GASTRO-ENTÉROLOGIE
Dossier
Histopathologie
Auteur(s) : Daniel JEAN*, Guillaume ST-JEAN**, Nanny WENZLOW***
Fonctions :
*(DipACVIM-LA)
**Faculté de médecine vétérinaire, université de Montréal Saint-Hyacinthe, Québec (Canada)
***(DipACVP)
**** Faculté de médecine vétérinaire, université de Montréal Saint-Hyacinthe, Québec (Canada)
*****(DipACVP)
******Texas Tech University, School of Veterinary Medicine Amarillo (États-Unis)
Une analyse approfondie des modifications cellulaires et architecturales fournit des indications objectives concernant l’inflammation du tractus gastro-intestinal. L’interprétation doit tenir compte du contexte clinique global.
Les biopsies gastro-intestinales constituent une procédure cruciale dans la démarche diagnostique face à la suspicion d’une maladie gastro-intestinale chez un cheval. Elles permettent la caractérisation d’une infiltration inflammatoire, l’identification de modifications significatives de l’architecture de la muqueuse, la détection d’un processus néoplasique ou de la présence potentielle d’un agent pathogène. La qualité des biopsies digestives, qui peut varier considérablement, a potentiellement un impact sur l’interprétation histologique. La photographie histologique de la muqueuse digestive montre une proportion variable de lymphocytes et de plasmocytes, ainsi qu’en moindre quantité des éosinophiles, des macrophages et des neutrophiles qui représentent les populations cellulaires dites normales des différents segments du tractus gastro-intestinal [5, 13]. Différencier les populations immunitaires normales d’une infiltration significative représente un défidiagnostique et peut se révéler subjectif, étant donné les informations limitées disponibles sur les populations leucocytaires considérées comme normales dans le tractus gastro-intestinal [13]. Le diagnostic d’un néoplasme demande des biopsies d’une qualité optimale et une localisation de la tumeur dans la paroi intestinale. Dans ce contexte, les biopsies endoscopiques superficielles peuvent ne pas atteindre des cellules néoplasiques situées dans la sous-muqueuse et/ou la musculeuse. Le praticien doit être vigilant dans le choix des tissus prélevés : des biopsies digestives d’une région adjacente à un processus néoplasique peuvent mener au diagnostic non spécifique d’une inflammation digestive, sans que le néoplasme sousjacent soit détecté. Enfin, le tractus gastro-intestinal est vaste et, selon la répartition des lésions sur la muqueuse digestive, la probabilité que les prélèvements obtenus représentent de façon significative la maladie digestive apparaît variable d’un cheval à l’autre. Une caractérisation ou quantification plus affinée des cellules immunitaires intestinales et des changements morphologiques dans la paroi intestinale constituerait un outil histologique supplémentaire pour permettre une interprétation plus objective des pathologistes et une meilleure distinction entre un tissu normal et une infiltration significative. Une interprétation histologique plus précise permettrait également aux praticiens une approche thérapeutique préventive plus ciblée sur l’animal et fournirait un potentiel facteur pronostique.
La maladie inflammatoire chronique intestinale (Mici), ou inflammatory bowel disease, est généralement associée à un dysfonctionnement du tractus gastro-intestinal causé par une infiltration de la muqueuse et de la sous-muqueuse par des lymphocytes, des plasmocytes, des éosinophiles, des basophiles ou des macrophages et des neutrophiles [12, 15, 21]. De plus, le terme d’infiltration immunitaire digestive peut être utilisé dans le cas de chevaux symptomatiques (colique, hypoprotéinémie, impaction chronique d’estomac, ulcères gastriques glandulaires) à un stade précoce de l’inflammation digestive, sans atteinte de la capacité d’absorption ou de maldigestion et avec une infiltration significative de l’intestin par des cellules immunitaires. Généralement, les modifications histologiques observées dans les différentes catégories de Mici sont à peu près similaires et la classification classique inclut cinq types d’infiltration : l’entérite lymphoplasmocytaire, l’entérite éosinophilique, le lymphome intestinal, l’entérite granulomateuse et la maladie éosinophilique épithéliotropique multisystémique. En outre, dans une récente étude rétrospective incluant des cas ayant subi des biopsies digestives, l’entérite neutrophilique représentait le deuxième diagnostic histologique le plus fréquent, tandis que quelques chevaux présentaient une infiltration macrophagique significative [6]. Néanmoins, la fréquence relative de ces affections peut varier selon les études.
Des biopsies digestives sont effectuées chez le cheval le plus souvent dans un contexte de suspicion d’une maladie inflammatoire digestive et, dans une moindre mesure, pour des maladies digestives plus rares telles que la dysautonomie intestinale ou lors de la détection d’une masse intestinale suspecte au cours d’une gastro-duodénoscopie et/ ou d’une rectoscopie. Les chevaux atteints d’une maladie inflammatoire digestive présentent des signes cliniques divers et d’intensité variable, d’une maladie inapparente à une perte de poids sévère en passant par des épisodes intermittents de colique. Par le passé, la présentation clinique classique a été le plus souvent associée à une malabsorption avec une hypoprotéinémie, un œdème ventral et une perte de poids [12, 15, 21]. Plus récemment, des signes digestifs moins spécifiques, tels que des coliques chroniques, une impaction gastrique sévère ponctuelle ou chronique, un délai anormalement long de la vidange gastrique et des ulcères glandulaires persistants malgré une thérapie ciblée, ont été associés à une infiltration immunitaire digestive [6]. Dans une récente étude rétrospective documentée dans notre hôpital équin, 46 % des chevaux (12 sur 26) présentaient une infiltration intestinale et en parallèle des ulcères gastriques glandulaires. Le lien réel entre les deux anomalies reste à démontrer. La présence de diarrhée suggère généralement une atteinte du gros côlon.
Le diagnostic de maladie inflammatoire digestive est confirmé via les caractéristiques histologiques observées sur les biopsies digestives. Plusieurs techniques de biopsie digestive ont été utilisées et décrites au fil du temps, comme la laparotomie, la laparoscopie et les voies rectale (par pinces utérines et endoscopie) et duodénale (voie endoscopique) (tableau 1). Depuis plusieurs années, les biopsies endoscopiques duodénales et rectales sont le plus souvent utilisées, avec le développement des endoscopes permettant de prélever les tissus duodénaux et rectaux sur un cheval ayant reçu une sédation adéquate. De plus, cette technique est facile à effectuer, rapide, peu coûteuse et n’induit pas de complications significatives. Les biopsies rectales peuvent être réalisées par voie endoscopique avec des pinces à biopsie ou avec une pince à biopsie utérine. La préférence des auteurs va à la technique endoscopique qui offre une évaluation visuelle de la muqueuse rectale la plus rostrale possible et permet d’effectuer des biopsies sur le pli rectal à plusieurs endroits en choisissant les sites à biopsier (idéalement lors de lésion inflammatoire macroscopique). Étant donné la variabilité de la localisation et de l’intensité de la maladie inflammatoire digestive, il est recommandé de pratiquer des biopsies duodénales et rectales chez tous les chevaux. De 5 à 6 biopsies duodénales et de 5 à 6 biopsies rectales endoscopiques devraient être réalisées et soumises à un pathologiste pour un examen histologique, afin d’optimiser l’obtention d’une quantité minimale de biopsies de bonne qualité et de mieux préciser le type et le grade d’infiltration des cellules immunitaires. En médecine humaine, une étude montre que 4 biopsies duodénales sont nécessaires pour optimiser le diagnostic de la maladie cœliaque à 100 %, une maladie qui atteint la portion proximale de l’intestin grêle [7]. De plus, l’approche avec des biopsies endoscopiques duodénales et rectales permet de faire des prélèvements séquentiels dans le temps, afin d’évaluer l’évolution de l’infiltration ainsi que la réponse aux modifications alimentaires et/ou aux traitements.
La laparotomie permet une visualisation de plusieurs segments gastro-intestinaux et le prélèvement de biopsies digestives en pleine épaisseur. Cette technique demande une anesthésie générale et la guérison de la plaie chirurgicale peut être un défisignificatif chez un animal avec un faible score corporel, une hypoprotéinémie et dans un état de catabolisme [7]. La laparoscopie permet une visualisation des différents segments gastro-intestinaux et la prise de biopsies digestives en pleine épaisseur de 50 % de segments supplémentaires, dont le duodénum et l’iléon, par comparaison avec la laparotomie. Cette technique bien tolérée, qui peut être pratiquée sur un cheval debout sédaté, est associée à peu de complications selon les données publiées [2, 3, 14].
Pour permettre une interprétation histologique précise ou établir un diagnostic à partir de biopsies gastro-intestinales obtenues par voie endoscopique ou en pleine épaisseur, les facteurs significatifs à considérer sont les caractéristiques des biopsies, notamment leur nombre et leur qualité [22]. Ceux-ci devraient être indiqués par le pathologiste dans son rapport histologique et ces aspects sont à prendre en compte dans l’évaluation et l’interprétation du vétérinaire traitant [16]. Les qualités optimales recherchées pour une biopsie digestive sont une profondeur suffisante, l’absence d’artefacts et d’autolyse liée au délai entre l’échantillonnage et la fixation dans le formol, ainsi qu’une orientation permettant d’évaluer au mieux les villosités, les cryptes et la lamina propria. Ces caractéristiques anatomiques sont importantes dans l’évaluation architecturale des composants cellulaires des tissus. Alors que les prélèvements de grande qualité permettent un examen approfondi, ceux de mauvaise qualité peuvent limiter le processus d’évaluation lorsque des composantes tissulaires essentielles font défaut ou sont impossibles à distinguer [5]. La limite la plus souvent observée par les pathologistes lors de l’évaluation des biopsies endoscopiques, incluant celles de l’estomac, du duodénum et plus rarement du rectum, est l’absence des sections profondes de la muqueuse. Une orientation optimale des prélèvements est aussi souhaitable, en évitant des sections de cryptes sans les villosités. Le défile plus significatif rencontré avec les biopsies en pleine épaisseur est l’orientation variable des tissus. Lors d’une situation fréquemment observée, la musculeuse est présente dans la section, mais pas la muqueuse et la sous-muqueuse. Dans ce cas de figure, il est possible de réorienter le tissu dans la cassette [5]. Des artefacts peuvent aussi être un obstacle à l’évaluation, notamment en cas d’écrasement des tissus durant le prélèvement, souvent observé lors des biopsies endoscopiques duodénales, et du plissement de la section lors du traitement. Malgré une profondeur et une orientation adéquates du tissu, un artefact peut rendre la visualisation des anomalies plus complexe. Bien que les différentes situations sous-optimales susceptibles de modifier la qualité des prélèvements soient connues, les informations manquent sur leur effet réel sur l’interprétation histologique des tissus digestifs chez le cheval [5].
En médecine humaine, le nombre de biopsies prélevées peut influer sur la sensibilité et la spécificité de l’interprétation histologique. Dans une étude rétrospective, Pais et ses collaborateurs rapportent que 2 prélèvements seulement sont suffisants pour confirmer un diagnostic de maladie cœliaque (Mici liée au gluten) dans 90 % des cas et établir un diagnostic de présomption chez tous les patients [11]. Cependant, pour établir un diagnostic de certitude chez 100 % des patients, 4 biopsies duodénales sont nécessaires. Chez le cheval, il n’existe pas d’étude similaire décrivant le nombre minimal de prélèvements requis pour établir un diagnostic de maladie inflammatoire digestive avec le niveau de confiance le plus élevé. Selon notre étude préliminaire, entre 3 et 5 biopsies digestives sont nécessaires pour obtenir une bonne corrélation intraclasse des lymphocytes dans les différentes régions de la lamina propria. En se fondant sur ces résultats préliminaires, notre recommandation est de réaliser 5 à 6 biopsies (résultats non publiés). Dans le cas d’une suspicion de maladie inflammatoire digestive chez un cheval, la démarche diagnostique du praticien doit déterminer la pertinence clinique de l’évaluation des différents segments gastro-intestinaux (duodénum, rectum, autre segment gastro-intestinal), donc la meilleure technique de biopsie à utiliser. Il convient de garder en tête que la présence du même type d’infiltration dans les biopsies duodénales et rectales est probablement faible chez les chevaux. Dans une étude rétrospective menée au sein de notre hôpital équin, le même type d’infiltration dans les biopsies duodénales et rectales, chez un même cheval, est observé dans seulement 25 % des cas [6]. Ainsi, d’après les auteurs, il est pertinent dans tous les contextes cliniques de suspicion d’une maladie inflammatoire digestive d’effectuer des biopsies duodénales et rectales dans une première séquence de prélèvements. Selon le cas clinique et les résultats préliminaires, des techniques plus invasives peuvent ensuite être envisagées.
Classiquement, un diagnostic de maladie inflammatoire digestive doit s’appuyer sur des modifications architecturales et la présence de cellules inflammatoires. Le pathologiste ne doit pas surinterpréter la présence seule de cellules inflammatoires pour établir un diagnostic de maladie inflammatoire gastro-intestinale. Pour le chien et le chat, la World Small Animal Veterinary Association (WSAVA) a développé un guide pour l’interprétation des lésions histologiques. Ce guide décrit les critères grâce auxquels les pathologistes peuvent évaluer et établir un score de l’inflammation de la muqueuse [4]. Un guide similaire n’a pas encore été développé pour le tractus gastro-intestinal équin. Bien qu’il soit nécessaire d’établir des paramètres inflammatoires spécifiques pour le tractus gastro-intestinal, les principes élaborés pour les animaux de compagnie peuvent être utilisés. Il existe peu d’informations disponibles chez le cheval d’une démarche systémique d’évaluation des modifications architecturales et de l’infiltration des cellules inflammatoires.
Une étude des paramètres histologiques de l’intestin grêle chez des chevaux sans maladie digestive identifiée a défini la longueur des villosités et la densité des cellules inflammatoires dans la muqueuse gastro-intestinale comme des paramètres importants [13]. Ces informations servent de point de départ pour définir le gap entre une muqueuse normale et une muqueuse anormalement infiltrée, et procurent une base pour établir un guide standardisé d’évaluation des paramètres histologiques gastro-intestinaux.
Les infiltrations cliniquement significatives de la muqueuse gastro-intestinale par des cellules inflammatoires peuvent être diagnostiquées plus facilement en présence d’une inflammation marquée. Ces contextes cliniques d’inflammation sévère sont généralement accompagnés par plusieurs modifications architecturales de la muqueuse. Dans notre hôpital équin, la plupart des chevaux présentant une infiltration immunitaire significative affichaient un niveau d’infiltration variant de minimal à modéré. Ces cas représentent un déficar le diagnostic histologique peut se situer dans une zone intermédiaire entre une population cellulaire normale et une infiltration significative des populations immunitaires digestives. Qu’il y ait des signes cliniques classiques ou non, l’infiltration digestive représente une photographie histologique de l’intestin et de ses interactions avec les antigènes environnementaux (diète, microbiote, agents pathogènes, etc.). Par conséquent, le praticien doit juger de la pertinence d’émettre des recommandations spécifiques relatives à l’environnement allergénique du cheval. Dans un contexte clinique plus sévère, la présence de changements architecturaux de la muqueuse digestive associés à une augmentation significative des cellules inflammatoires va augmenter le niveau de confiance d’un diagnostic de maladie inflammatoire gastro-intestinale. Il existe une population intrinsèque physiologique de leucocytes dans tous les segments du tractus gastro-intestinal. Il s’agit principalement de lymphocytes et de plasmocytes, avec un plus faible nombre d’éosinophiles, de macrophages et de neutrophiles [20]. La proportion relative des leucocytes dans la muqueuse intestinale normale apporte un point de référence pour identifier une augmentation des cellules inflammatoires, signe de la présence d’une inflammation significative. Mais cette démarcation entre une muqueuse normale et anormale n’est probablement pas linéaire. Il y a quelques années, la présence d’une inflammation légère chez des chevaux considérés comme sains a été documentée, et ces résultats ont révélé la probabilité qu’il existe un chevauchement entre les chevaux sains et ceux atteints d’une infiltration inflammatoire digestive (résultats non publiés). Chez un cheval souffrant d’une inflammation gastro-intestinale chronique, les cellules types fréquemment augmentées incluent les lymphocytes, les plasmocytes, les éosinophiles et les macrophages (photos 1 à 4) [9]. L’augmentation des cellules inflammatoires est classée comme minimale (grade 1), légère (grade 2), modérée (grade 3) et marquée (grade 4).
L’entérite lymphoplasmocytaire est caractérisée par une augmentation minime à marquée d’une infiltration de lymphocytes et de plasmocytes dans la lamina propria et l’épithélium, parfois accompagnée par des villosités atrophiées, une fusion ou une atrophie, et la présence d’un œdème de la muqueuse et/ ou de la sous-muqueuse. Cette entérite, qui est l’infiltration immunitaire digestive la plus commune chez le chien atteint de maladie inflammatoire chronique intestinale, semble constituer une réponse immunitaire intestinale non spécifique à plusieurs types d’allergènes. Les études rétrospectives les plus récentes menées chez le cheval rapportent une prédominance de l’entérite lymphoplasmocytaire qui représente, de loin, le diagnostic histologique dominant observé dans notre hôpital [1, 6, 18, 19]. Ces résultats suggèrent que ce type d’infiltration indique probablement une modification histologique significative et une réelle entité clinique, pas seulement une maladie intestinale prélymphomateuse comme cela est mentionné dans la littérature.
L’entérite éosinophilique, abondamment décrite dans les publications par le passé, est probablement en diminution depuis quelques années. L’implication des parasites intestinaux dans ce type d’infiltration n’est pas clairement établie. Dans un certain nombre de cas, l’inflammation peut être transmurale. La maladie épithéliotropique éosinophilique multisystémique et l’entérite éosinophilique idiopathique sont deux autres formes d’infiltration éosinophilique décrites chez le cheval dont la cause demeure inconnue. La maladie épithéliotropique éosinophilique multisystémique est une maladie rare caractérisée par une infiltration d’éosinophiles dans les intestins et dans d’autres organes (peau, pancréas) [17]. L’entérite éosinophilique idiopathique est caractérisée par des lésions éosinophiliques localisées, circonscrites sur l’intestin grêle et le côlon, qui provoquent parfois des coliques obstructives susceptibles de nécessiter une laparotomie exploratrice et une résection des segments digestifs affectés [10]. La forme focale de l’entérite éosinophilique pourrait être l’exacerbation localisée d’une entérite éosinophilique plus diffuse [8, 10].
L’entérite granulomateuse est une maladie rare chez le cheval, caractérisée par une infiltration de macrophages et de cellules lymphoïdes dans la lamina propria ainsi que de plasmocytes et de cellules géantes. Cette forme d’inflammation digestive semble beaucoup moins fréquente actuellement. Cette infiltration immunitaire, dont la cause est inconnue, pourrait être secondaire à une réponse inflammatoire digestive aux bactéries intestinales.
La présence de granulomes hépatiques et pulmonaires est rapportée chez des animaux atteints d’entérite granulomateuse.
L’entérite histiocytaire est peu documentée dans la littérature mais, récemment, elle a été identifiée chez quelques chevaux [6]. Les macrophages sont physiologiquement présents dans la muqueuse digestive des chevaux. L’inflammation du tractus gastro-intestinal avec une dominante macrophagique peut donc représenter un défihistologique. Le rôle des macrophages intestinaux et leurs interactions avec les autres cellules immunitaires de la muqueuse digestive sont peu décrits chez le cheval.
L’entérite neutrophilique n’est pas documentée dans la littérature comme une entérite immuno-infiltrative chez le cheval et son importance clinique demeure incertaine. Dans une étude rétrospective menée dans notre hôpital, elle se classe au deuxième rang parmi les plus fréquentes, après les infiltrations lymphoplasmocytaires [6]. La cause de l’entérite neutrophilique demeure inconnue et pourrait s’expliquer par une infection intestinale locale (entérite, péritonite) et/ou par une possible relation avec les lymphocytes T, comme en médecine humaine.
Plusieurs études rétrospectives récentes rapportent un nombre variable d’animaux diagnostiqués avec une maladie inflammatoire digestive selon les techniques de biopsie utilisées pour les prélèvements (tableau 2). Comme ces études rétrospectives utilisent des protocoles d’étude différents, plusieurs critères d’inclusion (Mici, coliques récurrentes, biopsies gastro-intestinales) et types de biopsie (duodénales, rectales, tissus en pleine épaisseur), établir des comparaisons entre les techniques de prélèvement quant à la sensibilité et la spécificité des biopsies gastro-intestinales constitue un défichez le cheval. De plus, le peu d’informations fournies par la plupart des études rétrospectives sur la distribution des lésions dans les différents segments gastro-intestinaux (via un examen post-mortem complet) limite la capacité à quantifier la réelle valeur diagnostique de chaque type de prélèvement. Il est aussi important de rappeler que l’absence d’infiltration de la muqueuse par des cellules immunitaires ne permet pas d’exclure une maladie inflammatoire digestive chez le cheval.
Les biopsies rectales ont une capacité variable d’identification des infiltrations inflammatoires intestinales. Dans une étude menée en 2018, chez 82 % des chevaux présentant des signes cliniques évocateurs d’une maladie inflammatoire chronique intestinale, des modifications histologiques ont été observées sur les biopsies rectales [1]. Cependant, une autre étude rapporte un taux plus faible, avec 50 % de chevaux présentant des modifications histologiques dans un contexte de maladie digestive inflammatoire [8]. Dans une étude menée en Californie, une analyse des biopsies digestives de 100 cas avec un historique clinique de maladie digestive révèle des modifications histologiques chez 30 % d’entre eux à partir des biopsies rectales [5]. Cette variabilité du nombre de chevaux avec une infiltration digestive, montrée par ces trois études, s’explique probablement par une distribution différente des lésions et plus spécifiquement par le degré d’atteinte du rectum et du côlon distal.
Avec le développement de l’équipement endoscopique, les biopsies duodénales endoscopiques sont devenues la technique de prélèvement la plus souvent utilisées en clinique. Cette technique, facile à mettre en œuvre, fournit une meilleure photographie de la présence d’une maladie inflammatoire chronique intestinale, car les lésions sont plus fréquemment localisées dans l’intestin grêle, donc plus près du duodénum. Cependant, les résultats obtenus dans les études rétrospectives ne vont pas toujours dans le sens de cette détection plus élevée. Par exemple, dans une étude rétrospective effectuée dans notre hôpital, 72 % des chevaux présentaient une infiltration significative identifiée dans les biopsies duodénales et 78 % dans les biopsies rectales [6]. En revanche, dans l’étude de Siwinska et ses collaborateurs, chez 77 chevaux souffrant de coliques chroniques, tous avaient une infiltration digestive identifiée par 60 biopsies duodénales et 17 biopsies rectales [18]. Dans l’étude de Boshuizen et son équipe, incluant 78 chevaux suspectés d’être atteints d’une Mici, le taux de détection était supérieur avec les biopsies duodénales (56,8 %) versus les biopsies rectales (47,4 %) [1]. Aucune donnée ne prouve que la qualité des biopsies influence directement le diagnostic histologique. La standardisation de l’interprétation histologique des biopsies digestives par les pathologistes est aussi un élément à prendre en compte dans la bonification de la valeur diagnostique de cette procédure. Dans une étude rétrospective clinique et histologique récente, l’interprétation histologique réalisée par le service de pathologie de l’université a été comparée à celle effectuée par deux pathologistes indépendants. Il en ressort que le diagnostic d’infiltration lymphoplasmocytaire ou neutrophilique semble présenter une faible concordance entre les pathologistes sur la base des biopsies duodénales et rectales, et un accord supérieur pour celui des entérites éosinophiliques [6]. Étant donné ce taux variable d’adéquation du diagnostic histologique entre les pathologistes, l’interprétation clinique doit être réalisée dans la perspective du contexte global de l’animal.
L’utilité clinique des biopsies digestives repose sur l’optimisation des informations cliniques, la qualité des prélèvements et une évaluation standardisée des sections histologiques. Les lignes directrices d’évaluation des biopsies gastro-intestinales développées pour le chien et le chat offrent une base utile, bien que perfectible, pour une évaluation standardisée des maladies inflammatoires chez le cheval. Les principes de base de l’inflammation digestive sont probablement similaires entre les espèces en ce qui concerne les lésions de la muqueuse. Chez le cheval, comme chez toutes les autres espèces, une évaluation minutieuse des changements cellulaires et architecturaux fournit des indications objectives sur l’inflammation du tractus gastro-intestinal. Une meilleure définition des populations de leucocytes normales dans les différents segments digestifs permet de mieux distinguer l’absence d’inflammation d’une infiltration immunitaire significative et de mieux interpréter sa valeur diagnostique selon le contexte clinique. Plusieurs angles cliniques et diagnostiques restent à affiner pour améliorer la stratégie thérapeutique lors de maladie inflammatoire chronique.
Aucun