La plus haute juridiction administrative retient qu'au sein des établissements de soins vétérinaires, la gouvernance doit être majoritairement réservée aux vétérinaires qui y exercent.
La décision est tombée. Le Conseil d’Etat a estimé hier, le 10 juillet, que les établissements de soins vétérinaires doivent être majoritairement contrôlés par des vétérinaires qui y exercent. Il suit ainsi les conclusions du rapporteur public rendues le 10 mai dernier. Cette position était attendue de longue date alors que quatre sociétés vétérinaires, rachetées par des groupes d’investissement (AniCura, détenu par Mars, et IVC Evidensia, dont Nestlé est un actionnaire minoritaire), avaient contesté devant la plus haute juridiction administrative leur radiation du tableau de l’Ordre. En cause notamment le non-respect de l’article L.241-17 du code rural et de la pêche maritime. « L’Ordre attend des sociétés radiées qu’elles se conforment à la loi. Je n’ai pas velléité de les interdire d’exercer. Il n’y a pas non plus d’objectifs de priver les détenteurs d’animaux de leur relation avec les vétérinaires. Il y a une loi et un cadre règlementaires à respecter comme cela a été rappelé par le Conseil d’Etat » commente Jacques Guérin, président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires.
Un contrôle effectif par des vétérinairesCet article prévoit que plus de la moitié du capital social et des droits de vote des sociétés d’exercice vétérinaire doit être détenue directement ou par l’intermédiaire des sociétés inscrites à l’Ordre, par des personnes exerçant légalement la profession vétérinaire en exercice au sein de la société. Le Conseil d’Etat donne ainsi raison à l’Ordre en retenant en l’espèce que le contrôle de la société par les vétérinaires associés doit être effectif. « Il ne s’agit pas de faire du triomphalisme. Mais nombreux de nos arguments ont été retenus par le conseil d’Etat qui valide finalement la radiation de quatre sociétés d’exercice vétérinaire. Il y avait un fond de vérité dans nos interrogations. Le Conseil d’Etat retient que dans les faits, la gouvernance doit être majoritairement réservée aux vétérinaires en exercice au sein des établissements de soins vétérinaires. Il ne s’agit pas simplement de l’incanter mais aussi de le démontrer dans les faits » analyse Jacques Guérin. En revanche, la plus haute juridiction administrative rejette le motif invoqué par l’Ordre, selon lequel il existe un lien direct ou indirect entre les entreprises du secteur agroalimentaire et les groupes d’investissement. « Des points restent toutefois à éclaircir. Il va falloir ouvrir un débat sur les conflits d’intérêt. La position du Conseil d’Etat est de dire que les sociétés qui fabriquent des aliments pour animaux de compagnie font partie des capitaux qui sont exclus de la détention des cabinets vétérinaires mais en l’espèce, l’existence d’un lien direct ou indirect entre les sociétés du secteur agroalimentaire et les groupes d’investissement n’a pas été démontrée. (…) Maintenant que les décisions de radiations ont été confirmées par le Conseil d’Etat, elles vont devoir s’appliquer. Il va désormais falloir les notifier aux établissements concernés. Après réception de ces notifications, les sociétés auront 8 jours pour obtempérer à leur radiation. Aussi, nous n’avons pas interdit les vétérinaires en tant que personnes physiques à exercer mais ils ne peuvent plus le faire sous couvert de la société. En cas de poursuite de leurs activités, des problèmes déontologiques et de couverture d’exercice illégal, vont se poser » poursuit le président de l’Ordre.
Réflexions sur une organisation juridique alternativeDe son côté, IVC Evidensia « prend acte de la décision du Conseil d’Etat concernant la radiation de la clinique Oncovet ». Le groupe estime que cette décision ne reflète pas l’évolution des modalités d’exercice de la profession vétérinaire. Il craint aussi que celle-ci mette « en risque un grand nombre de cliniques vétérinaires partout en France et d’accentuer la désertification médicale de nombreux territoires, avec des conséquences en matière de santé animale et d’emploi. » « En amont de cette décision, le réseau IVC Evidensia et la société Oncovet ont pris les mesures nécessaires pour que la clinique puisse continuer de fonctionner normalement. Par ailleurs, IVC Evidensia travaille à la mise en place d’une organisation juridique alternative en France, qui sera finalisée sur la base de la décision du Conseil d’Etat, afin de répondre à l’interprétation nouvelle de la loi résultant de la décision du Conseil d’Etat. IVC Evidensia continuera d’apporter tout le soutien nécessaire aux cliniques concernées pendant cette période. » Patrick Govart, Docteur vétérinaire et président des cliniques IVC Evidensia en France, a déclaré : « Nous demandons au ministère de l'Agriculture de prendre ses responsabilités en organisant un groupe de travail en concertation avec le CNOV et toutes les parties prenantes du secteur vétérinaire, afin de trouver une interprétation commune de la décision du Conseil d’Etat et des statuts satisfaisants pour tous. Il est plus qu’urgent d'engager un dialogue sur la nécessaire modernisation de la profession vétérinaire et une meilleure prise en compte des aspirations des nouvelles générations de vétérinaires. Ne pas le faire pourrait avoir un impact sérieux sur la continuité des soins vétérinaires en France et sur les services fournis aux propriétaires d'animaux de compagnie. »