Boiterie antérieure bilatérale chez un jeune cheval lusitanien - Pratique Vétérinaire Equine n° 224 du 01/01/2025
Pratique Vétérinaire Equine n° 224 du 01/01/2025

PATHOLOGIE LOCOMOTRICE

Cahier pratique

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Émilie SÉGARD-WEISSE*, Bianca DRUMOND**, Aurélie THOMAS-CANCIAN ***, Michael SCHRAMME****

Fonctions :
*(DipECVDI)
**VetAgro Sup, campus vétérinaire de Lyon 1 avenue Bourgelat 69280 Marcy-l’Étoile
***(résidente ECVDI-LA)
****(DipECVDI-LA)
*****(DipACVS)

PRÉSENTATION CLINIQUE

Un cheval lusitanien entier, âgé de 4 ans, récemment acheté en vue d’une utilisation en concours de saut d’obstacles de loisir, est référé pour la réalisation d’un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) des deux pieds antérieurs, afin d’évaluer une boiterie antérieure bilatérale apparue depuis environ 2 mois lors de la mise au travail. À l’admission, cette boiterie est de grade 2 sur 5. Bilatéralement, une distension des récessus dorsaux de l’articulation interphalangienne distale est observée. Les anesthésies locorégionales confirment la localisation de la boiterie dans les pieds. Un examen radiographique partiel des deux pieds préalable à l’IRM est réalisé, incluant les vues latéro-médiale et dorsale 65 proximale palmarodistale oblique (photos 1a et 1b). Du côté droit, cet examen de base est complété par des incidences particulières, dont une vue dorso-65 proximale-45 latérale palmaro-disto-médiale oblique (photo 1c).

DIAGNOSTIC RADIOGRAPHIQUE

Sur les images radiographiques, de bonne qualité, il est possible d’observer bilatéralement une fragmentation ostéochondrale dans la partie palmarolatérale de la surface articulaire de la phalange distale. L’encoche dans l’os sous-chondral est de taille plus importante du côté gauche. L’examen d’IRM confirme le diagnostic, mettant en évidence le fragment ainsi que les anomalies associées du cartilage articulaire et de l’os sous-chondral en regard (photos 2a à 2d en ligne).

TRAITEMENT ET SUIVI

Étant donné l’impossibilité d’un retrait arthroscopique des fragments, un traitement conservateur est proposé, fondé sur 3 mois de repos. Des injections intra-articulaires d’anti-inflammatoire dans l’articulation interphalangienne distale sont également recommandées, l’ensemble des examens ayant mis en évidence une arthropathie dégénérative de cette articulation, caractérisée par la présence de petits ostéophytes périarticulaires et d’un discret amincissement généralisé du cartilage articulaire.

DISCUSSION

Les fragmentations ostéochondrales de la partie palmaro-latérale ou plantarolatérale de la surface articulaire de la phalange distale sont des lésions récemment décrites chez des chevaux de course et de sport [1, 2]. Ces lésions sont très rares, avec une prévalence estimée à 0,4 % [1]. Elles affectent davantage les membres antérieurs que postérieurs et peuvent être bilatérales. L’origine de ces fragments, traumatique ou liée au développement, n’est pas élucidée. Le diagnostic radiographique n’est pas évident. Ces fragments sont souvent visibles sur l’incidence dorsale 65 proximale palmaro-distale oblique, mais ne sont généralement pas identifiés sur les autres vues [1, 2]. Ils sont parfois confondus avec des fragments du bord distal de l’os naviculaire. Lorsque leur présence est suspectée, il est recommandé de compléter l’examen par une vue dorso-65 proximale-45 latérale palmaro-disto-médiale oblique pour confirmer leur localisation.

Ces fragmentations ostéochondrales de la partie palmaro/plantaro-latérale de la surface articulaire de la phalange distale sont souvent associées à d’importants remaniements du cartilage et de l’os sous-chondral ainsi qu’à des lésions kystiques, qui ne sont pas visibles sur les clichés radiographiques. D’autre part, des lésions concomitantes des tissus mous (tendinopathie du fléchisseur profond du doigt, desmopathie du ligament sésamoïdien distal impair, desmopathie d’un ligament collatéral de l’articulation interphalangienne distale) sont rapportées dans certains cas [1, 2]. Ainsi, lors de leur mise en évidence, un examen d’imagerie en coupe des deux pieds, préférentiellement d’IRM, est recommandé pour effectuer un bilan lésionnel complet. Une synovite et des signes d’arthropathie dégénérative de l’articulation interphalangienne distale sont fréquemment observés chez les chevaux atteints [1, 2]. La localisation des lésions les rend inaccessibles via un traitement chirurgical en l’absence de lésions concomitantes des tissus mous conférant à l’articulation interphalangienne distale une laxité anormale [2]. Le pronostic sportif semble lié à la présence de signes d’arthropathie dégénérative de l’articulation interphalangienne distale, et est globalement réservé en l’état actuel des connaissances. Cependant, le faible échantillon de chevaux atteints de ces lésions rares incite à la prudence concernant l’expression clinique et le pronostic.

Références

  • 1. Drumond B, Schramme M, Thomas Cancian A et coll. Low field magnetic resonance imaging of palmar osteochondral fragmentation of the distal phalanx. Equine Vet. Educ. 2024;early view.
  • 2. Lloyd KA, Smith MRW, Whitton RC et coll. Osteochondral fragmentation of the palmarolateral/ plantarolateral aspect of the distal phalanx in four horses: a novel location. Equine Vet. Educ. 2022;34 (4):e163-e168.

Conflit d’intérêts

Aucun

Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Imagerie de l’Association vétérinaire équine française.

Photos 2a à 2d

https://bit.ly/3Vyf4Yp