« L’article 515-14 du Code civil 2015-2025. Dix ans après : bilan et perspectives » était le thème du colloque organisé sous la direction de François-Xavier Roux-Demare, maître de conférences en droit privé et affaires criminelles à l'université de Brest, le 21 février 2025 au Sénat. Notre confrère et sénateur Arnaud Bazin, acteur du colloque, a livré ses réflexions lors d’une vidéo tournée lors de l'événement.
Le 21 février 2025, le Sénat a accueilli un colloque dédié à une question cruciale : comment dynamiser les progrès législatifs en matière de sensibilité animale ? Un colloque riche d’intérêt, de réflexions et d’approches très variées qui permettent de prendre du recul mais aussi de disposer d’exemples concrets et de l'expertise de juristes et d'autres acteurs. Un compte-rendu complet sera publié dans un prochain numéro de La Semaine Vétérinaire.
L'article 515-14 du Code civil qui, il y a 10 ans, reconnaissait l'existence d'une sensibilité à tous les animaux. Il a été le fil rouge de la journée. Une réflexion ouverte par le sénateur Arnaud Bazin (A 81), qui s’interrogeait d’emblée : « Pourquoi avons-nous besoin d’une codification juridique dans nos relations avec les animaux ? Aborder le statut juridique, c’est déjà reconnaître une réalité dans notre rapport au vivant. »
François-Xavier Roux-Demare, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Brest, a rappelé les avancées récentes, notamment la loi du 16 février 2015 qui a harmonisé les codes civil, rural et pénal, reconnaissant enfin les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité ». Mais après cette reconnaissance symbolique, quelles avancées concrètes ont suivi ?
Une question qui a animé les débats de cette journée riche et constructive. Le sénateur Bazin a mis en avant l’article L. 515-14 du Code civil, saluant « un élément symbolique qui a permis d’ancrer dans le droit civil des principes déjà présents dans d'autres codes ». Toutefois, il a déploré le manque d’impact tangible sur les textes adoptés depuis près de dix ans, au-delà de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.
Revisiter le statut juridique des animaux ?Le colloque a également mis en lumière une contradiction persistante dans le droit français : bien que les animaux soient reconnus comme doués de sensibilité, ils restent soumis au régime juridique des biens. Une « douloureuse incohérence », selon des intervenants, qui questionne la capacité du droit à réconcilier protection animale et exploitation économique.
Les discussions ont aussi abordé les résistances politiques et sociétales au changement. Arnaud Bazin a partagé son expérience sur l’étiquetage selon le mode d’abattage, un amendement qu'il avait porté et qui, après un accueil favorable en commission, a été violemment contré par certains lobbies, entraînant son retrait.
Un enjeu sociétal et géopolitiqueLa protection animale ne se réduit pas à une question juridique. Elle s’inscrit dans un contexte plus large, teinté d’enjeux culturels, traditionnels, religieux, mais aussi géopolitiques. Les accords commerciaux, comme le Mercosur ou le CETA, complexifient encore les débats, opposant des normes nationales plus strictes à une concurrence internationale bien éloignée. « Comment concilier des réglementations plus éthiques chez nous sans exporter la maltraitance ailleurs ? », s’interroge Arnaud Bazin.
Vers une prise de conscience collectiveEn filigrane, une conclusion s’impose : la politique seule ne suffira pas. Si les avancées législatives sont essentielles, elles doivent être accompagnées d’une prise de conscience individuelle et collective. « Ne nous focalisons pas uniquement sur la politique, a rappelé le sénateur, soulignant que chaque citoyen a un rôle à jouer dans la construction d’un avenir plus respectueux du vivant ».