Selon la décision de la Cour, la France ne peut interdire l’usage de mots traditionnellement utilisés pour les produits d’origine animale, pour désigner un produit contenant des protéines végétales.
Dans son arrêt du 4 octobre 2024, la Cour de Justice de l’Union européenne vient de retoquer l’interdiction, défendue par le gouvernement français, d’utiliser des termes de boucherie et de charcuterie pour nommer des denrées alimentaires avec des protéines végétales.
Cette décision découle d’une affaire opposant l’Etat avec plusieurs acteurs du secteur végétal, qui avait débuté en 2022. Cette année-là, un décret, en date du 29 juin 2022, actant l’interdiction de certaines dénominations pour les produits végétaux, avait été publié…pour être suspendu un mois plus tard par le Conseil d’Etat, suite à un recours de plusieurs acteurs du secteur végétal. A l’époque, le Conseil d’Etat indiquait notamment qu’il y avait « un doute sérieux quant à la légalité du décret ». Dans ce cadre, le Conseil d’Etat avait envoyé à la Cour de justice de l’UE plusieurs questions préjudicielles en juillet 2023.
En parallèle du process juridique en cours, le gouvernement avait publié un nouveau décret en février 2024, pratiquement identique à celui de 2022….qui avait été encore une fois retoqué deux mois plus tard par le Conseil d’Etat.
C’est dans ce contexte que la Cour de justice de l’UE a rendu son récent avis.
Un décret qui ne protège pas le consommateurPour la Cour, « un Etat membre ne saurait empêcher, par une interdiction générale et abstraite, les producteurs de denrées alimentaires à base de protéines végétales de s’acquitter de l’obligation qui est la leur, d’indiquer la dénomination de ces denrées par l’utilisation de noms usuels ou de noms descriptifs ».
Comme expliqué dans le communiqué de presse associé à l’arrêt de la Cour, cette dernière a considéré que « le droit de l’Union institue une présomption réfragable en vertu de laquelle les informations fournies selon les modalités prescrites par le règlement n° 1169/2011 protègent suffisamment les consommateurs, y compris en cas de remplacement total du seul composant ou ingrédient que ceux-ci peuvent s’attendre à trouver dans une denrée alimentaire désignée par un nom usuel ou un nom descriptif contenant certains termes ». Protéger le consommateur ne doit pas passer par une mesure d’interdiction de termes, mais par une mesure définissant et caractérisant des dénominations légales associant une denrée à une composition. Or, à ce jour, seul le mot viande est définie réglementairement.
Malgré tout, la Cour indique qu’une autorité nationale peut poursuivre un exploitant si elle estime que « les modalités concrètes de vente ou de promotion d’une denrée alimentaire induisent en erreur le consommateur » …à la condition de démontrer la présomption.
En clair, ce n’est pas encore pour tout de suite que les « steaks végétaux » devront changer d’emballage.
A noter que cette décision ne modifie en rien l’interdiction d’utiliser les mots lait et apparentés pour désigner certains produits à base de protéines végétales, sauf les exceptions autorisées (lait de coco, crème de marron, beurre de cacahuète, …). Ce point avait été confirmé par la Cour de justice de l'UE.