Vente aux enchères de chiens en Normandie : une pratique controversée mais légale - Le Point Vétérinaire.fr

Vente aux enchères de chiens en Normandie : une pratique controversée mais légale

Bénédicte Iturria

| 04.03.2025 à 15:18:00 |
© Tsyb_Oleg-Getty Images

Une vente aux enchères de chiens saisis lors d'une liquidation judiciaire devait avoir lieu en Normandie. Une situation légale mais controversée, qui relance le débat sur le statut des animaux en droit français. 

Une vente aux enchères de chiens de race, retirés à leur propriétaire dans le cadre de la liquidation judiciaire d’un élevage canin, devait se dérouler à Deauville le 24 mars 2025 (cette vente aurait été supprimée du catalogue de Deauville Enchères le 04/03/2025). Sept chiens (un golden retriever, un spitz loup, trois samoyèdes et deux dobermans) ont été saisis par décision de justice. Ils devaient, en théorie, être vendus aux enchères, procédure imposée par le tribunal de commerce, comme l’explique Bruno Mareschal, commissaire-priseur à Deauville, au journal Le Pays d’Auge : « je suis mandaté pour organiser cette vente, c’est une obligation légale ». L’estimation de chaque animal figurant sur le catalogue de la vente est de 50 à 100 euros. Cependant, l’objectif de Maître Mareschal « n’est pas de vendre ces animaux à tout prix, mais de leur trouver une solution. Si des adoptants sérieux se manifestent maintenant, la vente pourra être évitée pour eux ». Le commissaire-priseur insiste sur le fait que la priorité est donnée au bien-être des animaux : « on ne va pas les confier à n’importe qui. Ceux qui souhaitent adopter devront prouver qu’ils peuvent les accueillir dans de bonnes conditions ». Les futurs adoptants peuvent se manifester auprès de Deauville Enchères. Les chiens ont été examinés par des vétérinaires et répertoriés.

Une mobilisation citoyenne contre la vente aux enchères

Cette vente a immédiatement suscité des réactions. Deux responsables d’un centre équestre à Branville, en voyant « l’annonce trouvée par hasard, entre celles pour vendre une table ou encore une chaise, sur le site de vente Deauville-enchères », ont lancé une pétition en ligne qui a recueilli à ce jour plus de 4 700 signatures. Avec cette démarche, elles souhaitent empêcher cette vente mais aussi alerter sur les conditions d’adoption de ces chiens et faire changer les mentalités. En 2019, la Fondation 30 Millions d’Amis s’était déjà opposée à une vente aux enchères de 300 chiens organisée en Mayenne.

Un débat juridique : entre bien meuble et être sensible

La Semaine Vétérinaire a demandé à l’avocate Olivia Symniacos, dont le cabinet est entièrement dédié à la défense des droits des animaux, son expertise sur cette affaire. Maître Symniacos a ainsi déclaré : « Dans ce qui est devenu “l’affaire de la vente aux enchères de chiens”, s’il est certain que le lien affectif existant entre l’éleveur et ses chiens (qui ne sont pas considérés ici comme des animaux de compagnie mais comme des animaux de rente) est totalement ignoré, d’un point de vue strictement juridique, la vente des animaux étant autorisée, en toute logique, leur vente aux enchères l’est également.  En l’espèce, cela choque parce qu’il s’agit de chiens, mais il n’est pas rare que des chevaux ou des animaux de ferme soient assimilés à des lots dans le cadre de ventes aux enchères sans que cela ne pose de problème moral à quiconque…Le droit des entreprises en difficulté ne fait pas de sentiment : vaches ou chiens, dès lors que des animaux font partie de l’actif d’une entreprise, c’est uniquement leur valeur pécuniaire qui est considérée. Néanmoins, la vente de chiens étant strictement réglementée en France, la vente aux enchères doit se conformer à la loi, qu’il s’agisse des obligations visant à protéger l’acquéreur (documents obligatoires à remettre lors de la vente – notamment le certificat vétérinaire) mais également des limites destinées à protéger les animaux. Ainsi, ces chiens ne pourront-ils pas être cédés à des personnes n’ayant pas signé un certificat d’engagement et de connaissance au moins 7 jours avant l’achat. Selon les déclarations du commissaire-priseur désigné par le Tribunal de Commerce, il est préalablement tenté de procéder par voie d’adoption, la vente prévue fin mars constituant en réalité une ultime solution pour transférer la propriété des chiens et récupérer des fonds. Même si, sur le plan intellectuel, vendre aux enchères des animaux peut apparaître contradictoire avec les dispositions du premier alinéa de l’article 515-14 du Code civil (“Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité”), d’un point de vue juridique, la pratique est, à mon sens, conforme au contenu du second alinéa du même article (“Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens”). En effet, il m’apparaît que, dès lors qu'une vente aux enchères respecte les conditions légales de la vente de chiens, elle n'est pas plus dangereuse pour le bien-être animal qu’une vente “classique”, d’autant qu’en matière de cession d’animaux, quelles qu’en soient les modalités, même en prenant toutes précautions possibles et imaginables, il n’existe malheureusement jamais aucune garantie réelle qu’ils seront bien traités… ».

Bénédicte Iturria

1 commentaire
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Pierre Begin, Vétérinaire le 05-03-2025 à 09:49:24
On vend bien les chevaux aux enchères alors pourquoi pas les chiens ?
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