Selon un rapport de l’Anses, la probabilité d’apparition d’une épidémie d’arbovirose dans les 5 ans à venir en France continentale, est élevée.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) s’est penchée sur le risque d’apparition d’épidémies de maladies transmises par les moustiques en France continentale, et leurs impacts, sur demande de la Direction générale de la Santé (DGS). L’expertise sur le sujet vient d’être rendue publique ; seules les arboviroses transmises par Aedes albopictus y ont été étudiées. Conclusion principale : la « probabilité d’apparition d’une épidémie d’arbovirose à cinq ans (virus de la dengue, chikunguya et Zika) dans le contexte hexagonal, comme la « répartition diffuse de cas humains autochtones au-delà des foyers déjà individualisés » est élevée (6 à 7 sur une échelle de 0 à 9), avec un niveau d’incertitude moyen. Il est impossible de pouvoir anticiper « l’ampleur que peut prendre un épisode de transmission autochtone , mais « les grands évènements internationaux organisés en période d’activité d’Aedes albopictus sont très favorables à la survenue d’épisodes de transmission d’arbovirus, du fait notamment de très forts flux de voyageurs, des conditions climatiques favorables, etc. »
Une hausse croissante des cas de dengueComme il est expliqué dans le rapport, jusqu’à peu, les foyers, bien que réguliers, restaient généralement limités. Un constat en lien notamment avec le fait que les virus en cause ne circulent pas activement en métropole : les cas autochtones (contractés sans voyage) sont des cas secondaire suite au retour de cas importés. Ainsi, pour la dengue, jusqu’en 2019, il y avait moins de 10 cas autochtones chaque année.
Mais en 2022, ont été signalés 66 cas de transmission autochtones, soit un nombre de cas sur une année qui est plus élevé que pour toute la période 2010-2021 qui avait totalisé 48 cas. Cette année 2022 a été aussi caractérisée par des épisodes de transmission autochtone dans des départements jusqu’à présent épargnés (départements des Hautes Pyrénées, de Haute Garonne, des Pyrénées-Orientales, du Tarn-et-Garonne et de la Corse-du-Sud). S’est ajoutée également une précocité de la transmission avec des premiers cas rapportés avec des signes ayant débuté au mois de juin au lieu de juillet habituellement.
Pour 2023, si le nombre de cas autochtones était plus réduit (45 cas), le nombre d’épisodes de transmission autochtone était aussi élevé (9). En parallèle, le nombre de cas importés en 2023 a été sans commune mesure : 2 524 cas, contre 378 pour 2022, soit le nombre de cas importés de dengue le plus élevé depuis les débuts de la surveillance en 2006, en lien avec des épidémies dans les territoires ultra-marins. Selon Santé Publique France, pour 2024, du 1er janvier au 30 avril 2024, on en est déjà 2 271 cas importés de dengue.....et 57 cas autochtones !
Pour les virus chikungunya et Zika, les cas importés sont bien moins nombreux, en particulier pour le virus Zika (48 cas identifiés au total entre 2010 et 2021 avec un maximum de 17 cas maximum en 2017).
Un risque de saturation des services de santéPour le risque sanitaire dans les 5 années à venir, Emeline Barrès, une des deux coordinatrices de l’expertise, explique qu’ « on parle d’épidémie à partir du moment où il n’est pas possible de relier toutes les personnes infectées à un foyer. Cela veut dire que les transmissions échappent au dispositif de contrôle ».
Si les impacts d’une épidémie sont difficiles à quantifier, il apparaît clairement que les moyens de prévention et de contrôle des arboviroses pourraient être rapidement saturés. En effet, suite à une déclaration de cas par un médecin, les équipes de santé doivent retracer les contacts des personnes infectées et les lieux visités par le malade. Ce travail sera plus complexe, en cas d’épidémie. Les experts expliquent notamment que « plusieurs ARS interrogées ont signalé une mise en tension de leurs moyens pour traiter le nombre important de cas importés en 2023 ». De manière similaire, les experts estiment que « le système de santé serait en tension en cas d’épidémie majeure », et plus particulièrement si cela arrive en même temps qu’une autre épidémie. Selon le rapport, « les groupes les plus à risque de développer des formes sévères incluent les patients atteints de drépanocytose, les personnes âgées et les jeunes enfants. Une vigilance accrue est nécessaire pour les femmes enceintes, en particulier infectées par le virus Zika, en raison des risques pour le fœtus. Pour les trois virus, des retards dans la prise en charge peuvent affecter les individus les plus précaires ou ceux éloignés du système de soins. »
Plusieurs recommandations sont faites par les experts. Parmi elles, la prévention du risque devra passer notamment par un échange avec les acteurs des territoires ultra-marins, pour s’inspirer de leurs actions, tout comme l’élaboration d’un plan interministériel de lutte. Le citoyen doit aussi être impliqué en adoptant des gestes de prévention.
Pour rappel, depuis son arrivée en 2004, l’aire de répartition du moustique tigre ne fait que s’étendre. Ainsi, Aedes albopictus est déjà implanté et actif dans 78 départements de métropole, sur 96. Les départements du pourtour méditerranéen sont particulièrement concernés. Selon la DGS, aujourd’hui, 36% de la population de métropole est exposée à un risque de transmission vectorielle.