Selon l’Agence européenne, les maladies transmises par les moustiques vont continuer leur diffusion en Europe, notamment en lien avec le changement climatique. Dans ce contexte, il faudra affiner les mesures de lutte, et mener des campagnes de sensibilisation auprès du grand public.
L’Agence européenne de prévention et de contrôle des maladies, l’ECDC, vient d’émettre une alerte sur la hausse des cas des maladies transmises par les moustiques dans l’UE/EEE. Ainsi, est notée « une tendance continue à la hausse du nombre de cas de dengue importés de région endémiques, ainsi qu’un nombre croissant d’épidémies locales d’infections à virus du Nil Occidental et de dengue ».
Pour la dengue, en 2023, il y a eu 130 cas acquis localement, contre 71 en 2022. Cette hausse est « significative par rapport à la période de dix ans 2010-2021, où le nombre total de cas acquis localement était de 73 pour l’ensemble de la période ». De même, a été notée une hausse des cas importés avec 4900 cas en 2023, contre 1572 en 2022. « Il s’agit du plus grand nombre de cas de dengue importés signalés depuis le début de la surveillance au niveau de l’UE en 2008 », est il précisé. A noter que pour 2024, il est indiqué que « plusieurs pays ont signalé une augmentation substantielle du nombre de cas de dengue importés, ce qui pourrait suggérer que le nombre de cas de dengue pourrait devenir encore plus élevé en 2024. » C’est notamment le cas en France : en effet, Santé Publique France a tout récemment signalé qu’entre le 1er janvier et le 30 avril 2024, il y avait déjà eu 2166 cas importés de dengue dont 82% contractés en Martinique ou en Guadeloupe et 5% en Guyane. A mettre en parallèle avec ces 5 dernières années où le nombre moyen de cas importés de dengue signalés par déclaration obligatoire était de 128 entre le 1er janvier et le 30 avril. La suite va dans le même sens, car les dernières données consolidées du 1er mai au 11 juin 2024 font état de 500 cas importés en France.
Pour le virus du Nil occidental, il y a eu 713 cas acquis localement, dont 67 décès, dans 9 pays de l’UE en 2023, avec des territoires où n’avaient jamais été déclarés de cas. Si ce nombre de cas est inférieur à celui de 2022 où avait été dénombré 1133 cas, « le nombre de régions touchées est le plus élevé depuis le pic en 2018, ce qui indique une large circulation géographique du virus. »
Le changement climatique est un facteur explicatifComme le rappelle l'ECDC, ces maladies sont liées à des vecteurs, Aedes pour la dengue (Aedes albopictus notamment, mais aussi A. aegypti), et Culex pipiens pour le virus du Nil occidental. Culex est déjà présent dans toute l’UE/EEE. Pour Aedes albopictus, l’aire de répartition augmente avec une extension plus marquée au nord, à l’est et à l’ouest. Il y a désormais des populations autochtones dans 13 pays en Autriche, en Bulgarie, en Croatie, en France, en Allemagne, en Grèce, en Hongrie, en Italie, à Malte, au Portugal, en Roumanie, en Slovénie et en Espagne. Pour Aedes aegypti, il s’est récemment établi à Chypre, et est présent dans des régions ultrapériphériques de l’UE comme Madère ou encore les Antilles françaises.
Ces évolutions sont notamment liées au changement climatique, qui peut faciliter la diffusion des vecteurs, « par exemple en créant des conditions environnementales favorables à l’établissement et à la croissance des populations de moustiques. »
Dans ce nouveau contexte, doivent se mettre en place des mesures de lutte adaptées, prévient l’Agence. Avec d’une part, envisager une coordination des mesures de lutte. D’autre part, mettre en avant les mesures individuelles de lutte, via des campagnes de sensibilisation : élimination de l’eau stagnante dans les jardins et balcons, usage de moustiquaires, de vêtements plus adaptés…De plus, une surveillance accrue est préconisée, avec une détection plus précoce de ces maladies.
L’Agence a publié une infographie complète sur le sujet.
Un phénomène mondialCette hausse des maladies vectorielles n'est pas propre à l'Europe mais s'inscrit dans une tendance mondiale. Selon un communiqué de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) de décembre 2023, le nombre de cas a été multiplié par dix en 20 ans, de 2000 à 2019, passant de 500 000 cas à 5,2 millions, avec « pic sans précédent » pour l’année 2019. Les cas signalés étant issus de 129 pays. Après un recul durant les années Covid-19, les cas sont repartis à la hausse. Il y était expliqué que « depuis le début de l’année 2023, la transmission ininterrompue, combinée à un pic inattendu de cas de dengue, a conduit à se rapprocher à l’échelle mondiale d’un record historique de plus de cinq millions de cas et plus de 5000 décès liés à la dengue signalés dans plus de 80 pays/territoires et cinq Régions de l’OMS : Afrique, Amériques, Asie du Sud-Est, Méditerranée orientale et Pacifique occidental (Figure 1). Près de 80 % de ces cas, soit 4,1 millions, ont été notifiés dans la Région des Amériques ». Pour l’Organisation, « ces chiffres représentent probablement une sous-estimation de la charge de morbidité réelle, car la plupart des infections primaires sont asymptomatiques et la déclaration de la dengue n’est pas obligatoire dans de nombreux pays. »