Les conclusions du rapport du CGAAER sur l’intérêt d’ouvrir une nouvelle école vétérinaire française n’ont pas plu aux porteurs du projet d’une école publique à Limoges, à commencer par le président de la région Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset. Lequel a expliqué les erreurs de jugement faites par les auteurs du rapport, lors d’une conférence de presse.
Alain Rousset, le président de la région Nouvelle-Aquitaine, n’est pas content et a voulu le faire savoir, à l’occasion d’une conférence de presse organisée hier, le mardi 21 janvier. La raison de son mécontentement : le rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur l’opportunité d’ouvrir une 6e école vétérinaire française. Selon ce rapport, il risque d’y avoir un excédent de praticiens vétérinaires d’ici 2030, du fait de l’expatriation des jeunes vers des cursus vétérinaires à l’étranger. Un phénomène voué à durer. De fait, ouvrir une nouvelle école, qu’elle soit publique ou privée, est un choix politique à faire, ayant trait au niveau souhaité de souveraineté nationale pour la formation vétérinaire. « Quand je lis cela de la part de hauts fonctionnaires, on marche sur la tête. J’ai toujours considéré qu’il y avait une perte de compétences et de sens des politiques publiques en France, mais là c’est de l’incompétence, même s’il y a une petite remarque sur le problème de souveraineté », a exprimé Alain Rousset au début de la conférence de presse. L’argument de saturation du métier n’est pas recevable pour lui, d’autant plus dans un contexte où, selon lui, le temps de travail des vétérinaires, comme des médecins, n’est plus le même : un vétérinaire d’hier correspond à 2,5 à 3 vétérinaires d’aujourd’hui.
« Une bataille vitale » et un projet politiquePlus que la souveraineté, Alain Rousset a évoqué l’enjeu vital pour la France de renforcer l'offre de formation, et plus particulièrement pour son territoire. « Quand vous discutez avec les éleveurs, ils disent que le problème essentiel de l’élevage est sanitaire, dont les maladies émergentes. Comment est-il acceptable qu’un gouvernement ne soit pas capable de penser les problèmes sanitaires de demain ? La Nouvelle-Aquitaine est plus concernée que d’autres territoires », a-t-il martelé. Et de citer les exemples de l'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), la maladie hémorragique épizootique (MHE)...ou encore la remontée probable future d'agents pathogènes du sud vers le nord, en lien avec le changement climatique. Tout en rappelant aussi l’impératif de proposer une formation publique : « si on veut que des jeunes issus de milieux ruraux ou agricoles tentent un cursus vétérinaire, cela ne peut pas être une école privée ».
Pour lui, porter ce projet apparaît ainsi comme « une bataille vitale », et a, dans ce contexte, le grand avantage de s'ancrer dans l’approche Une seule santé. Cette approche est portée par la Région Nouvelle-Aquitaine en matière de santé de manière générale. Ainsi, le « prisme une seule santé s’applique désormais de manière systématique aux grandes priorités stratégiques de la feuille de route santé adoptée en février 2023, pour la période 2023-2028 », est-il expliqué sur le site de la Région. A Limoges, cela s’est notamment décliné avec la création de l’institut OmegaHealth, regroupement de plusieurs unités de recherche, et le lancement d’un DU sur l’antibiorésistance et l’approche One Health, tout comme un remaniement d’un Master 2 One Health et Santé Publique ouvert aux vétérinaires. C’est d’ailleurs ce Master qui est intégré aux aides offertes par la Région, pour l’installation de vétérinaires ruraux sur son territoire.
Un souhait de lancer une 6e année de spécialisation vétérinaireEn attendant d’éventuelles avancées sur le projet nouvelle école publique, les porteurs du projet souhaitent proposer dans un premier temps, une 6e année de spécialisation vétérinaire à Limoges. Cette annonce n’est pas nouvelle, mais a été représentée lors de la conférence de presse. Comme expliqué, il s’agit d’un projet qui s’inscrit dans des enjeux territoriaux. Il a aussi été évoqué l’importance de disposer d’une formation de proximité pour les jeunes des zones rurales. Cette 6e année serait une démonstration de ce que la Région peut offrir en termes de pédagogie d’avenir, basée sur le décloisonnement des santés et et la fin du fonctionnement en silo qui prévaut encore aujourd’hui. A ce stade, il a été précisé que le projet pédagogique de cette 6e année, était de travailler sur deux filières, une axée sur la recherche et l’autre sur la pratique.
Interrogé en fin de conférence de presse par un journaliste du public, résumant la situation - « le rapport dit que ce n’est pas une bonne idée, vous dites que ça l’est. Et maintenant ? » - Alain Rousset a répondu : « je me bats auprès de François Bayrou pour faire avancer ce projet. Ce dossier, on peut le prendre de deux façons. On peut se dire qu’on prépare la santé de demain. On peut se demander aussi combien de temps faut-il à un pouvoir régional, avec l’appui de toutes les forces en local, pour sortir un dossier. En France, pour un dossier de cette importance, il faut 7 à 8 ans ».
Et de conclure : « C’est un problème fondamentalement politique…on a un problème vital, ici, par rapport à l’élevage ».
A suivre !