Adoptée en 2015, la loi reconnaissant les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité » fête ses dix ans. Pourtant, cette avancée juridique reste largement symbolique. Décryptage.
Cette avancée est historique, mais insuffisante estime la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA) dans un communiqué du 14 février 2025. En effet, l’Assemblée nationale a adopté en dernière lecture en 2015 la proposition du député Jean Glavany conférant par la loi du 16 février 2015 à l’animal la qualité d’être sensible, alignant ainsi le Code civil sur le Code rural et le Code pénal.
Un tournant
Cette introduction de l’article 515-14 dans le Code civil par la loi n° 2015-177 a marqué un tournant : elle mettait fin à une vision purement patrimoniale des animaux et ouvrait la voie à une meilleure protection juridique. Pourtant, cette reconnaissance n’a pas fondamentalement modifié leur statut : ils restent soumis au régime des biens et leur protection dépend toujours de diverses lois éparpillées dans plusieurs codes (civil, rural, pénal, environnement). « Civilement reconnus sensibles, les animaux restent des objets de droit » détaillait notre confrère Christian Diaz (T 81) dans un article du Point Vétérinaire en mars 2015. Évidence pour les vétérinaires, nouveauté pour le Code civil : les animaux domestiques sont des êtres sensibles. Ce texte de référence pour les droits des personnes et des biens précise que « sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. » Voilà qui n’était guère annonciateur d’une révolution pour la profession vétérinaire à l'époque déjà ... Cette avancée législative a certes permis de faire évoluer la perception des animaux dans le droit, mais son impact réel reste limité. En pratique, les animaux continuent d’être traités comme des objets de propriété, souligne aujourd'hui aussi Nicolas Bureau, de la LFDA.
Notre consœur députée Geneviève Gaillard (T 72) avait déposé, fin avril 2014, à l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant « à établir la cohérence des textes en accordant un statut juridique particulier à l’animal ». Ce texte, en gestation depuis un an, émanait de la députée et de près d’une vingtaine d’autres issus de divers horizons politiques. Jean Glavany avait alors présenté son amendement “médiatique”, reléguant le projet de loi à l’arrière-plan et servant de contre-feu.
Un cadre juridique peu contraignant
Malgré la reconnaissance de leur sensibilité, le cadre juridique actuel reste difficile à appliquer et manque d’homogénéité. En outre, les actes commis envers les animaux, qu’il s’agisse de maltraitance ou d’exploitation abusive, sont sanctionnés de manière variable et parfois insuffisante. Par ailleurs, certaines pratiques controversées (comme la corrida) continuent d’exister malgré la reconnaissance de la sensibilité animale.
Vers une réforme du statut des animaux ?
À l’occasion de ce dixième anniversaire, plusieurs associations de défense des animaux appellent à un véritable changement législatif. Elles demandent notamment une refonte du régime juridique des animaux pour leur accorder un statut spécifique, distinct de celui des biens. « Il est temps de franchir un nouveau cap : la reconnaissance de la sensibilité animale ne doit pas rester un simple symbole, mais se traduire par des obligations juridiques et des avancées concrètes », insiste Nicolas Bureau.
La question est complexe. Elle est aussi entre les mains des décideurs politiques, dont la volonté (ou pas) détermine l'évolution du droit français.
Le 21 février 2025, le Palais du Luxembourg accueillera un colloque d’envergure consacré à l’impact juridique et politique de cette disposition législative emblématique. Experts et acteurs engagés se réuniront dans ce lieu symbolique pour dresser un bilan de son application et explorer les évolutions nécessaires afin de renforcer la protection des animaux.