Le groupe s’est auto-saisi sur le sujet. Si ce travail n’apporte pas forcément d’éléments nouveaux par rapport à ce qui est déjà envisagé ou réfléchi par les autorités sanitaires, il insiste toutefois sur la nécessaire sensibilisation et responsabilisation de l’ensemble des citoyens vis-à-vis de ce risque sanitaire.
Les membres du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) ont présenté lors d’une conférence de presse le lundi 12 juin, leurs recommandations relatives à l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). Ces recommandations font suite à une auto saisine ayant été motivée par le contexte inédit de dynamique virale en cours depuis 2021 en France et dans le monde. Comme l’a rappelé Thierry Lefrançois, vétérinaire membre du groupe et co-pilote de l’avis (avec le virologue Bruno Lina), il y a une circulation continue du virus depuis 2021, sans saisonnalité, en Europe et en Amérique du H5N1 du même clade 2.3.4.4b. Il y a aussi une diversification des espèces d’oiseaux touchées, montrant une adaptation du virus à d’autres espèces et une extension du réservoir. De plus, face à une grande diversité de son réservoir sauvage et domestique, on considère que l’influenza aviaire hautement pathogène ne peut être éradiquée. En parallèle, est notée une hausse, mais qui reste pour l’instant modérée, du nombre de cas chez des mammifères. En France par exemple, un chat, un ours et un renard ont été confirmés positifs au virus. Au final, cette situation sanitaire va aussi de pair avec un risque accru d’exposition du virus à l’humain. Malgré tout, jusqu'à présent, les infections humaines restent sporadiques, de plus aucune transmission interhumaine n’a été rapportée. Dans le même sens, aucune mutation favorable aux chaînes de transmission interhumaine n’a été détectée. Selon les experts, à ce stade, le niveau de risque vis-à-vis de l’humain peut être qualifié de stable (niveau de risque 2/4), mais avec une évolution de la situation sanitaire vers une probable endémisation du virus dans la faune sauvage en France. Soit un virus qui circule toute l’année sur le territoire.
Des recommandations pour la santé animale et humaineFace à ce niveau de risque, que préconise le Covars ? Il n’y a pas de grande surprise : les recommandations vont dans le sens de ce qui est déjà mis en application sur le terrain ou en cours de réflexion. Côté santé animale, le groupe préconise notamment la mise en œuvre sur le terrain d’une vaccination associée à une surveillance adaptée, comme outil complémentaire, au côté des mesures habituelles de biosécurité qu’il faudra encore renforcer. La surveillance de la faune sauvage gagnerait aussi à être accentuée, avec des surveillances actives à envisager dans certains territoires, et dans les périodes inter-épizootiques, pour évaluer les virus circulants. De manière générale, la recherche serait à renforcer, entre autres pour comprendre l’écologie du virus, ou encore l’impact du réchauffement climatique sur les routes de migration des oiseaux. Le comité appelle aussi à réfléchir à une adaptation des mesures préventives en recherchant des alternatives à la mise à l’abri, l’abattage préventif ou encore les modalités d’euthanasie des animaux. Ce point-là est sans doute ce qui dénote le plus par rapport à la politique sanitaire actuelle, et fait fortement écho au récent rapport parlementaire sur le bilan des crises successives d’influenza aviaire.
Côté santé humaine, il s’agit aussi de renforcer la surveillance pour détecter toute incursion virale, et surtout caractériser les mutations associées. A ce sujet, un protocole de surveillance active auprès des populations les plus à risque est actuellement en train d’être discuté. La vaccination contre la grippe saisonnière des professionnels en contact avec les oiseaux est aussi recommandée, afin d’éviter tout réassortiment viral entre un virus aviaire et humain pouvant favoriser l’émergence de variants à potentiel épidémique (voire pandémique). Il s’agit aussi de travailler sur des vaccins spécifiques, avec des stocks stratégiques. Une cellule de coordination multidisciplinaire, avec des acteurs du monde de la santé animale et humaine, tout comme des sciences humaines et sociales, serait pertinent. La recherche est bien-entendu également à mettre en avant, notamment en sciences humaines et sociales.
En toile de fond de l’ensemble de ces recommandations, le comité en appelle à la responsabilisation de chacun face à un risque sanitaire qui concerne tous les citoyens. Dans cette optique, il faudrait encourager les sciences participatives comme avec la surveillance participative face à la mortalité de l’avifaune sauvage et domestique. « La société dans son ensemble doit prendre la mesure de ce risque. Les membres de la société sont des acteurs dans la prévention et la lutte contre l’infection », a conclu Brigitte Autran, immunologiste et présidente du Covars.
A noter que les vétérinaires ont été mis en avant spécifiquement par Thierry Lefrançois : « nous avons une possibilité d’accélérer la gestion des épidémies en favorisant les interventions par les vétérinaires qui sont les premiers sur place lors d’un foyer. Ils pourraient réaliser des prélèvements respiratoires humains ou superviser des auto-prélèvements et envoyer des échantillons auprès des laboratoires nationaux de surveillance en santé animale compétents pour faire ce diagnostic. »
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