus particulièrement chez le poulain en raison de la fragilité des os et de la faible couverture en tissus mous. La plupart du temps, ces fractures résultent de traumatismes directs, comme le coup de pied d’un congénère ou une chute. Chez les jeunes animaux, elles surviennent aussi lorsque la mère, par manque d’attention, piétine son poulain couché au sol. Nombre de ces fractures peuvent être traitées chirurgicalement avec un certain succès [11]. Cela est dû en partie aux techniques chirurgicales qui, au cours des dernières années, ont beaucoup évolué, mais surtout au fait que les poulains ont l’avantage d’être légers, ce qui facilite d’une part le travail du chirurgien et d’autre part diminue certains risques postopératoires. Pour une fracture identique, la probabilité de réussite d’une intervention d’ostéosynthèse, qui passe par la mise en place d’implants suffisamment stables permettant la mise en charge complète et immédiate du membre, est nettement plus élevée chez le poulain que chez l’adulte. En outre, grâce à leur activité métabolique osseuse beaucoup plus intense, les fractures guérissent plus rapidement chez les jeunes chevaux [12]. Néanmoins, étant donné le manque de tissus mous vascularisés autour des os et la faible épaisseur de la peau, les fractures, souvent complètes chez le poulain, peuvent devenir ouvertes et contaminées. Cela est particulièrement vrai pour les fractures des canons, du radius et de l’ulna, ainsi que du tibia. Comme la partie diaphysaire est principalement formée d’os cortical peu vascularisé, il en résulte une très grande sensibilité en cas de pénétration bactérienne. C’est pour cette raison que ces fractures présentent un risque élevé d’infection susceptible d’entraîner des complications mettant en jeu la vie de l’animal. Il est donc primordial, en cas de fracture d’un os long, de préserver l’intégrité du membre affecté et de prévenir toute aggravation de la lésion.
De manière générale et pour tous les os longs ayant subi une fracture complète, le diagnostic est assez simple et peut être établi via l’examen clinique. Les poulains sont présentés avec une incapacité aiguë à mettre en charge le membre atteint. La palpation révèle une nette instabilité avec des crépitations perceptibles. Le membre est plus ou moins enflé, en raison de l’œdème mais aussi des hématomes. Tout dépend également de l’intervalle de temps écoulé depuis la survenue de la fracture. Des radiographies standards, en incidences latéro-médiale, dorso-palmaire/plantaire, dorsolatéral-palmaro (plantaro) médial oblique et dorsomédial-palmaro (plantaro) latéral oblique, sont suffisantes pour confirmer le diagnostic, caractériser le type de fracture et envisager un pronostic. Il est indispensable de stabiliser dès que possible le membre fracturé afin de diminuer les risques d’aggravation et de complications, idéalement avant même d’effectuer les radiographies, à moins que le propriétaire souhaite connaître le pronostic avant d’engager des frais supplémentaires. En cas de fracture aiguë, l’administration rapide de sédatifs appropriés est capitale. Cela permet au vétérinaire d’évaluer calmement l’animal et le membre touché. En effet, les animaux souffrant de fractures aiguës et instables sont souvent paniqués, ce comportement pouvant être dévastateur. La sédation permet également au vétérinaire de désinfecter une éventuelle plaie et d’appliquer un bandage. Une stabilisation préopératoire adéquate du membre est indispensable pour majorer les chances de guérison de la fracture. Afin de stabiliser le membre, un bandage de type Robert-Jones ainsi que des attelles rigides sont recommandés (photo 1). Des attelles en PVC peuvent convenir si des bandes de résine ne sont pas disponibles. Ces deux types de matériel présentent l’avantage de laisser passer les rayons X. Si la fracture est déjà ouverte, la plaie doit être nettoyée, désinfectée et au besoin débridée avant d’appliquer le bandage protecteur. Dans ces circonstances, en plus d’une thérapie anti-inflammatoire appropriée, l’administration précoce d’antibiotiques à large spectre, de préférence par voie intraveineuse, est à envisager.
Plusieurs types de traitement des fractures diaphysaires existent, l’objectif étant d’un point de vue mécanique de stabiliser la fracture, et d’un point de vue biologique de réunir toutes les conditions permettant sa guérison [11]. La mise en charge rapide du membre fracturé est indispensable. Si ces conditions ne sont pas réunies, l’issue risque d’être défavorable. Le choix de la thérapie à mettre en place dépend de plusieurs facteurs propres à l’animal (âge, poids, tempérament, activité), mais aussi à la fracture (configuration, atteinte vasculaire, fracture ouverte ou fermée). L’expérience du chirurgien ainsi que les moyens à sa disposition doivent également être considérés. La guérison des fractures dépend de l’interaction favorable entre l’environnement mécanique qui stabilise le membre fracturé, et l’environnement biologique assuré par les tissus mous entourant le site de fracture [11]. Si les conditions biologiques ne sont pas suffisamment préservées, les chances de guérison sont fortement compromises, même si la réparation de la fracture est stable. Une rupture complète des apports vasculaires sur le site de fracture est naturellement un obstacle insurmontable à la guérison, et les animaux concernés devraient être euthanasiés [11]. Ces conditions extrêmes sont plutôt rares. En revanche, les infections sont assez communes et constituent la limite biologique la plus importante à la résolution des fractures.
L’application de deux plaques d’ostéosynthèse offre, pour la plupart des fractures des os longs hormis l’ulna, la stabilisation la plus performante. À l’heure actuelle, la recommandation générale est l’usage de plaques de compression verrouillées (LCP) (encadré et figure). Dans certains cas, notamment lorsque la fracture touche l’os à l’une de ses extrémités et qu’il n’est pas possible d’insérer suffisamment de vis dans un fragment, des implants spécifiques, conçus pour augmenter l’ancrage entre l’implant et l’os, sont nécessaires. C’est le cas par exemple de la plaque à vis condylaire dynamique (DCS), de la plaque à “tête de cobra” ou de la plaque condylienne de soutien. Les plaques sont placées à 90° l’une de l’autre, avec l’une des deux appliquée sur la face de tension de l’os. Elles doivent s’étendre sur toute la longueur de la diaphyse et de la métaphyse et recouvrir la zone de comminution afin de consolider cette zone critique. Elles doivent aussi être de longueurs différentes et ne pas s’arrêter à la même hauteur sur l’os de façon à diminuer la concentration de pression au même endroit et ainsi le risque de fracture à l’extrémité des plaques [12]. Lors de la préparation, le périoste doit être préservé afin de garder une bonne protection de l’os et de maintenir l’apport sanguin. Les fractures comminutives présentant un large fragment de type papillon sont tout d’abord reconstruites en deux “morceaux”, le fragment libre devant être apposé au fragment proximal ou distal au moyen de vis corticales placées en compression (photo 2). Les deux fragments sont ensuite réduits puis alignés par interdigitation. Une fois alignés, les fragments sont maintenus en place grâce à des pinces de réduction, et les plaques peuvent alors être modelées puis apposées contre l’os. Trois vis sont à insérer au minimum dans chaque fragment, de part et d’autre de la ligne de fracture [12]. La réalisation de radiographies de contrôle intra-opératoires ou l’utilisation du fluoroscope sont indispensables pour évaluer la réduction de la fracture, la bonne position mais aussi la longueur des vis utilisées. Bien que de plus en plus de fractures soient actuellement réparées avec succès, certaines ne le sont pas et les animaux atteints doivent être euthanasiés pour des raisons d’éthique. Les contraintes économiques parfois importantes et les attentes sportives trop élevées après la chirurgie doivent également être prises en considération et discutées ouvertement avec les propriétaires.
L’ulna, et en particulier l’olécrane, est l’un des os les plus fréquemment atteints par des fractures chez le poulain [11]. La plupart des animaux présentés avec ces blessures présentent une boiterie aiguë et sévère avec une incapacité à mettre le membre en charge. Le membre est typiquement en position semi-fléchie avec le coude déplacé vers le bas (dropped elbow) (photo 3). Cette position est due à l’impossibilité pour le muscle triceps, dont l’attache se situe sur l’olécrane, de maintenir le carpe en position d’extension. Souvent, un important épanchement est observé. Le diagnostic est confirmé par une prise de vue latéro-médiale avec le membre en position d’extension, tiré vers l’avant par un assistant.
La mise en place d’un bandage haut allant au plus près de l’articulation du coude avec une attelle en position caudale permet aux poulains les plus âgés de maintenir le carpe en extension et de charger le membre. Pour les plus jeunes, qui ne manqueront pas de se coucher lors du transport, une stabilisation extérieure n’est pas nécessaire, plus particulièrement lorsque le diagnostic radiographique n’est pas encore établi et qu’une fracture de l’humérus n’est pas exclue [4].
Le traitement conservateur (repos au box et bandage avec attelle) est indiqué pour des fractures légèrement déplacées et non articulaires, et à condition que la mise en charge du membre après la mise en place de cette thérapie soit excellente [11]. Dans le cas contraire, un traitement chirurgical est recommandé. L’ulna est une composante intégrale du mécanisme d’extension du coude, mais supporte nettement moins de charge que le radius ou l’humérus [12].
Le traitement par la mise en place d’une plaque LCP en position caudo-proximale constitue aujourd’hui la technique chirurgicale la plus communément utilisée [12]. Grâce à la restauration du mécanisme du triceps, elle permet une mise en charge totale et immédiate du membre. Un abord caudo-latéral avec le poulain en décubitus latéral, le membre affecté vers le haut, est recommandé ; certains chirurgiens préfèrent toutefois placer l’animal sur le dos. Une fois la réduction assurée, une plaque LCP de 4,5 étroite est appliquée sur la partie la plus caudale de l’ulna. La partie la plus proximale de la plaque est modelée de façon à épouser le contour de la pointe du coude et permettre ainsi la mise en place d’au moins trois vis corticales au travers de la plaque dans le fragment proximal. Il est souvent nécessaire de diviser l’insertion tendineuse du triceps pour que la plaque puisse épouser la forme de l’os [12]. Deux à quatre vis corticales sont mises en charge de part et d’autre du trait de fracture afin de le comprimer, les trous restants accueillant des vis à tête verrouillée. Chez les jeunes poulains, l’utilisation de vis spongieuses pour la partie proximale et très friable de l’os est envisageable, tandis que des vis corticales de 4,5 ou 5,5 mm sont idéales pour des poulains plus âgés ou pour la partie distale de l’os plus compact. Dans la partie distale, les vis ne doivent engager que le cortex caudal de l’ulna. En raison du potentiel de croissance important chez les jeunes chevaux, les vis ne doivent pas engager le radius, sous peine de provoquer une incongruence articulaire, voire une subluxation de l’articulation huméro-ulnaire avec la croissance de l’animal [12]. La guérison de la fracture est rapide, la plupart des implants pouvant être retirés entre 8 et 10 semaines après l’intervention.
À la suite du traitement chirurgical, le pronostic pour ce type de fracture est très bon, la plupart des poulains retrouvant une capacité complète du membre [2, 3, 10]. Bien que le traitement conservateur soit possible et constitue une option tout à fait valable dans certains cas, force est de reconnaître que, de manière générale, le pronostic sans intervention chirurgicale est réservé, avec des taux de réussite ne dépassant pas 30 à 33 % [3, 13]. Les forces de tension du triceps augmentent souvent le déplacement, provoquant une non-union et la déformation du membre par contracture.
La plupart des fractures du radius du poulain sont diaphysaires, à la suite d’un coup porté dorsalement ou plus fréquemment latéralement par un congénère. Les fractures peuvent être transverses ou obliques, rarement comminutives. Une plaie, provoquée par le déplacement de la fracture, est parfois présente dans la partie médiale.
En raison de la faible couverture de tissus mous et de la peau très fine, le fragment proximal peut rapidement perforer la peau depuis l’intérieur. Il est donc primordial d’apporter la stabilité nécessaire au membre fracturé afin de prévenir cette complication ou l’aggravation de celle-ci. Si la peau est perforée, un nettoyage de la plaie ainsi que l’administration d’antibiotiques par voie intraveineuse sont essentiels. Un bandage de type Robert-Jones, renforcé par deux attelles en position caudale et latérale du membre, est mis en place. L’attelle latérale doit monter au minimum jusqu’à l’épaule, voire jusqu’au garrot pour limiter le mouvement d’abduction du membre. La prise en charge est ensuite chirurgicale.
L’approche chirurgicale peut se faire du côté médial ou latéral, selon la configuration de la fracture et la préférence du chirurgien [12]. L’approche latérale donne accès aussi bien au cortex cranial que latéral et, grâce aux tissus mous bien développés, les plaques sont mieux protégées. Très souvent, un large hématome est présent dans la région de la fracture et doit être évacué. Chez le poulain, la réduction de la fracture est moins compliquée que chez l’adulte. Toutefois, il est recommandé de demander à un assistant de maintenir le membre en position étirée jusqu’à ce que la fracture soit définitivement réduite et en bonne position. Si l’animal est positionné sur le dos, la partie distale du membre peut être attachée à un palan fixé au plafond. Dans les deux cas, la réduction de la fracture est maintenue à l’aide d’une pince de réduction appropriée.
Contrairement aux fractures chez l’adulte, souvent comminutives et où les tissus mous peuvent être sérieusement endommagés, la configuration des fractures radiales du poulain permet souvent la mise en place d’une fixation interne. L’avantage du poids ainsi que le ratio poids/implant favorable chez le poulain sont des facteurs déterminants. Les fractures transverses touchant le centre de la diaphyse chez les nouveau-nés peuvent être stabilisées avec une seule plaque LCP large, positionnée sur la face craniale de l’os. Pour les autres types de fractures ou les animaux plus âgés, il convient de placer deux plaques. L’utilisation de vis corticales de 5,5 mm de diamètre et de vis verrouillées augmente la résistance et la stabilité de la construction. Une reconstruction anatomique précise du cortex caudal est indispensable pour que les chances de stabilisation soient suffisantes. Si la réparation de la fracture passe par la mise en place de vis dans les plaques de croissance, celles-ci devront être retirées après 2 ou 3 semaines pour prévenir la formation de déviations angulaires.
Le pronostic dépend du type de fracture et de la stabilité du montage. Pour une fracture fermée non comminutive, la plus courante chez le poulain, les chances de guérison complète sont bonnes et la plupart des animaux sont capables d’atteindre des performances sportives raisonnables [9]. En général, ces fractures guérissent après 10 à 12 semaines et les implants sont alors retirés de manière échelonnée.
Les fractures de l’humérus sont assez fréquentes. Les signes cliniques sont similaires à ceux rencontrés lors de fractures de l’olécrane, avec le coude maintenu en position basse et le reste du membre fléchi. Ces fractures sont souvent accompagnées d’un fort épanchement des tissus mous, bien visible lorsque l’animal est de face. Une radiographie en incidence médio-latérale, légèrement orientée de cranial vers caudal, permet en général d’établir le diagnostic (photo 4a).
Stabiliser le membre touché avec un bandage et une attelle pour le transport est contre-indiqué [4, 11]. En effet, le bandage et l’attelle qui peuvent être placés s’arrêtent au coude, alourdissant le membre et augmentant l’effet de levier sur la fracture.
Les fractures susceptibles d’être traitées de manière conservatrice, associées à un pronostic favorable, sont les fractures incomplètes sans perforation de la peau [11]. Certaines fractures longues obliques avec un minimum de déplacement, dont le chevauchement des fragments confère un certain degré de stabilité, peuvent également être traitées de façon conservatrice. Selon la plus vaste étude réalisée sur le sujet, le résultat s’est révélé positif pour 53 % des poulains [1]. L’âge moyen de ces animaux était de 2,2 ans, ce qui laisse penser que les animaux plus âgés ont de meilleures chances. Cela est en partie dû à la musculature plus développée autour de l’humérus, qui assure une meilleure stabilité, mais également au tempérament plus calme de ces animaux. Les complications d’une thérapie conservatrice comme les pseudarthroses et les déformations sagittales ipsilatérales, notamment dans la région du carpe, sont toutefois fréquentes.
Les fractures instables, telles que les fractures courtes obliques ou en spirale et nettement déplacées, nécessitent une fixation interne avec la mise en place de deux plaques d’ostéosynthèse (photo 4b). Pour les candidats pesant moins de 150 kg, une seule plaque en position craniale peut suffire. Le poulain est placé en décubitus latéral avec le membre fracturé vers le haut. L’approche craniale donne le plus de flexibilité au chirurgien. La surface craniale de l’humérus étant plate et lisse, elle est idéale pour la mise en place d’une plaque LCP large. La même approche permet la mise en place d’une seconde plaque plus courte sur la surface latérale de l’os, immédiatement caudale à la tubérosité deltoïdienne, et dont les vis sont introduites en évitant celles insérées dans la première plaque [8]. Une autre possibilité est l’insertion d’un clou centromédullaire verrouillé [11]. L’approche latérale est préférée. Le clou est inséré depuis la partie proximale de l’os, la fosse humérale, après avoir alésé le canal médullaire jusqu’à obtenir un diamètre de 13 mm, adapté au calibre du clou. Une fois le clou en place, le guide fixé à sa partie proximale permet de forer les autres trous dans l’humérus pour l’insertion des vis de verrouillage. Si possible, au moins trois vis corticales de 5,5 mm de diamètre sont insérées de part et d’autre de la ligne de fracture et à travers le clou centromédullaire. Lorsque la fracture est oblique, les vis verrouillées traversant la ligne de fracture peuvent être insérées en compression. Pour les poulains les plus lourds ou quand la configuration de la fracture ne permet pas l’insertion de suffisamment de vis dans les fragments, une plaque LCP est installée sur la surface craniale de l’os afin d’augmenter la rigidité de la construction [11]. Quelle que soit la technique, les animaux doivent impérativement être assistés lors de la phase de réveil, soit directement pour les poulains les plus légers, soit à l’aide de cordes ou d’un filet pour les plus lourds. Une tranquillisation appropriée est nécessaire pour empêcher l’animal de se lever trop tôt. Les implants restent en place, sauf si le site de fracture s’infecte, auquel cas ils sont retirés une fois la stabilisation établie.
Le pronostic est assez bon pour les poulains jusqu’à 1 an d’âge, excepté pour ceux dont le nerf radial a été endommagé lors de la fracture ou de la réduction. Actuellement, la pose de deux plaques LCP apporte la meilleure garantie [7]. Le traitement conservateur est souvent lié à des complications telles qu’une contracture du membre affecté ou une déformation angulaire du membre opposé.
En raison de la quantité de tissus mous présents autour de l’os, les fractures du fémur sont rarement ouvertes. Le diagnostic est établi au moyen de radiographies réalisées sous anesthésie générale ou sous forte sédation chez l’animal en décubitus latéral avec le membre affecté en bas. La plaque est posée sous le cheval, le membre opposé est maintenu en abduction et une projection médio-latérale est effectuée.
Une prise en charge conservatrice est possible pour les fractures incomplètes. En revanche, pour les fractures complètes et déplacées, les chances de guérison avec un traitement conservateur sont faibles [11]. Même si la fracture peut dans certains cas être stabilisée et guérir, les séquelles sont généralement sévères et permanentes (membre raccourci, déformation de rotation, déformation angulaire du membre opposé).
La thérapie de choix est chirurgicale. L’approche est latérale avec le cheval en décubitus latéral. La reconstruction minutieuse de la colonne osseuse est primordiale pour la réussite de l’intervention, notamment afin d’obtenir un pilier stable sur la face caudale de l’os. La première plaque, une plaque LCP de 5,5 large, est positionnée sur la face latérale de l’os. Plusieurs vis corticales de 5,5 mm de diamètre sont initialement insérées de façon à appliquer une compression interfragmentaire. Pour les fractures obliques longues, des vis corticales sont placées au travers de la ligne de fracture. Les vis restantes sont des vis verrouillées. Une seconde plaque, également de type LCP large, est placée sur la face craniale de l’os sous le muscle rectus femoris. La mise en place de deux plaques placées à 90° l’une de l’autre procure la meilleure stabilité et neutralise au mieux les forces de flexion sur le site de fracture. Dans la partie distale de l’os, les vis ne doivent pas pénétrer le cartilage de croissance.
Le pronostic est réservé, avec un taux de réussite d’environ 50 %, lorsque les animaux pèsent moins de 250 kg. D’après les données publiées, la plupart des résultats positifs sont notés chez des poulains âgés de moins de 3 mois [5]. La principale complication est l’infection postopératoire secondairement à la formation d’un sérome à la suite de l’intervention. Un système actif de drainage peut être mis en place immédiatement après la chirurgie pour minimiser ce risque.
Les fractures diaphysaires du tibia sont rares. En général, il s’agit de fractures obliques ou en spirale de la partie moyenne ou distale de la diaphyse. Comme la partie médiale de l’os est recouverte de très peu de tissus mous, à l’instar du radius, les fragments peuvent lacérer la peau de ce côté du membre et occasionner une plaie ouverte.
Il est primordial de stabiliser au plus vite et le mieux possible le membre fracturé. Idéalement, un bandage avec une attelle latérale est mis en place depuis le sabot jusqu’à la hanche de façon à éviter tout mouvement d’abduction dans la zone de fracture.
Lorsque la fracture et la longueur des fragments le permettent, deux plaques LCP sont mises en place à 90° l’une de l’autre. L’approche est cranio-latérale avec le poulain en décubitus latéral, le membre atteint en haut, ou en décubitus dorsal. La position dorsale offre l’avantage de pouvoir utiliser le palan pour faciliter la réduction et l’alignement de la fracture. En effet, en raison de la forte contraction musculaire, ces manipulations peuvent être assez compliquées à réaliser. En règle générale, la première plaque, une plaque LCP de 5,5 large, est placée sur la face craniale de l’os avec la partie proximale déviant vers le côté latéral pour contourner la tubérosité tibiale. La seconde plaque est placée soit sur la face latérale, soit sur la face médiale, selon la configuration de la fracture. La mise en place d’une plaque médiale est plus aisée en raison d’une dissection plus succincte. Toutefois, en raison du manque de tissus mous, le risque d’infection est plus élevé. Il est recommandé d’insérer un maximum de vis corticales de 5,5 mm en compression au travers de la ligne de fracture afin d’optimiser la compression interfragmentaire. Les plaques doivent être les plus longues possible pour couvrir la distance entre les deux zones de croissance de l’os.
Les fractures obliques ou spiralées sans contamination préalable bénéficient d’un très bon pronostic, la majorité des poulains retrouvant par la suite une activité normale [14]. En revanche, les fractures comminutives et les fractures obliques courtes sont suivies de nombreuses complications postopératoires.
Les fractures du canon sont souvent ouvertes en raison du manque de couverture par les tissus mous. Le diagnostic est assez facile à établir via la palpation.
Pour les membres antérieurs, un bandage haut de type Robert-Jones avec deux attelles posées à 90° l’une de l’autre est idéal. Pour les membres postérieurs, le bandage et les attelles doivent monter au-dessus du jarret. L’une des principales limitations dans la prise en charge des fractures du canon est le manque de tissus mous recouvrant les implants et permettant l’apport sanguin indispensable à la guérison. Des tissus mous endommagés ainsi qu’un apport sanguin diminué sont des facteurs de risque d’infection, d’autant plus lorsque la fracture est ouverte.
En cas de fracture instable du canon, plusieurs options sont possibles : fixation interne par pose de plaques et vis, plâtre, plâtre transfixant, ou une combinaison entre une fixation interne et une coaptation externe. La fixation interne apporte la meilleure stabilisation et une mise en charge rapide du membre fracturé. Toutefois, les fractures comminutives ainsi que les fractures ouvertes ont de meilleures chances de guérison avec des techniques alternatives (photos 5a à 5f). Lorsque la fracture est fermée, non comminutive, que l’alignement peut être rétabli et que les fragments proximaux et distaux permettent l’insertion d’un nombre suffisant de vis, la mise en place de deux plaques LCP est recommandée. Pour pallier le manque de tissus mous et protéger les plaques, une approche transtendineuse par séparation du tendon extenseur est indiquée. Le métacarpe III n’ayant pas de surface de tension dominante, les plaques sont placées en position dorsale, latérale ou médiale (photos 6a et 6b). Pour le métatarse III, la surface de tension étant la face dorso-latérale, une plaque doit donc y être appliquée. Typiquement, une plaque LCP de 4,5 large est positionnée sur la face dorsale et une plaque LCP de 4,5 étroite sur la face médiale ou latérale.
Le pronostic lors de fractures simples traitées par la mise en place de deux plaques LCP est généralement assez bon. Après l’intervention, le canon reste relativement épaissi, ce qui peut nuire à son apparence esthétique [11]. Les fractures ouvertes ou celles qui s’infectent en phase postopératoire affichent des chances nettement plus réduites de guérison. Les plaques peuvent être retirées de façon échelonnée, la première après 12 semaines et la seconde 6 semaines plus tard, lorsque le poulain charge correctement son membre et qu’il a été mis au pré pendant au moins un mois au préalable.
Toutes les fractures des os longs chez le poulain ne peuvent pas être stabilisées correctement et ne permettent pas de soigner l’animal. Plusieurs paramètres relatifs à la fracture mais aussi des considérations économiques, sportives, voire éthiques influencent la prise de décision. Néanmoins, d’un point de vue technique, les chances de stabilisation et de guérison sont devenues bien meilleures au cours des dernières décennies, en partie grâce au développement des plaques de compression verrouillées. Les fractures du poulain, en raison de son faible poids et du fait qu’il est en pleine croissance, sont plus facilement stabilisées et guérissent plus rapidement que chez le cheval adulte. Leur traitement reste malgré tout un défi majeur pour le chirurgien, à cause de la faible couverture en tissus mous et de la vascularisation souvent endommagée qui majore le risque d’infection.
Aucun
La plaque de compression verrouillée (locking compression plate, LCP) est le type de plaque le plus communément utilisé en chirurgie équine actuellement. Le développement de cette plaque au début des années 2000, d’abord en médecine humaine puis en médecine vétérinaire, a permis une avancée majeure dans le domaine de la fixation interne. Les trous combinés, percés sur la surface, permettent à cette plaque d’accepter des vis corticales traditionnelles pour les techniques de vissage classiques, mais aussi des vis à tête verrouillée pour créer des fixations stables. L’insertion de vis verrouillées augmente considérablement la stabilité des implants, même si l’interface plaque-os est faible ou absente, la plaque ne devant plus être compressée sur l’os. Par conséquent, l’insertion d’une plaque LCP est nettement moins invasive par rapport à une plaque traditionnelle et permet de prévenir la détérioration du périoste [6]. En chirurgie équine, les plaques LCP le plus souvent utilisées sont la 4,5 étroite, la 4,5 large et la 5,5 large. Ces plaques sont prévues pour l’insertion de vis corticales de 4,5 et de 5,5 mm de diamètre, de vis spongieuses de 6,5 mm de diamètre, ainsi que de vis à tête verrouillée de 4 et 5 mm de diamètre.