GASTRO-ENTÉROLOGIE
Dossier
Prise en charge
Auteur(s) : Valérie DENIAU
Fonctions : (DipECEIM)Clinique vétérinaire de Grosbois 94470 Boissy-Saint-Léger
La variété de ces affections complique l’établissement de critères pronostiques fiables. Leur traitement repose sur la réduction des facteurs antigéniques et l’administration prolongée d’anti-inflammatoires.
Les maladies inflammatoires chroniques intestinales (Mici) sont à rechercher dans les cas d’amaigrissement avec ou sans baisse de la prise alimentaire, de diarrhée chronique ou de coliques récurrentes. Elles regroupent un ensemble d’affections caractérisées par la présence anormale de cellules inflammatoires dans tout ou partie de la muqueuse et de la sous-muqueuse de l’intestin grêle ou du côlon. Il en résulte, à des degrés variables, des phénomènes de malabsorption des nutriments, d’exsudats protéiques dans la lumière intestinale, de troubles du péristaltisme, de modifications des pressions osmotiques cellulaire et intraluminale, et de perturbations du drainage lymphatique et des pressions hydrostatiques vasculaires. L’étiologie de ces affections n’est pas complètement élucidée, les causes évoquées le plus souvent étant une réponse immunitaire excessive ou non contrôlée à des antigènes parasitaires, bactériens, viraux ou alimentaires. Alors qu’en médecine des carnivores la nomenclature des Mici prend désormais surtout en compte la réponse thérapeutique, respectivement aux mesures nutritionnelles, aux anti-inflammatoires stéroïdiens ou aux antibiotiques, leur classification chez les équidés repose essentiellement sur la nature de l’infiltrat cellulaire, son caractère focal ou diffus, et son extension potentielle à d’autres organes.
Outre les caractéristiques pathologiques et épidémiologiques des différentes Mici équines, cet article aborde les signes cliniques et paracliniques d’importance diagnostique ainsi que les principes de prise en charge médicamenteuse et hygiénique.
Dans l’ensemble, les maladies inflammatoires chroniques intestinales affectent de façon privilégiée les équidés relativement jeunes, âgés de moins de 5 ans, sans que cette tendance soit exclusive (tableau 1) [25, 27]. Aucune prédisposition liée au sexe n’a été mise en évidence à ce jour, et la prédominance des races trotteur ou pur-sang pour certaines d’entre elles est à considérer avec prudence au regard du faible nombre de cas rapportés. La présence de leucocytes mononucléés ou polynucléés dans les muqueuse et sous-muqueuse intestinales est une observation relativement courante, y compris dans les cas sans signes cliniques ou biologiques d’affection digestive. C’est l’augmentation marquée de la densité de cellules inflammatoires dans ces tuniques pariétales, associée ou non à une atrophie villositaire ou glandulaire et parfois à l’atteinte d’autres organes abdominaux, qui caractérise une maladie inflammatoire chronique intestinale (tableau 2). Deux types cellulaires sont impliqués dans la majorité des cas de Mici répertoriés chez les équidés : les lymphocytes matures ou immatures et les éosinophiles.
Le lymphome digestif est une néoplasie digestive primaire originaire du tissu lymphoïde associé à l’intestin, caractérisée par un infiltrat pléomorphe de lymphocytes et parfois de plasmocytes dans la muqueuse et la sous-muqueuse intestinales, voire jusqu’aux tuniques musculaire et séreuse [25, 27]. L’intestin grêle est affecté de façon dominante et les nœuds lymphatiques mésentériques, siège du même infiltrat, sont le plus souvent nettement hypertrophiés [25, 32]. Dans une étude rétrospective monocentrique, le lymphome représentait 56 % (19 cas sur 34) des tumeurs intestinales diagnostiquées sur une période de 15 ans, avec un taux de métastases de 73 % hors des nœuds lymphatiques mésentériques [32].
L’entérite lymphoplasmocytaire se distingue du lymphome par le caractère relativement monomorphe de l’infiltrat pariétal, l’absence de cellules atypiques dans la muqueuse digestive, une hyperplasie plus modérée et inconstante des nœuds lymphatiques mésentériques et une implication relativement équivalente de l’intestin grêle et du gros intestin. Si un infiltrat d’intensité modérée, compatible avec cette affection mais non caractéristique, est retrouvé sur la muqueuse rectale ou duodénale d’une majorité de chevaux présentés avec des signes cliniques ou biologiques de Mici, les cas confirmés, avec un envahissement marqué du chorion de la muqueuse intestinale sur une portion étendue du tube digestif, restent relativement peu fréquents [4]. Une étude rétrospective a répertorié 14 cas, chez des chevaux adultes de tout âge et sans prédisposition raciale, répartis dans trois centres de référence sur une période de 5 à 15 ans selon les sites [14].
Les maladies inflammatoires chroniques intestinales à dominante éosinophilique peuvent être diffuses, focales ou multisystémique.
L’entérite éosinophilique diffuse ou focale, qualifiée généralement d’idiopathique, peut affecter de façon équivalente le petit ou le gros intestin. Elle est caractérisée par un épaississement marqué de la muqueuse intestinale associé à des lésions ulcéreuses multiples, et peut concerner un segment intestinal plus ou moins étendu (forme diffuse) ou être limitée à des zones circonférentielles souvent multiples et de faible longueur, appelées mural bands, qui peuvent occasionner des obstructions aiguës non étranglées [1]. À la différence des autres maladies inflammatoires chroniques intestinales, le tableau clinique de l’entérite éosinophilique est dominé par des coliques récurrentes et inclut rarement des troubles de l’absorption ou de l’amaigrissement [2]. Même si l’épaississement des segments digestifs lésés peut être objectivé dans certains cas par échographie, le diagnostic définitif est souvent établi au cours d’une laparotomie exploratrice (photos 1a et 1b) [2]. Une étude rétrospective incluant 85 cas d’entérite éosinophilique focale diagnostiqués par laparotomie sur une période de 10 ans a mis en évidence une saisonnalité des diagnostics, plus fréquents en juillet et en novembre, et un facteur de risque associé au jeune âge (1 à 5 ans) [2].
La maladie éosinophilique épithéliotropique multisystémique est nettement distincte de l’entérite éosinophilique, à la fois par l’étendue de l’infiltrat inflammatoire qui implique d’autres organes abdominaux comme le foie, le pancréas, les nœuds lymphatiques mésentériques et la peau, et par son expression clinique et biologique qui inclut une malabsorption, un amaigrissement, des troubles métaboliques et des lésions dermatologiques (photo 2) [16, 28]. Les cas rapportés sont peu nombreux, les jeunes chevaux et les trotteurs semblant majoritairement touchés [5, 16, 28]. La maladie a également été décrite récemment chez des ânes [23]. Son étiologie n’est pas déterminée avec précision. Une relation avec des phénomènes d’hypersensibilité de type 1 (urticaire) est décrite dans quelques cas au stade précoce, tandis que d’autres laissent suspecter une réaction immunitaire exacerbée à des migrations parasitaires larvaires, mais aucune donnée histologique à large échelle ne permet de confirmer ces mécanismes [8, 16, 28].
L’entérite granulomateuse partage certains points communs avec la maladie de Crohn chez l’humain, ainsi qu’avec la maladie éosinophilique épithéliotropique multisystémique, mais se distingue sur le plan histopathologique. Dans cette affection rare, qui touche majoritairement de jeunes chevaux et des trotteurs, l’infiltrat inflammatoire est principalement constitué de macrophages, d’histiocytes ou de cellules épithélioïdes organisés en granulomes muqueux et sous-muqueux [27, 28].
Les lésions concernent tout le tube digestif, mais sont plus sévères sur l’intestin grêle, et le tableau clinique est dominé par un amaigrissement sévère alors qu’une diarrhée survient de façon plus inconstante [27]. Comme pour la maladie éosinophilique épithéliotropique multisystémique, les facteurs déclenchants de la réaction inflammatoire granulomateuse ne sont pas connus. La présence de mycobactéries et d’aluminium a été objectivée dans les tissus de chevaux atteints, mais le faible nombre et la sélection des cas peuvent altérer la représentativité de ces données [10, 21].
Les anomalies hémato-biochimiques sont généralement peu spécifiques. Comme dans toutes les affections inflammatoires chroniques, une anémie modérée et fluctuante peut être observée. Elle résulte de la séquestration du fer dans les macrophages médullaires, de la diminution de l’absorption des vitamines impliquées dans le métabolisme de l’hémoglobine, de pertes sanguines chroniques dues à des lésions ulcéreuses et, dans certains cas, d’un envahissement médullaire. L’hypoalbuminémie est observée à des degrés divers dans la plupart des formes de Mici, le principal diagnostic différentiel dans le même contexte clinique étant celui d’une cyathostomose larvaire. La baisse de l’albumine plasmatique procède à la fois des pertes protéiques exsudatives dans la lumière intestinale et d’une diminution de l’absorption digestive. Comme les globulines sont synthétisées plus rapidement que l’albumine et interviennent dans les réactions inflammatoires, leur concentration plasmatique est moins fréquemment modifiée [28]. L’entérite granulomateuse est systématiquement associée à une hypoalbuminémie, tout comme l’entérite proliférative à Lawsonia intracellularis (encadré) [28]. Cette dernière, bien qu’elle ne soit pas une Mici, représente un diagnostic différentiel majeur en raison de ses similitudes cliniques et hématobiochimiques avec les maladies inflammatoires intestinales. A contrario, l’hypoalbuminémie est relativement rare lors d’entérites éosinophiliques. Une association entre l’albuminémie et le pronostic vital à long terme a été suggérée dans une étude rétrospective chez des chevaux présentant un amaigrissement avec un appétit conservé [22]. De façon plus variable, l’extension de l’infiltrat inflammatoire aux autres organes abdominaux (comme le foie ou le pancréas) lors de maladie éosinophilique épithéliotropique multisystémique ou d’entérite granulomateuse peut se traduire par une élévation des valeurs plasmatiques de l’aspartate aminotransférase (Asat) et de la gamma-glutamyltransférase (GGT) [5, 27].
Un syndrome de malabsorption des hydrates de carbone, principalement consécutif à l’atrophie des villosités et aux lésions de fibrose de la muqueuse digestive, est l’un des signes d’appel de la maladie inflammatoire chronique intestinale. Le test au D-xylose, non influencé par le statut métabolique du cheval, est considéré comme la technique de référence mais en pratique, à cause de la disponibilité limitée du dosage de cette molécule, le glucose est bien plus souvent utilisé. Dans deux études, le profil d’absorption était anormal chez 70 % des chevaux diagnostiqués avec une Mici, mais le pic d’absorption n’était corrélé au pronostic de survie que lors d’utilisation du D-xylose [4, 12]. La mise en évidence d’une malabsorption totale (courbe plate) est relativement bien corrélée à la présence d’une infiltration intestinale inflammatoire ou tumorale, mais elle est parfois transitoire, et des courbes à profil “intermédiaire”, dites de malabsorption partielle, peuvent être observées chez des chevaux sans lésions digestives [7, 18]. Parmi les possibles sources de confusion diagnostique, la maladie du motoneurone est l’une des affections dans lesquelles la courbe d’absorption du glucose peut être modifiée sans lésion intestinale inflammatoire, mais en raison d’une altération des mécanismes de transport cellulaire du glucose et de l’augmentation de sa consommation [3]. A contrario, de nombreux cas de Mici, particulièrement les formes éosinophiliques, présentent une réponse normale au test d’absorption du glucose ou du xylose, et les résultats de ce dernier ne sont pas corrélés de façon constante aux anomalies histologiques ou à l’hypoalbuminémie [4, 28].
La confirmation du diagnostic repose sur la mise en évidence de lésions histopathologiques caractéristiques d’une Mici sur des prélèvements de muqueuse ou de paroi digestive(1).
Les biopsies rectales sont de réalisation rapide, mais leur potentiel diagnostique est plutôt limité aux cas où le processus inflammatoire est étendu au côlon et au rectum. L’histologie rectale est anormale dans 50 à 80 % des cas de Mici, mais elle n’est pas toujours représentative de l’affection primaire, en particulier lors de lymphome [4, 12, 15]. Certaines lésions de chromatolyse se sont révélées discriminantes pour un diagnostic différentiel avec la maladie de l’herbe [34]. Les prélèvements peuvent aussi servir de support à la recherche d’agents étiologiques comme les salmonelles, Lawsonia intracellularis ou les cyathostomes.
La valeur diagnostique des biopsies duodénales transendoscopique est limitée par la nature relativement superficielle des prélèvements obtenus, mais la combinaison avec les biopsies rectales se montre plus discriminante que chacune des deux méthodes isolées [30]. Les biopsies duodénales se sont montrées utiles pour le diagnostic des entérites lymphoplasmocytaires et dans un cas de lymphome, mais leurs résultats restent faiblement corrélés à ceux des tests d’absorption [4, 6]. Les biopsies intestinales sous laparoscopie ou laparotomie sont plus souvent de meilleure qualité diagnostique, en particulier lors de coliques récurrentes et pour les lésions focales qui peuvent être visualisées et éventuellement réséquées [30]. Leur mise en œuvre reste limitée, au-delà des considérations financières, par le statut métabolique des animaux et les risques de complications chez les chevaux débilités ou diarrhéiques.
L’un des principaux objectifs du traitement des Mici chez les animaux de compagnie est de réduire l’exposition aux antigènes susceptibles d’induire ou d’entretenir la réaction inflammatoire intestinale. La mise en place d’un régime spécifique, incluant des sources différentes de protéines et d’hydrates de carbone, constitue ainsi la première étape de la prise en charge de ces affections. Chez les équidés, les recommandations alimentaires ne sont pas standardisées et dépendent des anomalies fonctionnelles mises en évidence : une ration riche en fibres fourragères, qui favorise comme source d’énergie les acides gras volatiles produits par les fermentations cæco-coliques, est à privilégier lors de Mici affectant prioritairement l’intestin grêle avec une malabsorption des hydrates de carbone [13, 19]. A contrario, lors d’inflammation dominante du gros intestin avec une diarrhée, ou de lésions digestives focales occasionnant des troubles du transit, un régime alimentaire limitant les fibres longues est préférable [19]. La pulpe de betterave et les fourrages sous la forme de bouchons réhydratés ou de granulés peuvent constituer la base de la ration [13, 19]. Les aliments céréaliers ne sont pas à proscrire, mais il est parfois préférable de se limiter à une matière première (forme floconnée d’orge ou de maïs) plutôt qu’à des mélanges multipliant les composés et les sources potentielles d’intolérance [13]. En cas de diarrhée accompagnée d’une déplétion électrolytique, il convient d’utiliser des compléments minéraux adaptés aux carences, généralement en sodium et potassium, parfois en calcium et magnésium. Dans tous les cas, un fractionnement de la ration en au moins trois repas est préférable et l’adjonction de sources énergétiques lipidiques facilement absorbables est recommandée chez les animaux en perte de poids.
L’usage des antibiotiques pour le traitement des Mici est relativement limité. Le métronidazole et la sulfasalazine sont utilisés en médecine humaine dans certains cas de maladie de Crohn, plutôt pour leurs propriétés anti-inflammatoires [29]. Leur usage lors de Mici chez le cheval reste empirique et peu documenté. La sulfasalazine est une prodrogue dont les métabolites libérés dans le côlon exercent un effet inhibiteur sur la cascade inflammatoire des eicosanoïdes, et son administration à une dose dégressive (16 mg/kg par jour per os pendant 5 jours puis 8 mg/kg par jour) est rapportée dans un cas de diarrhée chronique, mais sans précision sur le diagnostic [33]. L’utilisation des anthelminthiques dans le traitement des Mici équines reste controversée. L’une de ses justifications serait le rôle pro-inflammatoire et antigénique des agents parasitaires peu ou pas détectables par la coproscopie parasitaire, comme les larves enkystées de cyathostomes ou les anoplocéphales. Certains auteurs recommandent l’emploi quotidien de fenbendazole (à raison de 10 mg/kg par jour pendant 5 jours) suivi d’une dose d’ivermectine, d’autres une administration quotidienne de pyrantel pendant plusieurs mois dans le but d’éviter toute stimulation antigénique en prévenant la réinfestation naturelle entre deux traitements [12, 13]. L’efficacité de ces protocoles n’est cependant pas établie à large échelle et le risque de développement de résistances aux anthelminthiques doit être pris en compte.
L’administration de corticostéroïdes à doses dégressives sur une période de plusieurs semaines à plusieurs mois est la mesure thérapeutique médicamenteuse la plus communément pratiquée et documentée. La voie parentérale semble préférable en raison de l’impact potentiel des troubles de l’absorption ou du transit sur la biodisponibilité orale des principes actifs [19]. La plupart des protocoles décrits reposent sur des injections intramusculaires quotidiennes de dexaméthasone, débutant entre 0,05 mg/kg et 0,1 mg/kg et réduites de 25 % tous les 7 à 15 jours, jusqu’à atteindre la dose minimale sans rechute clinique [9, 13, 28]. Plus occasionnellement, la prednisolone par voie orale est également utilisée [12]. La réponse thérapeutique reste variable, généralement plus élevée pour les entérites éosinophiliques ou lymphoplasmocytaires, mais des succès sporadiques sont décrits pour des cas d’entérite granulomateuse ou de maladie éosinophilique épithéliotropique multisystémique [9, 13, 20, 28]. Outre la fourbure et l’immunosuppression, l’usage prolongé de corticostéroïdes chez des chevaux atteints d’une affection digestive peut favoriser des complications rares, telles qu’une aspergillose viscérale, notamment pulmonaire [31].
Dans une revue de cas de lymphomes traités par des combinaisons de médications cytotoxiques incluant la vincristine, la doxorubicine et le cyclophosphamide, une rémission partielle a été observée chez les 3 chevaux atteints de forme digestive, mais le protocole de ces cas et l’utilisation concomitante ou non de corticoïdes n’étaient pas précisés [17]. L’hydroxyurée, une autre molécule antinéoplasique, a permis une amélioration clinique transitoire dans un cas de maladie éosinophilique épithéliotropique multisystémique [11]. Lors de découverte de lésions d’entérite focale à la laparotomie, une exérèse est à privilégier, même avant le diagnostic histologique, avec un pronostic plutôt favorable pour les formes éosinophiliques [1].
En raison du faible nombre de cas complètement documentés et rapportés, de leur relative variété épidémiologique et clinico-pathologique et des limites des techniques de diagnostic, l’établissement de critères de pronostic fiables pour les maladies inflammatoires chroniques intestinales des équidés est très délicat. La prise en charge de ces affections repose sur la réduction des sources de stimulation antigénique identifiées ou supposées, et sur des traitements anti-inflammatoires prolongés. Comme pour les autres espèces, le développement de techniques de plus en plus poussées de cartographie du microbiote intestinal du cheval ouvre de nouvelles perspectives dans la compréhension des mécanismes et le choix des mesures hygiéniques à mettre en œuvre pour ces affections par nature complexes et multifactorielles.
(1) Voir l’article « Utilisation clinique des biopsies gastrointestinales chez le cheval atteint d’une maladie gastrointestinale immuno-infiltrative » dans ce dossier.
Aucun
Épidémiologie et pathogénie
L’entéropathie proliférative est une maladie intestinale qui affecte principalement les poulains en présevrage et postsevrage, plus rarement les jeunes adultes, avec un caractère endémique dans certains élevages [26, 27]. En raison de ses similarités cliniques et hématobiochimiques avec les Mici, elle constitue un diagnostic différentiel majeur. Cependant, elle s’en distingue par ses caractéristiques histopathologiques et son étiologie : caractérisée par une hyperplasie de la muqueuse de l’intestin grêle impliquant surtout l’épithélium des cryptes glandulaires, cette affection, également identifiée chez le porc, est liée à l’infection des cellules épithéliales par la bactérie intracellulaire Lawsonia intracellularis. Les segments digestifs les plus communément atteints sont le duodénum distal et l’iléon, dont la muqueuse présente dans les cas avancés un aspect caractéristique blanchâtre, épaissi, à multiples replis [27].
L’expression clinique est souvent sévère avec un amaigrissement rapide, un abattement, des œdèmes dans la majorité des cas, et de façon plus inconstante une diarrhée et une hyperthermie. La transmission au sein d’un effectif est oro-fécale avec une incubation de l’ordre de 2 à 3 semaines, les principaux facteurs de risque étant la densité d’élevage, les déplacements et le mélange d’animaux, l’usage d’antibiotiques et la période du sevrage [26, 27]. Les carnivores et les rongeurs domestiques et sauvages peuvent jouer le rôle de vecteurs et excréter la bactérie dans leurs fèces [26].
Diagnostic
Dans un contexte clinique et épidémiologique évocateur, une suspicion peut être émise en présence d’une hypoalbuminémie sévère et d’un épaississement marqué des parois de l’intestin grêle à l’échographie [26, 27]. Le diagnostic est confirmé par la mise en évidence de l’agent infectieux par réaction de polymérisation en chaîne (PCR) dans les fèces et/ou d’une séroconversion via un test Elisa [26].
Traitement et prévention
En plus des soins non spécifiques incluant une réhydratation, une correction des déséquilibres électrolytiques et éventuellement une transfusion de plasma, une antibiothérapie ciblée constitue le traitement de première intention. Les macrolides, les tétracyclines et la rifampicine sont les molécules les plus largement utilisées [26, 27]. Dans une étude de sensibilité in vitro, la clarithromycine et la rifampicine ont montré le plus d’efficacité contre les souches de Lawsonia intracellularis, à la fois dans les modèles extracellulaires et intracellulaires. L’érythromycine et la doxycycline avaient également une activité élevée, alors que la sensibilité bactérienne aux triméthoprimesulfamides, aux pénicillines et au métronidazole était limitée et que toutes les souches étaient résistantes aux céphalosporines [24]. La disponibilité de la rifampicine tend à se réduire dans la pharmacopée. Bien qu’elle figure sur la liste des antibiotiques interdits en médecine vétérinaire, elle bénéficie d’une exception en tant que substance essentielle pour les équidés et son usage reste autorisé uniquement pour le traitement spécifique de la rhodococcose chez le poulain. Par ailleurs, l’usage des macrolides chez les adultes et les poulains en postsevrage n’est pas recommandé en raison des risques de perturbation de la flore digestive et de colite sévère [27]. En pratique, un traitement de 2 à 3 semaines avec de la doxycycline (à la dose de 10 mg/kg toutes les 12 heures) chez les poulains et les jeunes adultes, ou éventuellement de la clarithromycine (à raison de 7,5 mg/kg toutes les 12 heures) chez les foals non sevrés de moins de 6 mois, constitue un compromis approprié [27]. L’isolement des poulains atteints est recommandé pendant au minimum une semaine après l’initiation de l’antibiothérapie, ainsi que des mesures de désinfection des locaux et du matériel [27].