Cahier pratique
Fiche thérapeutique
Auteur(s) : Aude FERRAN*, Élodie LALLEMAND**
Fonctions :
*(DipECVPT)
**InTheRes, UMR1436 Inrae
ENV de Toulouse
23 chemin des Capelles
31300 Toulouse
***(DipECVS)
Les études d’efficacité et de tolérance menées chez le cheval suggèrent que le kétoprofène a des effets similaires à ceux de la flunixine méglumine. Les données disponibles ne suffisent pas pour le comparer au méloxicam.
Le kétoprofène est un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) autorisé pour une administration par voie intraveineuse chez le cheval (encadré).
La première autorisation de mise sur le marché (AMM) du kétoprofène chez le cheval a été délivrée en 1990 (Ketofen® 10 %). Depuis 2009, 10 génériques sont arrivés sur le marché français. Les indications du kétoprofène chez le cheval sont l’inflammation et la douleur associées aux troubles ostéo-articulaires et musculo-squelettiques, ainsi que la douleur associée aux coliques (photo). Certains résumés des caractéristiques des produits (RCP) incluent aussi la réduction de la douleur postopératoire et le soulagement de la fièvre. Ces indications sont similaires à celles des autres AINS disponibles chez le cheval et administrés par voie intraveineuse (flunixine méglumine, méloxicam et firocoxib(1)). Le védaprofène et la phénylbutazone(2) sont aussi des AINS autorisés chez le cheval, mais administrables uniquement par voie orale.
La dose de kétoprofène chez le cheval est de 2,2 mg/kg en une administration journalière. Le RCP de la formulation princeps (Ketofen® 10 %) indique que les voies intraveineuse et intramusculaire sont possibles chez le cheval. Toutefois, la voie intramusculaire n’est presque jamais utilisée dans les études et n’est pas citée dans les RCP des autres formulations. De manière générale, l’administration par voie intramusculaire est déconseillée chez le cheval car elle conduit souvent à des myonécroses. L’administration orale de la formulation injectable est rapportée [2]. Cependant, cet usage est interdit par le règlement européen : le principe de la cascade thérapeutique ne serait pas respecté puisqu’il existe plusieurs AINS (méloxicam, védaprofène, firocoxib), pour les mêmes indications, disponibles par voie orale.
La demi-vie du kétoprofène est courte (1,5 à 3 heures) mais, comme pour tous les AINS, elle est beaucoup plus longue au niveau du site inflammatoire en raison d’une liaison aux protéines de l’inflammation. Pour le kétoprofène, la demi-vie dans l’exsudat est de 20 heures environ [4].
Comme la phénylbutazone, la flunixine méglumine et le védaprofène, le kétoprofène inhibe l’activité des cyclo-oxygénases (COX) de manière non sélective, ce qui signifie qu’il inhibe à la fois l’activité des COX-1 et des COX-2 [1]. Cette inhibition bloque la production de prostaglandine E2 (PGE2) et peut limiter l’inflammation, la douleur et l’hyperthermie. Deux études expérimentales ont montré qu’une administration de 2,2 mg/kg de kétoprofène chez le cheval permettait de réduire significativement la production de PGE2 pendant au moins 12 heures [2, 4]. Contrairement à l’effet obtenu avec 1,1 mg/kg de flunixine méglumine, cette inhibition n’est pas maintenue jusqu’à 24 heures dans une des deux études [4].
Une étude française récente a comparé, chez 8 à 12 chevaux par traitement, la flunixine méglumine (à la dose de 1,1 mg/kg), le méloxicam (à la dose de 0,6 mg/kg) et le kétoprofène (à la dose de 2,2 mg/kg) administrés une fois par jour, par voie intraveineuse, le jour et le lendemain de castrations inguinales [5]. Cette étude randomisée en aveugle n’a démontré aucune différence significative entre les trois traitements, bien que les scores de douleur soient un peu plus élevés avec le kétoprofène qu’avec les deux autres AINS le lendemain de la castration. Deux études, une expérimentale sur une boiterie aiguë induite et l’autre sur des fourbures chroniques, ont montré un effet inférieur (scores de boiterie et de douleur) du kétoprofène (à la dose de 2,2 mg/kg) par rapport à la phénylbutazone (à la dose de 4,4 mg/kg) [8, 9]. Cependant, il convient de rappeler que la dose de 4,4 mg/kg testée pour la phénylbutazone n’est recommandée que pour le premier jour de traitement et qu’aucune étude n’a comparé les effets de ces deux AINS pendant plusieurs jours.
Comme les autres AINS, les contre-indications à l’utilisation du kétoprofène sont les ulcérations ou les saignements gastro-intestinaux, les affections cardiaques, hépatiques ou rénales. Les RCP des formulations de kétoprofène indiquent tous des durées de traitement inférieures à 5 jours avec la mention « ne pas dépasser la durée de traitement indiquée ». Si un traitement plus long est envisagé, il est recommandé de surveiller prudemment les signes évocateurs de lésions digestives et la fonction rénale.
Une étude randomisée de 1993 a comparé la toxicité, chez 3 à 5 chevaux par traitement, du NaCl à 0,9 %, du kétoprofène (à la dose de 2,2 mg/kg), de la flunixine méglumine (à la dose de 1,1 mg/kg), et de la phénylbutazone (à la dose de 4,4 mg/kg) par voie intraveineuse, toutes les 8 heures pendant 12 jours [6]. Les dosages dans cette étude étaient beaucoup plus élevés que ceux préconisés par les RCP. À l’autopsie, la partie glandulaire de l’estomac était la zone du tractus gastro-intestinal la plus affectée par ces AINS. Les lésions induites par le kétoprofène étaient moins sévères et moins étendues que dans les groupes “flunixine méglumine” ou “phénylbutazone”. Dans le groupe “phénylbutazone”, mais pas dans les autres, un œdème de l’intestin grêle ainsi que des érosions et des ulcères du gros côlon ont été observées. Quatre chevaux (1 sur 5 et 3 sur 3 dans les groupes traités respectivement avec la flunixine méglumine et la phénylbutazone) ont développé une nécrose de la crête rénale. Les chevaux des groupes “contrôle” (NaCl) et “kétoprofène” n’ont pas développé de lésion rénale. Des résultats similaires ont été obtenus chez 20 ânes traités avec les mêmes doses toutes les 12 heures [7].
Ces résultats semblent indiquer que le kétoprofène est bien toléré, avec une absence de lésion rénale et une toxicité digestive comparable ou inférieure à celle de la flunixine méglumine. Aucune étude n’a comparé le kétoprofène avec un COX-2 préférentiel (méloxicam) ou un COX-2 sélectif (firocoxib) qui pourraient induire moins de lésions gastriques tout en permettant le maintien de l’activité de COX-1 [1].
(1) Le firocoxib a une AMM uniquement pour l’arthrose. S’il est utilisé pour des douleurs aiguës (hors AMM), une dose de charge correspondant à trois fois la dose d’entretien doit être administrée.
(2) La phénylbutazone est indiquée uniquement pour la fourbure chronique.
Aucun
Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Imagerie de l’Association vétérinaire équine française.
• Indications : inflammation et douleurs.
• Formulations : 11 spécialités pharmaceutiques actuellement autorisées en France.
• Voie : intraveineuse.
• Dose : 2,2 mg/kg par jour.
• Durée : 3 à 5 jours.