La séance du 4 février de l’Académie a permis de rappeler les fondamentaux de la médecine préventive, qui allie à la fois de solides compétences médicales mais aussi de communication. Avec en toile de fond, l’objectif d’améliorer la médicalisation de l’animal.
Qu’appelle-t-on médecine vétérinaire préventive ? Comment se matérialise-t-elle en pratique ? La réponse à ces questions a été donnée lors de la dernière séance du 4 février de l’Académie vétérinaire de France, consacrée à ce sujet. C’est Ludovic Freyburger (voir détails plus bas) qui a débuté la session, avec une présentation qui a rappelé plusieurs notions clés de cette discipline clinique. En premier lieu, si la médecine préventive trouve évidemment ses fondements dans la vaccination, elle ne se limite pas à cet acte.
Une démarche clinique fondée sur l’analyse de risque
En médecine humaine, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en distingue 4 volets : la prévention primaire qui vise à réduire l’incidence d’une maladie (vaccination) ; la prévention secondaire qui vise à réduire la prévalence ; la prévention tertiaire qui vise à réduire les conséquences et les récidives ; et enfin, la prévention quaternaire qui s’apparente aux soins palliatifs à la prévention des risques iatrogènes (gestion des maladies chroniques et de la fin de vie). En médecine vétérinaire, elle est définie comme une discipline clinique des sciences vétérinaires qui s’attache, tout au long de la vie de l’animal, à préserver son état de bonne santé, à identifier et limiter les risques de sa dégradation, ainsi qu’à empêcher la transmission de zoonoses. En toile de fond, l’objectif est de maintenir une bonne relation avec le propriétaire et son animal.
En pratique, il s’agit de calquer sa démarche clinique à une analyse de risque : identifier le danger (parasitaire, infectieux, nutritionnel, financier, etc), apprécier le risque de sa survenue et de sa gravité, et enfin proposer des solutions adaptées à l’animal et son propriétaire pour réduire ou supprimer le risque (avec le rapport bénéfices/risques de chaque solution possible). Pour ce faire, plusieurs facteurs sont à prendre : statut physiologique de l’animal, le mode de vie, l’alimentation, le lieu de vie, le risque zoonotique, les capacités du propriétaire (temps, finances, capacités de soins..)…. Au final, c’est bien le propriétaire qui choisira la solution qu’il juge la plus appropriée pour lui.
Maîtriser la communication
Au-delà de cette démarche clinique, et des connaissances/compétences scientifiques/médicales qu’elle implique, il s’agit aussi de maîtriser la communication, pour obtenir l’engagement du propriétaire, et donc une meilleure observance et médicalisation de l’animal. A ce sujet, une enquête réalisée par Santé Vet en 2014 avait mis en évidence un décalage entre le message dispensé par le praticien, et le message reçu par son client, avec seulement 50 à 60% des propriétaires qui déclaraient avoir reçu des informations sur l’hygiène dentaire, la stérilisation, le comportement, etc. Pour la vaccination, 1 propriétaire sur 2 déclarait ne pas vacciner car il n’en percevait pas l’intérêt. Sur les 97% des propriétaires qui déclaraient vacciner régulièrement, seulement 29% disaient le faire car ils avaient reçu des explications de leur vétérinaire. En parallèle, 55% des vétérinaires déclaraient expliquer pourquoi et comment ils vaccinent. En médecine préventive, prendre le temps qu’il faut pour expliquer, est donc fondamental. Cette communication passer aussi par une évolution sémantique puisque le conférencier a recommandé de parler de consultation de médecine préventive, et non plus de consultation annuelle de santé. En effet, la médecine préventive ne se limite pas à une unique visite par an. Par exemple, pour la première année de vie d’un animal de compagnie, il est recommandé de prévoir 5 à 7 consultations.
Un manque de données épidémiologiques
Tout ceci dit, pour aller au bout de cette démarche, encore faut-il disposer de données épidémiologiques, notamment pour les maladies infectieuses et parasitaires. A l’heure actuelle, elles sont largement insuffisantes pour les carnivores domestiques, mais il est à noter qu’un projet de réseau de veille sanitaire des carnivores domestiques est actuellement en cours de discussion au sein des instances professionnelles. Quelques données ont cependant été présentées lors de la deuxième conférence de la séance, présentée par Jacques Guillot (voir détails plus bas) sur la prévention des zoonoses parasitaires et fongiques. Par exemple, une étude menée sur environ 1500 chats domestiques (dont 72% avec accès fréquent à l’extérieur) dans plusieurs pays européens a montré que la moitié d’entre eux était infesté par au moins un parasité, et 14% étaient co-infestés par des parasites internes et externes. En parallèle, en humaine, les cas de larva migrans (liés à Toxocara cati et canis) sont selon le conférencier sans doute assez fréquent mais il n’existe aucune donnée à l’échelle nationale ou mondiale. A ce sujet, la transmission in utero pour le chien, et via le lait pour le chat, fait qu’un chiot et chaton seront plus à risque d’être porteurs de Toxocara. Autre exemple de données : la toxoplasmose est très répandue avec 1/3 de la population mondiale qui est contaminée par Toxoplasma gondii. En France, on dénombre environ 250 cas de toxoplasmose congénitale par an (sur plus de 800 000 naissances). Pour les ectoparasites, les lésions liées aux puces et aux sarcoptes sont sans doute assez fréquentes, et celles liées aux dermatophytes fréquentes. Au final, en découlent des recommandations connues de traitement comme la vermifugation systématique des chiots et chatons pour prévenir l’excrétion d’œufs de Toxocara ou l’application régulière d’antiparasitaires externes pour prévenir la contamination de l’environnement par des puces. Le conférencier estime aussi qu’il pourrait être intéressant de détecter les porteurs asymptomatiques de dermatophytes, surtout les NAC et chats ce qui permettrait d’éviter un certain nombre de contaminations humaines.
Le site de l’Escaap détaille l’ensemble de ces recommandations.
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Les conférenciers invités à cette séance académique étaient : Ludovic Freyburger, DV, PhD, directeur de la formation vétérinaire de « La Compagnie des Animaux », et président du groupe d’étude en Médecine préventive à l’Afvac (GEMP) ; Jacques Guillot, DV, PhD, professeur de parasitologie et maladies parasitaires à l’Enva ; et Jérôme Salord, PhD, président directeur général de La Compagnie des Animaux.