Traitement d’une déviation de pousse du sabot à l’aide d’un dispositif de traction uniaxiale et d’une ferrure - Pratique Vétérinaire Equine n° 223 du 01/10/2024
Pratique Vétérinaire Equine n° 223 du 01/10/2024

CAS CLINIQUE - CHIRURGIE

Cahier scientifique

Lésion de la bande coronaire

Auteur(s) : Charles DE CHAISEMARTIN*, Pierrick ARTHAUD**, Boris DUMAS***, Knut NOTTROTT****

Fonctions :
*Clinéquine VetAgro Sup, université de Lyon 1 avenue Bourgelat 69280 Marcy-l’Étoile

Lorsque la bande coronaire est lésée, des complications majeures sont possibles. Un débridement chirurgical associé à la pose d’un système de mécanothérapie et à des soins de maréchalerie adaptés a permis de rétablir une croissance normale de la paroi.

Les blessures des extrémités distales des membres touchent le plus souvent le pied [1]. Les animaux peuvent présenter divers degrés de boiterie selon la localisation, la profondeur et la durée de la pénétration. En cas d’atteinte de la bande coronaire, plusieurs complications peuvent survenir, comme une hypergranulation au niveau de l’organe et, par conséquent, un sabot avec un développement de tissu corné inadéquat [7]. La bande coronaire est caractérisée par un processus de cicatrisation particulier qui repose principalement sur l’épithélialisation et la reformation du corium. Une prise en charge appropriée de la blessure par un débridement approfondi, suivi d’une apposition adéquate de la plaie, d’une immobilisation et d’un ferrage, maximise les chances d’une résolution précoce et d’un retour rapide à une fonction normale [10, 11]. En médecine humaine, la mécanothérapie des incisions chirurgicales est le traitement le plus efficace pour prévenir les cicatrices hypertrophiques et les chéloïdes (encadré). Un système de traction uniaxiale est décrit en médecine humaine et équine pour contrôler la tension et diriger les bords d’une plaie [5, 9, 12].

Ce rapport de cas présente la prise en charge d’une plaie de la face médiale du pied postérieur droit impliquant la bande coronaire, avec un déplacement proximal et une croissance inadéquate de la boîte cornée.

PRÉSENTATION DU CAS

Une jument selle français, âgée de 9 ans, est admise pour l’évaluation et le traitement d’une plaie chronique. La plaie a été remarquée pour la première fois un mois auparavant et traitée de façon conservatrice avec des bandages et des soins locaux à domicile. Malgré les soins apportés, la plaie persiste et la jument présente une boiterie au trot en ligne droite sur un sol dur. À son arrivée à la clinique, le cheval est en bon état général et l’examen clinique est dans les limites de la normale.

Examen clinique localisé

Une plaie est notée sur la face médiale du membre postérieur droit, entre la bande coronaire et la paroi du sabot. Il s’agit d’une lésion de 6 cm. La bande coronaire est déviée avec un déplacement proximal de la corne nouvellement formée. L’angle de déplacement de la paroi néoformée est de 135° par rapport à la paroi restante du sabot. La bande coronaire est coupée sur la partie plantaire de la plaie et cette dernière est soulevée par du tissu de granulation (photos 1a et 1b). Le cheval ne présente aucun signe de douleur à la palpation.

Examens d’imagerie

Afin d’identifier d’éventuelles causes de l’absence de cicatrisation, des examens radiologiques et échographiques sont effectués. Aucun signe de corps étranger, de lésion ou d’infection profonde n’est observé.

Bilan

La jument présente une plaie chronique sur la face médiale du membre postérieur droit. L’absence de cicatrisation est associée à la présence d’un tissu de granulation qui entraîne la déviation de la bande coronaire et du tissu corné néoformé. L’ensemble induit un défaut de muraille distalement à la lésion et possiblement une boiterie du membre, mais aucune anesthésie diagnostique n’a été effectuée. Une prise en charge chirurgicale est décidée.

Traitement chirurgical

Préparation et anesthésie

La jument est mise à jeun 12 heures avant l’intervention. Elle reçoit un traitement préopératoire à base de phénylbutazone (à la dose de 2,2 mg/kg par voie intraveineuse) et de pénicilline (à la dose de 22 000 UI/kg par voie intramusculaire). Pour l’anesthésie, la prémédication est réalisée avec de l’acépromazine (à raison de 0,04 mg/kg par voie intramusculaire), 30 minutes avant de procéder à la sédation à l’aide de médétomidine (à la dose de 0,007 mg/kg par voie intraveineuse) et de morphine (à raison de 0,1 mg/kg par voie intraveineuse). L’anesthésie est ensuite induite avec de la kétamine (à la dose de 2,2 mg/kg par voie intraveineuse) et du diazépam (à raison de 0,5 mg/kg par voie intraveineuse). Elle est maintenue à l’aide de sévoflurane, de médétomidine (à la dose de 0,00035 mg/kg par heure) et de Ringer lactate (à raison de 5 à 10 ml/kg par heure). Le cheval est positionné en décubitus latéral droit. Un garrot d’Esmark est appliqué pour minimiser les saignements et permettre une bonne visualisation pendant l’opération. Un bloc des nerfs digitaux moyens est réalisé (latéral et médial) avec 50 mg de mépivacaïne.

Procédure chirurgicale

Le paturon est tondu, puis l’extrémité digitée est préparée de manière aseptique. La plaie est nettoyée à la chlorhexidine. Après le drapage, le tissu de granulation exubérant qui pousse la bande coronaire est réséqué dans son ensemble. Distalement, la paroi du sabot est aplatie avec une fraise jusqu’au stratum externum sur 1,5 cm de long. Dans la partie distale de cette fenestration, la paroi du sabot est percée en quatre points avec un foret de 2 mm à un angle de 45°, afin de créer des trous de canalisation pour la mise en place des sutures de tension. Un fil en polyamide USP de décimale 2 est utilisé pour placer deux points en U horizontaux comme suture de tension avec des stents au niveau de la peau (en partie proximale). Pour réaliser la suture, la bande coronaire est entièrement transpercée. Après être passé par le trou créé dans la paroi, le fil est rentré distalement au plus près du corium coronae et sorti 1,5 cm proximalement à la bande coronaire. Les nœuds sont placés distalement au niveau de la muraille. Ces sutures forment ainsi un dispositif de traction uniaxiale, avec une traction disto-sagittale entre la bande coronaire et le sabot. Trois points interrompus en polyamide UPS de décimale 0 sont effectués sur la section plantaire de la bande coronaire (photo 2).

Immobilisation du pied

Le pied est immobilisé dans un plâtre. Avant l’application de la résine, la surface de la plaie est recouverte d’un pansement non adhérent (Aniplast® Surgi) fixé avec une bande stérile (Soffban® Synthetic). Un petit paquet de compresses est placé sur la bande coronaire juste avant l’application du pansement. Deux bandes de résine en polyester de 12,5 cm (Delta-Cast®) sont appliquées uniformément sur l’extrémité distale du membre, du milieu du paturon jusqu’à la sole, en spirale et avec un chevauchement de 50 %.

Suivi postopératoire immédiat

Après le réveil, l’antibiothérapie systémique est poursuivie avec de la pénicilline sodique à la dose de 22 000 UI/kg par voie intramusculaire deux fois par jour pendant 2 jours, suivie de triméthoprime sulfonamide à la posologie de 25 mg/kg per os deux fois par jour pendant 6 jours. Le traitement analgésique est assuré par de la phénylbutazone à raison de 2,2 mg/kg deux fois par jour par voie intraveineuse pendant 24 heures, puis per os deux fois par jour pendant 4 jours, puis une fois par jour pendant 1 jour supplémentaire. Une semaine après l’intervention, une escarre est observée sur la surface plantaire du paturon et un bandage renforcé est appliqué. Le confort de la jument est bon tout au long de l’hospitalisation.

Quatorze jours après l’opération, le plâtre et le dispositif de traction sont retirés. Au niveau des stents, la peau est comprimée sans être nécrosée, et aucune séquelle permanente n’est observée pendant la suite du processus de cicatrisation après leur retrait (photo 3). Un pansement de pied est appliqué sur la plaie et changé tous les 3 à 5 jours. Au cours des deux premières semaines, un léger mouvement de la bande coronaire est toujours observé. Une pression continue légère à modérée est appliquée à l’aide d’une résine dentaire (Speedex putty) qui est moulée et placée sur la bande coronaire, immédiatement après l’application d’un bandage avec de la ouate Soffban®.

Ferrure

Quinze jours après l’opération, les pieds sont parés. La nouvelle paroi du sabot commence à apparaître (0,5 cm) et l’angle entre l’ancienne et la nouvelle paroi du sabot est de 8°. La jument est ferrée avec un fer trois-quarts et un seul pinçon dorsal (photo 4). Un dernier bandage simple est réalisé 19 jours après l’intervention, après lequel le cheval est autorisé à quitter l’hôpital.

Examen de contrôle

À J48, la jument est revue pour un examen de suivi. Elle est en bon état général et l’examen clinique est normal. Aucun signe de douleur à la palpation et aucune boiterie ne sont présents lors du trot en ligne droite sur sol dur. De la nouvelle corne a poussé sur 2,4 cm depuis l’intervention chirurgicale. La paroi distale et la nouvelle paroi proximale du sabot sont à ce moment-là totalement parallèles (photos 5a et 5b). La plaie est complètement kératinisée, seul un léger décalage vers l’extérieur est visible entre la croissance de la nouvelle corne et la paroi distale du sabot. Les 4 pieds sont parés et le fer orthopédique est remis en place sur le pied postérieur droit. Après une asepsie, une résine (Top Gum résine adhésive noire) est appliquée pour combler l’espace dans la corne (photo 6). Il est conseillé au propriétaire de reprendre progressivement l’exercice et de passer à un fer à barre plein lorsque le défaut de la capsule du sabot entrera en contact avec le sol.

DISCUSSION

Choix de la suture

Pour les plaies qui atteignent la bande coronaire, il est impératif de maintenir l’alignement et l’apposition de cette structure afin de minimiser les défauts de la paroi ou la croissance anormale du sabot [2]. Plusieurs facteurs peuvent influer sur la cicatrisation de cette région : la rigidité relative des tissus et le chargement et le déchargement constants du sabot entraînent des mouvements considérables au niveau du site de cicatrisation, tandis que la proximité de la blessure avec le sol augmente considérablement le risque de contamination et d’infection de la plaie. En outre, l’irrigation sanguine de la zone est souvent compromise par le traumatisme initial. Tout cela peut nécessiter une intervention chirurgicale invasive et un traitement prolongé avec un important suivi de maréchalerie à long terme [10, 11]. Pour ce genre de plaie, il est recommandé d’utiliser des points en U verticaux pour les sutures de la bande coronaire [2, 13]. En effet, ce type de suture présente une plus grande résistance à la tension et interfère moins avec l’apport vasculaire par rapport aux points en U horizontaux [8]. Cependant, ces derniers répartissent la tension sur une plus grande surface, les points en U verticaux apportant une traction sur un seul point à chaque fois. De plus, les points en U verticaux suivent la même direction des lamelles qui composent la bande coronaire et la paroi du sabot. En pratique, il est possible d’observer un mouvement de glissement du fil par rapport aux couches, notamment en cas de faible résistance des tissus sur les plaies chroniques. Pour former le dispositif de traction uniaxiale, avec une traction disto-sagittale, des points en U horizontaux ont donc été utilisés dans ce cas, avec quelques modifications. Un stent constitué d’un tube en caoutchouc souple a été placé sous les sutures pour éviter que celles-ci ne traversent la peau et prévenir une altération de la circulation vasculaire [8]. Dans notre cas, lorsque les sutures ont été retirées, le défaut était toujours présent et un enfoncement des tissus sans signe de nécrose a été noté. D’autres études arrivent au même résultat avec un autre dispositif de mécanothérapie [9]. Pour ces raisons, le stent a été placé au-dessus de la bande coronaire. Une attention particulière a été portée au passage du fil pour s’assurer que l’ensemble de la bande coronaire était traversé et obtenir ainsi une traction correcte, tout en préservant la vascularisation (sortie du fil suffisamment proximale).

Immobilisation

Un autre facteur essentiel est l’application d’une résine qui limite le mouvement du membre distal tout en protégeant le lit de la plaie des traumatismes et de la contamination. Cependant, certaines études montrent que l’issue de la prise en charge avec un plâtre n’est pas toujours significativement différente de celle avec un bandage seul [6, 14]. Un plâtre peut minimiser la formation excessive de tissu de granulation et faciliter la cicatrisation par seconde intention [2]. Certains auteurs mentionnent qu’une période de 2 à 3 semaines avec un plâtre de pied pourrait être bénéfique pour la cicatrisation complète de la plaie [2, 7, 13]. Dans ce rapport de cas, le choix d’utiliser une résine pour le pied s’explique par l’intention de mettre en œuvre une immobilisation et une compression adéquates sur la bande coronaire afin de favoriser la cicatrisation de la plaie.

Ferrure

Pour améliorer la guérison d’une blessure au sabot, il est essentiel que le maréchal-ferrant et le vétérinaire travaillent collectivement et conjointement [3]. L’objectif principal est de stabiliser la paroi du sabot, car c’est la partie la plus importante d’un bon processus de cicatrisation. Le meilleur moyen d’y parvenir est d’utiliser un fer à barre et quatre pinçons. Ce traitement est rapporté dans des cas où le cheval présentait une fracture de la troisième phalange [4]. Le fer à barre est également recommandé lorsqu’une grande partie de la paroi du sabot est perdue. Dans ce contexte, la partie de la paroi du sabot distale au défaut doit être enlevée afin de supprimer l’appui sur cette partie [13]. La mise en décharge de la zone affectée peut être bénéfique pour soulager la douleur et favoriser la croissance de la corne [3]. Cependant, dans notre cas, la partie retirée aurait été très étendue, provoquant une instabilité de l’ensemble du pied. Pour combiner tous ces objectifs, un fer à barre a été ouvert dans sa partie dorso-médiale pour obtenir un fer trois-quarts. Enfin, une résine pour sabot a été utilisée pour combler le déficit de la paroi. Cette résine peut être appliquée dans un délai d’environ 4 semaines, lorsque le tissu de granulation de la paroi du sabot défectueux est kératinisé [13].

CONCLUSION

La réussite du traitement mis en place chez cette jument a été possible grâce au développement d’une technique chirurgicale appropriée, orientée vers la présentation particulière et la nature de la plaie. Cette technique, associée à un fer correcteur spécifique, a permis d’obtenir un bon résultat esthétique et fonctionnel.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun

MÉCANOTHÉRAPIE

La mécanothérapie rassemble l’ensemble des thérapies physiques (comme les massages et la rééducation) ou interventionnelles (via des moyens mécaniques) permettant de stimuler la réparation et le remodelage des tissus au niveau moléculaire, cellulaire ou tissulaire.

ÉLÉMENTS À RETENIR

• La mise en place d’un fer trois-quarts à barre permet de stabiliser le sabot, de supprimer l’appui sur la partie blessée du pied et de favoriser sa croissance.

• Les recommandations habituelles pour la mise en place d’un système de traction uniaxiale peuvent être adaptées afin de rediriger la croissance de la boîte cornée dans le bon sens.

• La synergie du traitement chirurgical et de la prise en charge orthopédique est souvent fondamentale pour atteindre une cicatrisation esthétique et une reprise fonctionnelle du pied.