Repérer et prendre en charge la maltraitance animale - Le Point Vétérinaire.fr

Repérer et prendre en charge la maltraitance animale

Margo Vignolles et Jeanne Bonte 

| 14.11.2023 à 12:37:00 |
© Prostock-Studio-iStock

Une intervention organisée par l'AMAH et l'Afvac à l'ENVT a été l'occasion de sensibiliser étudiants, vétérinaires et ASV, de partager des connaissances cruciales et d'encourager un dialogue essentiel sur la maltraitance animale sous toutes ses formes.

La maltraitance animale est une préoccupation qui prend de plus en plus d'importance au sein de la profession vétérinaire. L’Association contre la Maltraitance Animale et Humaine (AMAH) et l’Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie (AFVAC) ont mis ce sujet sur la table, en abordant le repérage et la prise en charge des maltraitances animales, ainsi que l'articulation avec le secret professionnel. Cette conférence s’est déroulée à l'École Nationale Vétérinaire de Toulouse (ENVT), conviant vétérinaires, ASV et étudiants. “L’objectif de cette soirée est de sensibiliser les vétérinaires, ASV et étudiants sur un sujet de plus en plus sociétal, afin d’avoir le plus large point de vue possible sur ce qu’est la maltraitance animale”, a déclaré Pierre Sans, directeur de l'ENVT, pour introduire cet événement qui a rassemblé 160 participants le 5 octobre 2023.

La maltraitance animale au-delà de l’animal, les différentes répercussions

"La maltraitance animale est souvent la partie émergée de l'iceberg que sont les violences conjugales et infantiles”, a rappelé Anne-Claire Gagnon, présidente et fondatrice de l’AMAH. Aujourd’hui, les statistiques mettent en avant la corrélation entre la violence animale et les autres types de violences, soulignant ainsi l'importance de prendre en compte ces problèmes dans un large contexte. En effet, cette réalité difficile a été abordée : les violences animales et humaines sont étroitement liées. Cette discussion met en lumière des aspects sombres de la maltraitance animale pouvant être oubliés ou négligés, comme le chantage à l'animal, utilisé par l'agresseur pour piéger sa victime. Mais comment le vétérinaire peut-il détecter les signaux de détresse et quelles aides peut-il apporter à l’animal et à la potentielle victime ?

Traumatisme non accidentel, intégration dans les diagnostics différentiels

La conférence s'est poursuivie avec la diffusion de la présentation de Dominique Autier-Dérian, vétérinaire comportementaliste, bureau d’études Animal Welfare Consulting, lors du colloque “Une seule violence”, le 17 mars 2023, qui a exploré les signes évocateurs des maltraitances animales. Parmi eux, les signes comportementaux pouvant indiquer la maltraitance. “Il est important que les maltraitances fassent partie du diagnostic différentiel du vétérinaire”, le vétérinaire doit alors être capable de détecter les symptômes, de les classer, cette situation peut-être délicate en particulier lorsqu'il s'agit d’atteintes  sexuelles. Les classifications des maltraitances animales, telles que présentées dans la thèse de Marine Fouquet et complétées par celle d'Hélène Bertheau, ont été discutées en détail. Il y a donc plusieurs degrés de maltraitance : négligence, abus physique, abus sexuel et maltraitances émotionnelles. Pour détecter la négligence, établir la note d’état corporel ainsi que discuter avec le propriétaire est essentiel pour le vétérinaire. L'une des caractéristique des abus physiques (coups, brûlure, noyade …) sont des blessures à des stades différents, plus ou moins récents. Une phrase souvent entendue lorsqu'il s'agit de maltraitance animale est : "il est tombé." Elle est parfois utilisée pour camoufler des violences infligées aux animaux. Cette soirée a mis en lumière l'importance de briser le silence autour de ces actes de violence envers les animaux. Pour les abus sexuels, cela peut être délicat et chaque situation est différente, mais le comportement de l’animal, notamment l’anxiété, peut mettre sur la piste.

Vers une évaluation émotionnelle des patients

Béatrice Lafitte, vétérinaire comportementaliste, membre du Groupe d'Etude en Comportement des Animaux Familiers (Gecaf) de l'Afvac, a abordé la maltraitance émotionnelle, en soulignant la nécessité d’être prudent lorsqu'il s'agit de repérer la maltraitance envers un animal, car une erreur d'appréciation peut avoir de graves conséquences pour les propriétaires. La sensibilité et la justesse dans l'évaluation émotionnelle sont donc cruciales pour éviter une suspicion erronée. L'évaluation émotionnelle revêt une grande importance dans le domaine vétérinaire. Elle a pour objectif premier de garantir la santé et le bien-être des animaux, mais elle va au-delà, en incluant le dépistage des éventuelles maltraitances, ainsi que des suspicions de violences au sein des familles qui les entourent. Dans cette évaluation, les mécanismes d'autocontrôle sont de vrais indices. Des comportements agressifs, même dans un contexte ludique, peuvent être révélateurs du climat dans lequel vit l'animal. Cela se révèle particulièrement utile pour identifier les signes de violence intra-familiale.

Quand la domination est une méthode d'éducation

La conférence s’est poursuivie par la présentation d’un cas clinique de maltraitance animale perpétré par un enfant, lui-même victime de maltraitance par un membre de sa famille. Lorsque des soupçons graves de maltraitance sont présents, il est recommandé de signaler ces cas aux autorités compétentes, même en l'absence de preuves formelles. Il est crucial de prendre en compte ces signalements, car la violence peut devenir un cercle vicieux. En effet, le modèle de domination en tant que méthode d'éducation peut conduire certains enfants à apprendre la violence, devenant ainsi eux-mêmes des acteurs de violences domestiques, qu'elles soient dirigées contre des animaux ou des êtres humains. De plus, les enfants qui sont victimes de violence domestique risquent de devenir témoins et victimes de ces violences, créant ainsi une situation potentiellement préoccupante.

Comprendre le secret professionnel et la possibilité du signalement

Au cours d'une vidéo préenregistrée, diffusée lors de la conférence, Christian Diaz, vétérinaire comportementaliste expert près la cour d'appel de Toulouse, a partagé des perspectives sur la maltraitance et le secret professionnel du vétérinaire. Il a d’abord souligné l'importance de la confiance dans la relation entre vétérinaire et propriétaire de l'animal. Il  a mis en avant l'idée que la confiance ne peut exister sans la confiance du propriétaire envers le vétérinaire, et que cette confiance repose sur le respect du secret professionnel. Il a abordé ensuite la loi du 30 novembre 2021, conçue pour lutter contre la maltraitance animale. Il a clarifié la définition du secret professionnel selon l'article 226-13 du Code Pénal et celle du secret professionnel vétérinaire selon la loi 241-5 du Code Rural et de la Pêche Maritime. Finalement, il a déclaré que la loi oblige à lever le secret professionnel dans certaines circonstances, en particulier lorsque la sécurité publique est en jeu ou qu'il y a des lois relatives aux chiens dangereux. Cela est détaillé dans l'article 226-13 du Code Pénal.